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Esthétique du difforme dans les jeux vidéo d’horreur

Dans un jeu comme dans un film d’horreur, l’angoisse peut être générée par différents éléments comme une musique menaçante, l’obscurité sciemment dosée ou des effets de surprise qui font sursauter le joueur/spectateur. Avec les progrès techniques, l’infographie permet de mettre en image le difforme, les monstruosités les plus malsaines pour renchérir dans l’épouvante. Voici un florilège des figures horrifiques que l’on peut rencontrer dans les jeux.

Comme l’indique son étymologie, le terme monstre désigne la chose visible qui choque celui qui la voit et la montre du doigt. Dans la plupart des jeux d’horreur, les artistes ont pu laisser libre cours à leur imagination macabre pour confectionner les monstres les plus ostensibles. Il s’agit de faire plus effrayant et inédit à chaque titre.

Mis à part les figures traditionnelles du vampire, du loup-garou et du zombie, on observe plusieurs figures récurrentes dans les jeux vidéo d’horreur. Il s’agit à chaque fois de concevoir une créature rappelant le monde quotidien pour mieux faire ressortir la difformité propre à susciter l’effroi. Ian Milhan, Art Director de Dead Space, nous expliquait ainsi la création des nécromorphes, humains monstrueux à abattre dans la série de science-fiction héritière d’Alien et de The Thing :

« Il est assez simple de dessiner des aliens ais il est plus difficile d’en faire des êtres effrayants. C’est pourquoi nous avons fait en sorte de conserver un maximum de références au corps humain car cela provoque toujours des réactions d’effroi assez instinctives. […] Nous sommes partis de diverses formes, de squelettes, et nous y avons accolé des morceaux de corps humain ou des combinaisons de plusieurs corps… […] Disons que nous faisons en sorte que l’on éprouve un peu d’empathie pour ces entités, sinon ce serait des êtres anecdotiques comme dans un train fantôme. Il faut que le joueur puisse reconnaître les éléments humains qui constituent le nécromorphe pour qu’il puisse imaginer la douleur de la transformation. Cela ajoute de la densité et une pointe dramatique à l’ensemble. C’est toujours plus angoissant lorsque vous pensez qu’une chose peut vous arriver à vous aussi. » (Rencontre avec Ian Milhan, IG Magazine 12)

Les bébés

Rosemary’s Baby est considéré par beaucoup de critiques comme l’un des premiers films d’horreur des États-Unis. Le meurtre de la femme enceinte du réalisateur peu de temps après le succès du film par une secte a fait couler beaucoup d’encre à l’époque car celle-ci a failli jouer le rôle de Rosemary. Malgré le titre, on ne voit pas l’enfant à l’écran. Celui-ci est censé être le fils du diable et d’une humaine.

Dans les jeux vidéo, les bébés horrifiants reviennent régulièrement signe d’une inversion des valeurs provoquant l’angoisse. L’être qui symbolise la pureté devient régulièrement un monstre tueur. Ce qui est habituellement perçu comme mignon et inoffensif devient repoussant et dangereux. Dans Doom 3, ce sont les Cherubs, version abominable du chérubin, angelot ailé au visage doux. Dans Dead Space 1, les troupes de bébés rampant avec des tentacules leur sortant du dos crient et courent vers le joueur pour s’agripper à lui comme lui sucer le sang avec des dents acérés. Dans le second volet, une scène d’ambiance montre une femme appelant son bébé et le prenant dans ces bras sans se rendre compte que celui-ci est infecté. Le héros derrière une vitre ne peut rien faire si ce n’est assister à la scène : le bébé explose et le sang recouvre la fenêtre… Évidemment, dans ce jeu où la bande son est extraordinairement terrorisante, les cris de bébé naturellement crispant pour faire réagir les parents servent également d’éléments horripilants pour stresser les joueurs. Dans Shadow of the Damned, des têtes de bébés incrustés dans les portes pleurent également pour ajouter une ambiance sonore morbide au monde où évolue le héros.

Les premiers ennemis monstrueux que le héros rencontre dans Silent Hill sont des sortes de bébés armés de poignards. Impossible de leur échapper : le joueur est obligé de vivre sa « mort » pour ensuite se réveiller dans un bar (presque) vide en se demandant s’il a rêvé ou non. À la fin du jeu, le joueur affronte un bébé monstrueux. Les concepteurs avaient initialement une seule sorte de bébé tueurs mais face aux potentiels problèmes de censure et pour ajouter de la variété aux ennemis, il y a finalement plusieurs modèles de bébés monstres dont des bébés fantomatiques que le personnage peut voir autour de l’école et qui disparaissent une fois qu’on les touche.

Dans Parasite Eve, le thème de la grossesse monstrueuse est également présent et le joueur se bat contre le « Ultimate Being », né d’une « Eve » (femme dont les mitochondries mutantes ont pris possession pour en faire un monstre) et d’un sperme spécialement créé par un savant fou.

On trouve aussi un bébé géant en guise de boss dans Half Life : le Nihilanth. Le jeu n’est pas considéré comme un jeu d’horreur mais dont la galerie de monstres peut y faire penser.

La petite fille

Plusieurs jeux japonais amènent le joueur à incarner une jeune fille pour mieux lui faire ressentir l’angoisse et le mettre dans une situation où il est vulnérable : Project Zero, Clock Tower, Siren : Blood Curse. Dans Silent Hill et Dead Rising 2, le joueur incarne un père, respectivement à la recherche de sa fille et de médicaments pour sa fille malade. Mais le personnage de la jeune fille occupe aussi une place de choix dans la galerie des monstres. Il faut dire qu’elle figure en bonne place dans plusieurs classiques du cinéma d’horreur qui ont vraisemblablement bercé l’adolescence des game designers.

Le film de Brian de Palma inspiré du roman de Stephen King met en scène Carrie, une adolescente aux pouvoirs télékinésiques qui finit par tuer tout le monde lors du bal de fin d’année. À cette occasion, elle est recouverte de sang de porc ; au début du film, ses camarades de classe l’ont harcelée en lui jetant des tampons hygiéniques car elle découvrait ses premières règles. Dans L’Exorciste, un prêtre lutte pour libérer une jeune fille de la créature qui la possède. Depuis le film japonais Ring, une version de la jeune fille au visage recouvert par sa chevelure a été popularisée. Les Japonais s’inspirent du Onryo, fantôme revenu parmi les hommes pour assouvir une vengeance, qui dans le théâtre kabuki est souvent symbolisé par une fille échevelée en kimono blanc et au visage pâle orné de bleu.

Dans la série F.E.A.R., Alma est d’abord vue comme une petite fille en robe rouge dont les longs cheveux cachent le visage. Dotée de pouvoirs psychiques, elle est l’ennemie à « contenir » dans les trois titres de la série. Elle peut aussi faire penser à Akira, personnage du manga éponyme de Katsuhiro Otomo, que ses pouvoirs psychiques trop grands et incontrôlables ont poussé les scientifiques à conserver dans un état où elle ne peut pas nuire. Dans une interview, le designer Craig Hubbard explique que la petite Alma a l’apparence d’une fillette de huit ans et qu’il s’est inspiré des personnages féminins de Séance(Mark Smith, 2006), de Ring (Hideo Nakata, 1998) et des jumelles de Shining (Kubrick, 1980).

Dans BioShock 1 et 2, les « Petites Sœurs » sont des fillettes de sept ans dans lesquelles on a implanté une limace de mer produisant de l’Adam, sorte de cellule souche pouvant provoquer différentes mutations génétiques et permettre au joueur d’acquérir des pouvoirs. Elles récoltent l’Adam sur les cadavres et vous devez les défendre pendant cette opération. Le joueur peut soit « récolter » les Petites Sœurs (les tuer pour avoir plus d’Adam, plus vite), soit les aider à devenir libres en les débarrassant de la limace qui les habite. Ces charmantes créatures équipées de seringues appellent les monstres qui les protègent les « Big Daddy » (« Monsieur P » en version française). Et comme, dans le second épisode, vous incarnez justement un de ces protecteurs, vous aurez le choix de tuer ou de garder en vie votre nombreuse progéniture…

Dans Dead Space 2, les bébés au dos tentaculaire semblent avoir évolué en gamins affamés et à la bouche tordue par leurs multiples dents. Là encore, il faut les démembrer stratégiquement.

La femme

Les films et jeux d’horreur jouant sur l’altérité pour créer l’angoisse, la femme est l’une des figures les plus récurrentes et ce d’autant plus que depuis l’Antiquité romaine, Éros et Thanatos sont liés dans une mélancolie effrayée.

Dans la série Silent Hill, les infirmières, figures appréciées dans les films érotiques et pornos, deviennent des monstres sans visage mais gardant des poses lascives, notamment dans le deuxième volet. L’objet de fantasme avec sa blouse symboliquement blanche et pure devient une figure de la terreur caractéristique de la série.

Dans Siren, produit par le créateur du premier Silent Hill, on retrouve également des infirmières peu amènes. Doit-on y voir une obsession plus personnelle ?

Pour en finir avec Silent Hill, le deuxième épisode met en présence le héros et une femme dont le nom ne diffère que d’une syllabe de celui de son épouse défunte, qui lui ressemble physiquement en tout point mais qui est son opposé sur le plan du caractère. Elle n’est pas l’un des monstres à abattre ou éviter à proprement parler mais elle participe de l’atmosphère glauque du titre.

Dans Condemned 2, l’un des boss est une femme au design aussi sexy que macabre avec son corset, sa jupette, ses bas et sa sucette géante en guise de scie circulaire. Le jeu ambigu sur la mort et l’amour se voit aussi dans System Shock et Portal, où l’intelligence artificielle malfaisante est doté d’une voix féminine.

Left 4 Dead propose des « Witch » (littéralement « sorcière »), ennemis d’apparence femelle dotés de griffes qui vous laissent tranquille tant que vous n’allez pas les déranger. Laissez-les pleurer dans un coin sombre, ou elles peuvent vous tuer en un coup. Valve introduit ensuite des « Wandering Witch », une version d’ennemi qui se promène le jour et reste immobile de nuit. Dans Left 4 Dead 2, la « Spitter » (littéralement « cracheuse ») est un zombie femelle, dont les développeurs expliquent la conception sur leur site. Au départ, elle devait plutôt ressembler à une femme lambda nantie d’une tête ahurie de zombie et d’une coiffure en pétard. Mais la robe posait des problèmes au niveau de l’animation et ils ont produit un modèle en petite tenue avec chignon. Cette fois, le souci venait de la lisibilité de l’ennemi par rapport aux autres espèces de zombies trapus ou massifs. Ils ont finalement opté pour la version actuellement en jeu : une femme au cou démesurément long, la bouche plus qu’ouverte, des talons hauts et des couettes pour la touche féminine…

Le joueur de Parasite Eve incarne une policière qui doit empêcher différentes femmes ayant muté de brûler plus de gens et d’accoucher d’un monstre. L’accouchement est aussi un problème pour Alma dans F.E.A.R., ainsi que pour différents personnages féminins de Silent Hill.

Dans The House of the Dead : Overkill, l’un des boss est une femme hurlante qui rappelle les vaguement les Onryo. Mais celle-ci n’a rien de sexy. Juste un monstre à abattre.

Les chimères et assemblages

Dans la mythologie grecque, la chimère (khímaira) est un monstre composite ayant une tête de lion, une autre de chèvre et une queue avec une tête de serpent. Le héros Bellérophon la tue dans l’un des récits de L’Iliade. Curieusement, elle figure dans le jeu Dragon Dogma que produit actuellement Capcom. Plus prosaïquement, le terme tend aujourd’hui à désigner des choses illusoires. Une chose est sûre, le mélange est perçu depuis la Grèce antique jusqu’à nos jours comme une abomination.

Parmi les créatures les plus courantes, il y a bien sûr les monstres fabriqués de plusieurs parties animales et humaines. C’est le cas dans Parasite Eve avec un monstre moitié homme, moitié rat ou dans F.E.A.R. 3 avec une créature mi-homme mi-félin. On pourrait d’ailleurs presque y inclure les loups-garous (mi-homme mi-loup) et les vampires (mi-homme mi-chauve-souris). Mais il y a plus effrayant que ce genre de mélange finalement assez banal. Après tout, les Grecs avaient déjà des hybrides mi-homme mi-taureau (Minautore), mi-homme mi-cheval (Centaure), mi-homme mi-poisson (Triton), mi-homme mi-bouc (Satyre), mi-femme mi-oiseau (Harpies)…

Les hybridations plus inédites et terrifiantes se présentent sous la forme de créatures comportant des agrégats d’insecte et d’homme. Dans Resident Evil, la chimère est une arme biologique créée à partir d’une mouche et d’un humain. La référence au film La Mouche de David Cronenberg (1986) semble assez évidente. En dehors du fait que la créature est issue d’une hybridation improbable, le fait de reconnaître des parties de corps humain ajoute au dégoût que le joueur peut ressentir par rapport à cette chimère moderne.

D’autres hybrides entre le monde des insectes et les humains apparaissent dans les jeux d’horreur avec des parties humanoïdes plus ou moins prononcées. Dans RE : Darkside Chronicles, RE : Code Veronica et RE : Gun Survivor 2, les joueurs affrontent Nosferatu, humain transformé en monstre par l’injection du virus T-Veronica (qui a été modifié avec des gènes de reine fourmi). Là encore, les pattes griffues sortent du corps humain. Un autre personnage dans RE : Darkside Chronicles et RE : Code Veronica, également atteint par le virus T-Veronica, subit trois mutations successives qui lui enlèvent au fur et à mesure son apparence humaine. Resident Evil 4 propose lui aussi beaucoup de croisements homme-insecte comme l’U3 et le Verdugo.

Le thème de la femme-araignée semble assez important dans Silent Hill, et plusieurs créatures entrent dans cette catégorie. Dans le deuxième épisode, on trouve ainsi une curieuse créature faite uniquement de jambes assemblées (le mannequin), à moins qu’il ne s’agisse d’un corps courbé en deux sans mains ni tête.

Parasite Eve a lui aussi une petite collection d’hommes-insectes dont un « Flyman » (mélange entre une mouche et un homme) et une femme-araignée qui, lors d’une cinématique, se démembre pour mieux grimper sur les murs.

Certains villageois de Siren : Blood Curse se transforment en des croisements de libellule et d’humain, particulièrement repoussants car les images sont très photoréalistes pour que l’on profite au maximum de cette vision terrifiante.

Dead Space ne comporte pas vraiment d’homme-insecte mais certains des nécromorphes sont pourvus de bras évoquant des pattes d’araignées géantes équipées de lames.

Half-Life propose en guise d’ennemi une créature hybride entre l’invertébré et l’humain, du moins sa main : le « Head Crab » est une sorte d’insecte rampant qui se jette sur la tête des adversaires (d’où son nom) et qui ressemble à une main coupée dotée de griffes.

En dehors de ces assemblages humains-insectes, on trouve aussi des mélanges invraisemblables comme des formes géométriques de base et des humains. Pyramid Head est l’exemple le plus connu. Ce monstre de Silent Hill 2 et 3 est né de l’admiration de Masahiro Ito pour Francis Bacon. D’autres monstres évoquent aussi ce peintre contemporain comme le « Flesh Lip », morceau de chair orné d’une bouche, le tout suspendu à une cage oblongue.

Dernière hybridation très à la mode dans les années quatre-vingt, le biomécanique inspiré de Giger et de ses créatures mi-homme mi-machine que l’on voit notamment dans le film Alien de Ridley Scott. Il semble que la tendance dans les jeux comme dans les films de cette série soit à l’organique et à ses mélanges, plus qu’à la mise en valeur d’éléments mécaniques saillant hors des chairs.

Enfin, on pourrait presque faire entrer dans cette catégorie les assemblages d’humain (ou de plusieurs morceaux de corps humains) et autre siamois repoussant qui figurent (encore) dans Silent Hill et d’autres titres comme Shadow of the Damned, House of Dead : Overkill. Mais il faut sans doute plutôt les mettre dans la dernière catégorie : les difformités à base de chair.

Humanoïdes et amas de chair

Une fois de plus, les designers partent du corps humain pour le déformer et faire ressentir du dégoût ou de la terreur face à la nouvelle créature. On pourrait tenter une classification entre les divers amas de chair.

Les séries des Resident Evil et Silent Hill comportent surtout des corps distendus, comme congestionnés. Il peut s’agir d’hypertrophie de certains muscles ou parties du corps, ou de veines saillantes. Le corps peut se couvrir de cloques géantes ou devenir une sorte de ballon de baudruche en peau. Les membres se multiplient et les tentacules (ou langues) sont démesurément longs. Toutes ces boursouflures, qu’un psychanalyste pourrait qualifier de phalliques, sont là pour montrer la puissance physique de la créature.

Les « Tyrant » et les « Némésis » de Resident Evil sont des super-guerriers issus d’expériences génétiques sur des humains dont le corps gonfle en signe de puissance accrue. Parmi les créatures mémorables, William Birkin, virologiste, s’injecte sa propre création et mute à cinq reprises, perdant à chaque fois son apparence humaine pour devenir un trou orné de chair et de dents avec des tentacules menaçants. La fragmentation du corps en de multiples éléments qui semblent autonomes et qui prennent le dessus sur la forme initiale marque la déshumanisation du personnage.

Le bien nommé « Licker » de Resident Evil est une transformation de l’humain en bête rampante avec une langue toujours sortie. On retrouve cet appendice bien pendu chez le « Smoker » de Left 4 Dead : il s’en sert pour attraper les survivants et les étrangler à distance. Dans Siren : Blood Curse, le visage de l’infirmière se couvre de protubérances aux couleurs psychédéliques pour créer un être vraiment perturbant à défaut de donner une impression de puissance.

Silent Hill 3

Comme nous ne sommes pas face à des tableaux mais à des jeux vidéo, les designers adaptent les visuels au gameplay afin de produire des silhouettes « efficaces » qui permettent aux joueurs de comprendre assez vite comment se comporte l’ennemi. Dans le cas de Left 4 Dead 2, les graphistes de Valve ont modifié le « Charger » pour qu’il ressemble moins au « Tank » (grosse brute et tas de muscles) et qu’on le repère plus vite par rapport à d’autres types d’ennemis : c’est ainsi que dans la version finale, l’infecté a un corps asymétrique. Pour le « Jockey », qui s’agrippe au dos du joueur (d’où son nom), ils ont accentué le côté massif du corps et allongé les membres pour mieux entourer le personnage et le faire peser de tout son poids sur le malheureux qui le porte.

Parallèlement à ces corps enflés par un virus ou une maladie, on trouve aussi des corps ouverts avec ossature apparente, un peu à la manière des mannequins didactiques dans les salles de classe en médecine. Paula, petite amie défunte du héros de Shadow of the Damned, est constamment fendue en deux par des monstres surgissant de son corps (ou de ce qu’il en reste) et le déchirant comme une enveloppe inutile. La plupart des ennemis sont des sortes d’écorchés, squelettes pourvus de muscles mais sans peau. Les nécromorphes de Dead Space appartiennent presque tous à cette veine de monstres aux carcasses explosées : têtes à la mâchoire ouverte et multiple, corps fendu en deux, squelette traversant les chairs de part en part… L’ouverture des corps a quelque chose d’à la fois fascinant et terrifiant.

Tous ces corps écartelés et béants pour mieux faire ressortir les os et les dents doivent être réduits en petits morceaux par le joueur, qui ne peut arrêter les ennemis qu’en les démembrant. Il faut opérer en quelque sorte une élimination systématique des articulations pour empêcher les monstres de progresser. Cette action ajoute une dose de dégoût à l’ensemble.

Enfin, pour essayer de se distinguer de toutes ces créatures monstrueuses, les designers d’Amnesia sont sans doute parvenus à façonner l’être difforme le plus grotesque du jeu vidéo. Il s’agissait de créer un ennemi qui donne l’impression d’être bête sans avoir l’air du zombie de base. Pour cela, l’équipe de Frictional Games a fait appel à un artiste free-lance, Jonas Steinick Berlin, qui a proposé différents concepts. Les premiers présentaient un personnage en costume avec un visage déformé comme si une entité prenait possession d’un corps humain et le déformait pour s’y sentir plus à l’aise. Ces ébauches n’ont pas été retenues car les développeurs trouvaient qu’elles ressemblaient trop à un personnage de conte connu en Scandinavie. Dans les versions suivantes, le monstre est dévêtu et doté d’un visage plus déformé. La bouche grande ouverte, il laisse pendre sa mâchoire inférieure comme s’il ne savait pas quoi en faire. C’est d’ailleurs le cas du concept artist, qui ne sait alors pas trop comment finir cette bouche. Pour la main gauche, plusieurs propositions ont été faites avant d’aboutir à la version finale avec une main boursouflée dotée d’une rangée de griffes supplémentaires. Et c’est ainsi qu’ils ont obtenu une créature étrange qui ne ressemble à aucune autre.

Bien sûr, il est possible de trouver nombre d’autres exemples de monstres basés sur des distorsions de corps humains et cet article ne vise pas à l’exhaustivité. Il n’est qu’une première approche pour vous montrer la diversité des créatures. À vous de classer celles que vous croiserez au détour d’un couloir sombre en jeu ou d’en inventer d’autres pour de futurs projets vidéoludiques.

La suite dans IG magazine hors série 3 en kiosque.

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