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Clamp : quatre femmes toujours dans le vent

Parmi les auteurs de manga les plus prolifiques et admirés on trouve un groupe de femmes qui depuis près d’un quart de siècle alimente l’imaginaire et la culture populaire du Japon : Clamp. 

Auteur prolifique de manga, Clamp n’est pas un auteur mais un collectif de dessinatrices. Le terme Clamp a longtemps été traduit par « crampon ». Il signifierait en fait « montagne de pommes de terre ». Avec un pareil, il est sûr que l’autodérision est de mise.

Lycéennes, les filles du groupe Clamp fréquentaient les mêmes cours de dessin et avaient la même passion pour la bande dessinée. Ce n’était alors qu’un loisir comme un autre. Le groupe se nommait alors Amarythia.

À leur début à la fin des années 80, elles dessinaient essentiellement des parodies de dessins animés ou de jeux vidéo pour un public de fans (dôjinshi). Bien des mangaka ont d’ailleurs débuté de la même manière.

Elles vendaient leur dessin sous forme de fanzines lors de convention d’amateurs. Elles en sont arrivé à publié un volume par mois. À cette époque, elles étaient douze : Mokona Apapa, Satsuki Igarashi, Mick Nekoi, Nanase Ohkawa, Tamayo Akiyama, Sei Nanao, Leeza Sei, Soushi Hisagi, Kazue Nakamori, Shinya Ohmi, Inoue Yuzuru et O-Kyon.

En 1989, elles se sont lancées dans le manga professionnel avec RG Véda. À la fin de la série, il n’y avait plus que 7 dessinatrices sur les douze participantes initiales au projet.

Puis le groupe Clamp s’est réduit à quatre membres : Nanase Ôkawa, Mokona Apapa, Mick Nekoi et Satsuki Igarashi. En 1994, à l’occasion du 15e anniversaire de leur groupe, les quatre femmes ont décidé de changer de pseudonyme.

Nanase Ôkawa est devenue Ageha Ôkawa, Mick Nekoi s’appelle maintenant Tsubaki Nekoi. Le nom de Mokona Apapa s’est réduit à Mokona et celui de Satsuki Igarashi s’écrit d’une autre manière tout en conservant la même prononciation.

Ageha Ôkawa occupe le poste de chef de projet. Elle écrit les scénarios et supervise la mise en page. Mokona s’occupe des dessins principaux tandis que Tsubaki Nekoi se consacre surtout aux personnages en style Chibi (SD, mini BD humoristique en bonus à la fin des volumes).

Dans Wish, Mokona a cédé la place de dessinatrice principale à Tsubaki Nekoi. Il en est de même pour Suki, Watashi no Suki na Hito et Legal drug. Le rôle de Satsuki Igarashi est sans doute le plus ingrat puisqu’elle s’occupe des trames. Mais elle le fait avec un tel talent que sans elle Clamp ne serait pas Clamp.

Parmi les anciennes membres de Clamp, il faut citer Tamayo Akiyama et Leeza Sei . La première était en charge des dessins de Cluster. Elle a poursuivi seule sur cette œuvre après avoir quitté le collectif en 1992. Elle s’était aussi occupée du scénario de Derayd.

Quant à Leeza Sei, elle était une dessinatrice assistante sur RG Véda. Elle s’est occupée de Combination jusqu’au volume 3. Elle a continué la série seule après son départ de Clamp. Elles sont toutes deux des mangaka professionnelles même si elles ne font plus partie de Clamp.

Les Clamp sont connus pour travailler et vivre ensemble. Elles auraient la manie de déménager régulièrement et elles adorent les jeux vidéos. Pendant la création de Magic Knight Rayearth, elles se sont ainsi longuement défoulées en jouant à Sonic.

C’est aussi à cette époque qu’elles ont adopté un chat, Kakyô, dont elles racontent les aventures dans les mini BD bonus. Elles en ont fait un personnage de leur manga X. C’est un liseur de rêve (yumemi) qui en réalité est dans le coma, cloué dans un lit d’hôpital.

Elles ont pris l’habitude de travailler sur plusieurs séries en parallèle. Durant une longue période, quatre séries ont été réalisée en même temps : X, Legal Drugs, xxxHOLIC et Tsubasa RESERVoir CHRoNiCLE.

Autre élément récurrent, elles multiplient les cross-over. Les personnages d’un manga se retrouvent dans un autre ou y sont évoqués. Des lieux comme le café Dukalyon ou le Clamp Campus deviennent presque réels à force d’être mentionné dans divers manga.

Si les Clamp ne sont pas toujours très innovantes au niveau des scénarios ou des dessins, on ne peut pas leur enlever un certain talent à adapter dans leur style tous les types de récit ou de graphisme.

Influences graphiques

Parmi les emprunts graphiques des Clamp, les plus importants et les plus visibles se trouvent dans leur première œuvre RG Véda. L’influence de H. R. Giger est nette dans certains décors où apparaît Ashura-Ô.

L’esthétique macabre et glauque qui a marqué le design de la créature d’Alien est impossible à nier. Mais c’est surtout l’artiste Mucha qui possède une ascendance durable sur les dessins de Mokona.

L’influence de Mucha est très présente dans les illustrations, mais en ce qui concerne les pages de manga, il faut dire que Clamp sait s’adapter aux récits qu’elles créent. Dans RG Véda et jusqu’à Magic Knight Rayearth, la page avait tendance à être un peu surchargée et presque difficile à lire.

Au contraire dans Clover, on a affaire à un petit bijou de mise en page et de légèreté. L’esthétique prime sur l’intrigue. Chaque double page est une invitation à la contemplation.

Dans Card Captor Sakura, le dessin se rapproche de ceux qu’on voit dans la plupart des shôjo et l’ensemble est assez aéré par rapport à leur autre manga où le noir est plus marqué.

Mokona a d’ailleurs la réputation de tellement appuyer sur les crayons qu’elle emploie un papier particulièrement épais pour ne pas être troué.

Depuis Angelic Layer et surtout Chobits, le style de Mokona a encore évolué, comme si le changement de public (passage du shôjo au shônen et au seinen) avait des conséquences sur le dessin qui doit plaire à un lectorat plus masculin que féminin.

Dans xxxHolic, on remarquera l’influence discrète du créateur de One Piece, Eiichirô Oda : les corps deviennent élastiques et les cadrages évoquent ceux de cet auteur de shônen.

En dehors des variations graphiques liées au style de récit, les Clamp aiment à faire référence au jeu vidéo. Fans de jeu de rôle, elles semblent avoir en quelque sorte créé le jeu de rôle ultime avec Tsubasa Reservoir Chronicles où, selon les mondes alternatifs, les héros changent de costume et de personnalité d’emprunt.

Dans le pays de Jade, Fye est un écrivain accompagnée de sa sœur Sakura, de son assistant Shaolan et d’un valet (Kurogane). Dans le pays d’Ôto, Fye et Sakura sont nommés grand chat et petit chat et ils tiennent un café tandis que Kurogane et Shaolan (grand chien et petit chien) sont des chasseurs de démons.

L’idée de jeu de rôle est renforcée dans ce monde car les héros vivent dans un univers virtuel où les adversaires sont classés selon leur puissance comme les personnages d’un jeu vidéo. À la manière de la série .hack//SIGN, ces épisodes de Tsubasa se déroulent dans le monde créé par un ordinateur.

Admiratrice de la série Jojo Bizarre Adventure de Hirohiko Araki, elles en reprennent l’idée du « stand ». Cette notion apparaît sous le nom de Kudan dans le Pays d’Hanshin.

Comme dans le manga d’Araki, il s’agit d’esprits qui peuvent sortir du corps de leur hôte pour se mettre à leur service. Dans Tsubasa, les kudan apparaissent dans les rêves de chacun des héros pour leur demander s’ils peuvent collaborer.

Comme on peut le constater, les Clamp s’inspirent de bien des sources pour créer des manga qui gardent pourtant leur patte si particulière.

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