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Alvin Lee, de fan à concept artist

Vous idolâtrez Street Fighter et avez appris à dessiner en copiant les personnages ? Vous rêviez de faire une BD avec les héros de Capcom ? Vous pensez que c’est impossible ? Alvin Lee l’a fait. Il ne vous reste plus qu’à suivre ces traces.

Il faut croire que pour percer dans le comics, il faut s’appeler Lee lorsqu’on a des origines asiatiques. Est-ce une conséquence du succès de Bruce Lee ? Ou faut-il y voir l’influence de Stan Lee sur la BD américaine ? Quoi qu’il en soit Alvin Lee, était bien décidé à devenir un artiste.

Ce Canadien issu de l’immigration a commencé le dessin comme bien d’autres durant ses heures de classe, assis bien concentré au fond de la classe, pour ne pas être dérangé par le cours du (malheureux) prof.

À 17 ans, après avoir fait le tour des éditeurs avec son book, il est engagé chez Dreamwave Productions. Il commence par faire l’encrage des planches dessinées par d’autres (notamment Pat Lee).

Le travail est assez peu créatif. Il s’agit de mettre au propre le crayonné initial et de faire les finitions.

Mais c’est aussi une façon comme une autre d’apprendre à dessiner en se glissant dans le style d’autrui. Au fil du temps, il s’améliore et devient dessinateur à 20 ans (c’est-à-dire qu’il n’a plus qu’à faire le crayonné, l’encrage et la mise en couleur étant faite par d’autres).

Finalement, il a aujourd’hui le privilège de ne plus s’occuper que de l’illustration de la couverture, sans plus se préoccuper des pages intérieures. Jusque-là, rien de neuf sous le soleil des super héros.

Et pourtant, le parcours d’Alvin Lee va soudain vous intéresser car il a participé à la création des comics Street Fighter.

Le petit Alvin n’imitait pas Dragon Ball mais les héros de Capcom. Parmi ses artistes favoris, on compte Daigo Ikeno et Edayan, deux illustrateurs officiels de Street Fighter.

De simple fan, il est devenu un professionnel participant au design des jeux Capcom. Et ce n’est pas sans une certaine fierté qu’il exhibe sur sa page web une photo, où il est entouré par Shinkiro (Art of Fighting, King of Fighting, Capcom Fighting Jam…) et Ikeno (Street Fighter III et IV).

Sa passion pour les jeux de combat le mène chez Udon (« nouilles japonaises »), collectif créé en 2001. Il regroupe des fans de manga et de jeux vidéo talentueux venant d’Amérique du Nord (Canada, Californie, Washington DC).

Ils obtiennent l’autorisation de Capcom pour faire une série de comics : Street Fighter, puis Darkstalkers et Rival Schools. Le premier opus du comics Street Fighter paraît en septembre 2003.

Treize d’autres vont suivre avant d’être regroupé en un volume Ultimate Street Fighter de 450 pages avec quelques bonus en 2006.

La collaboration entre Udon et Capcom ne s’arrête pas là. Le studio conçoit également les artworks du jeu Capcom Fighting Jam (2005) et le Super Street Figter II Turbo HD Remix (2008).

Ils ont également édité des artbooks célébrant les personnages de la firme japonaise et réalisés des illustrations pour les cartes de jeu Street Fighter.

Une première adaptation de Street Fighter en comics était sortie en 1993. Elle était horrible : les graphismes sont hideux et l’intrigue n’a que peu de rapport avec celle des jeux. C’est à peine si l’on reconnaît les personnes dans leur version américanisée.

Après trois numéros, la série s’arrête. Lorsque Alvin Lee reprend le titre en 2003, l’intrigue et le style graphique initial sont respectés. L’artiste propose une synthèse efficace du comics et du manga.

De la BD américaine, il garde les proportions réalistes et les personnages musculeux. Du manga, il prend tout le reste. Le découpage devient ultra dynamique avec cases asymétriques, des personnages débordant du cadre et des cases à bord perdu…

Les changements de cadrage sont nombreux. Champ contre-champ, insert, contre-plongée : tout est fait pour donner une approche cinématographique des combats.

Si vous êtes un joueur de Street Fighter, vous apprécierez ces différentes mises en scène des combats dignes des meilleurs film d’action HK.

Dommage que la mise en couleur fasse souvent mal aux yeux… Alvin, soit sympa, ne laisse plus les autres coloriser tes planches de BD ! Dommage aussi que l’intrigue du comics Street Fighter ne reste pas dans les annales, mais tout le monde ne s’appelle pas Alan Moore…

Depuis la fin de la première série de Street Fighter, Udon a engagé d’autres équipes pour faire d’autres comics déclinant la licence japonaise.

De son côté, Alvin Lee travaille pour d’autres studios et s’occupe notamment de super héros pour Marvel. Mais nous lui serons à jamais redevable pour le portage d’un jeu en bande dessinée. Et c’est déjà pas si mal !


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Article paru dans IG magazine en 2009.

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