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Histoires de couv’ : IG Magazine 1, du vert au rouge

On imagine souvent que pour faire la couverture d’un magazine il suffit de plaquer une jolie illustration fournie par l’éditeur de jeu et basta. Hélas, dans la vie réelle ça ne se passe pas du tout comme cela.

Faire une couverture c’est s’exposer à un bras de fer à quatre (si, si, dans ce cas de figure, on est quatre) : la rédactrice en chef, le graphiste, l’éditeur et le public test.

Les objectifs des différents protagonistes sont souvent antinomiques.

Pour la rédactrice en chef, la couverture est à la fois le reflet du dossier principal du magazine, un visuel qui accroche le lecteur potentiel et fasse vendre.

Pour le graphiste, la couverture est une image originale qui répond à des critères esthétiques élevés, qui n’est pas pollué par des titres en vrac et qui obéit à une cohérence graphique. Impossible de faire cohabiter un personnage en image de synthèse avec une image 2D !

Pour l’éditeur, la couv’ est surtout un support de communication et si elle reprend la jacquette du jeu ou les visuels officiels visibles partout ailleurs, c’est mieux car cela ancre ledit visuel dans les esprits.

Pour le public test, la couv’ est quelque chose d’assez sentimental qui reflète leur goût.

En gros, pour faire la couverture idéale, il y a déjà un gros problème d’ajustement entre toutes ces personnes.

L’éditeur ne comprend pas toujours que fournir des visuels de personnages détourés en PSD avec une très grande résolution est indispensable pour créer une image de couverture de qualité et une affiche en 60 x 80 qui ne ressemble pas à de la bouillie.

Le graphiste ne comprend pas qu’il n’a pas un mois entier pour faire le visuel, que l’éditeur ait son mot à dire et que parfois les validations suivent des procédures obscures.

Le public cible ne comprend jamais pourquoi on n’a pas choisi la couv’ qu’il espérait secrètement.

En fait, dans le cas d’IG, on s’est un peu compliqué la tâche (déjà bien compliquée de base) puisque le parti pris est que l’image doit entrer dans une forme spécifique, qu’aucun texte ne figure dessus et qu’elle est reprise en parti dans la seconde et quatrième page de couverture par des illustrations en pixel art… Oui, on est masochiste parfois.

Et comme en plus, IG est un nouveau magazine, il faut tout penser au niveau du placement des éléments : nom du magazine, titres, mention légales…

Pour IG Magazine 1, nous avions tablé sur une image de Street Fighter IV pour être dans l’actualité du moment et correspondre au long dossier « baston » qui servait de fil rouge au premier numéro. Un premier graphiste avait planché sur une proposition avec les nouveaux personnages du jeux. Cela nous permettait de faire une accroche adéquate avec le « here comes a new challenger » que l’on entend à chaque fois qu’un second joueur intervient pour défier le premier joueur dans Street Fighter et qui correspondait aussi à notre position : challenger sur le marché oligarchique de la presse jeu vidéo.

Tous les premiers communiqués de presse avaient été fait avec ce visuel. Mais finalement, il n’a pas été retenu.

Les raisons de ce rejet : la couleur était trop verdâtre et rien ne se détache vraiment. Ajoutez à cela le fait que ces nouveaux personnages sont trop « nouveaux » pour attirer l’œil du consommateur potentiel et l’on comprend mieux pourquoi l’image finale propose les personnages plus connus (et traditionnels) de Street Fighter : Ryu, Ken, Chun Li, Blanka, Honda, Sagat, Bison, Cami…

Le problème de cette nouvelle composition vient des images sources. Nous avions tous les personnages séparément et il fallait les rassembler dans un visuel cohérent. Mais les tâches d’encre si esthétiques étaient dans certains cas absentes. Certains personnages ont dû être détourés à la main (tâche d’encre inclus). Des effets ont été ajoutés pour que l’ensemble soit homogène et gagne en impact visuel. Dernier détail que personne n’a vu : sur l’épaulette de Bison, deux tâches d’encre figurent Ken et Ryu en train de se battre. Oui, le graphiste est pointilleux…

Une couleur de fond très vive a été choisie et pour l’habiller on retrouve les personnages de Street Fighter en pixel art sur une trame. Oui, le graphiste est très pointilleux.

Une fois que le graphiste a réalisé son image, il ne reste plus au maquetiste et à la rédactrice en chef de définir la position des titres, de la baseline et des autres mentions.

Au final, nous avons opté pour la version la plus simple. L’une des versions a ensuite servie de base pour la réalisation d’une affiche promotionnelle.

Et qu’est-ce que ça donne une fois que tout est fait et mis en vente ? Les marchands de journaux ne sachant quoi faire avec ce nouveau produit l’on placé là où ils pensaient que le mag devait figurer : rayon comics ou manga…

Moralité : pour un nouveau mag, il vaut mieux préciser dans un gros macaron jaune fluo dans quelle catégorie ranger la revue.

Accessoirement, le graphiste me souffle que, vu que certains rangent les magazines masculins avec le porno, on se demande parfois à quoi ça sert qu’on se décarcasse.

Et voilà !

La suite au prochain post pour découvrir les coulisses d’IG 2 qui fut bien plus mouvementé.

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