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Le temps dans Zelda : thème et élément de gameplay

Dans les premiers jeux vidéo, la notion de temps n’avait pas vraiment d’importance. Ainsi Space Invaders était-il un jeu sans fin, où seule la mort du joueur arrêtait la venue d’une nouvelle vague d’envahisseurs à détruire sans temps limité. Dans Zelda, la notion de temps est en quelque sorte apparue dans A Link to the Past. Au fil des épisodes, le temps a pris une importance croissante dans le gameplay et dans le récit. Et ce n’est pas pour rien que la notion apparaît dans les titres Ocarina of Time et Phantom Hourglass…

Jour et nuit

Quand le jeu vidéo était encore du pixel art, il était relativement difficile de faire des environnements changeant au fil des heures de la journée. Dans A Link to the Past, c’est néanmoins la nuit que se déroulent des événements atroces, jetant le héros dans l’aventure. Link est en effet réveillé en pleine nuit par un message télépathique. Au cas où la notion de nuit ne serait pas assez claire pour le joueur, Link doit prendre une lanterne pour s’aventurer au dehors. Il doit sauver la princesse Zelda et prendre le relais de son oncle mourant qui lui confie l’essentiel de l’attirail du héros : une épée et un bouclier.

Dans le premier jeu sur Game Boy, il semble que ce soit également de nuit que se déroule le naufrage amenant Link sur l’île mystérieuse. L’aventure débute là aussi par un réveil. Mais cette fois-ci, c’est Marine qui accueille le héros et non la voix de Zelda. Comme, dans l’imaginaire collectif, la nuit est toujours associée à des éléments angoissants, il n’est pas étonnant que les événements funestes se déroulent dans des moments sombres.

Par la suite, la puissance des consoles s’accroissant, Ocarina of Time propose au joueur de passer du jour à la nuit par l’effet d’une simple musique. La maîtrise du temps dans Zelda devient alors un élément de gameplay. Grâce au Chant du Soleil que l’on décrypte dans le cimetière Cocorico, il est possible de passer du jour à la nuit instantanément. Ça n’a l’air de rien aujourd’hui, mais à l’époque c’était révolutionnaire et cela avait un côté magique. Voir le monde de nuit était une découverte.

Dans The Wind Waker, le Chant du Soleil se joue à la baguette mais donne le même résultat. C’est bien pratique car certaines créatures sont sensibles à la lumière du jour et certains événements ne se déroulent que de nuit, ou inversement. Ainsi, il faut attendre le lever du soleil pour voir le pont-levis du château d’Hyrule se baisser.

L’ajout de l’alternance jour-nuit permet d’une part de rendre le jeu un peu plus immersif en se rapprochant du monde réel où ce cycle existe, et d’autre part d’ajouter des éléments de gameplay pour les énigmes.

Transformation

Cette idée était déjà en germe dans le premier Zelda puisque Link alterne entre le monde de la surface en plein soleil et les grottes qui nécessitent souvent d’utiliser une bougie pour voir dans le noir. La même opposition entre la lumière et les ténèbres se retrouve dans A Link to the Past où les deux mondes existent en tant que tels et sont liés par magie. Mais pour passer d’un monde à l’autre, il faut un Miroir magique et une Perle de Lune pour ne pas changer d’aspect dans le Monde des Ténèbres : il est assez difficile de se défendre une fois transformé en lapin rose…

L’idée de transformation lorsque l’on se trouve dans l’obscurité est reprise dans Twilight Princess. Cette fois-ci, Link est un loup et doit trouver le moyen de sortir Hyrule d’un crépuscule éternel. Lorsqu’il parvient à débarrasser une zone des insectes des Ténèbres, il peut retrouver son apparence humaine. Une fois en possession d’Excalibur, il se transforme à volonté en loup, ce qui a bien des avantages car son odorat est décuplé.

Temps limité dans Zelda

Si l’intégration du cycle du jour et de la nuit dans un jeu vidéo a pris un peu de temps, la notion de temps limité a quant à elle été très rapidement populaire auprès des gamers. Réaliser une action en un temps imparti revient à relever un petit défi et l’on sait que les challenges sont au cœur de bien des titres. Ce temps limité permet aussi de créer un sentiment d’urgence et de stresser le joueur.

Dès le premier Zelda, les bougies ont une durée limitée et il faut accomplir les actions nécessaires avant leur extinction. Dans A Link to the Past, le combat final requiert dextérité et rapidité de la part du joueur, qui doit rallumer sans cesse deux torches pour que l’ennemi puisse être blessé.

Outre la lumière qui s’éteint et qui donne un côté vraisemblable au jeu, d’autres éléments peuvent légitimer le temps limité. Dans The Wind Waker, Link doit parvenir dans une zone spécifique en moins de cinq minutes dans l’île Gelée, faute de quoi il se transforme en glaçon géant.

Mais les deux titres qui mettent le plus en avant la notion de temps limité sont Majora’s Mask et Phantom Hourglass. Le premier se déroule en trois jours qui se répètent jusqu’au moment où Link parvient à déjouer les plans de Skull Kid. Ces soixante-douze heures correspondent à bien moins de temps dans le monde réel et une horloge vous tient constamment au courant du temps qui file. L’alternance du jour et de la nuit ne fait qu’accroître le sentiment d’urgence et de temps qui s’écoule. De nombreux petits jeux, eux aussi en temps limité, viennent augmenter le stress du joueur. Quant aux différents habitants de ce monde, ils ont un emploi du temps imperturbable, ce qui vous permet de choisir le bon moment pour les voir dès lors que vous les avez croisés une première fois.

Après Majora’s Mask, les phases en temps limité dans Zelda sont plus rares. Dans Phantom Hourglass, le donjon central se fait lui aussi en temps limité et Link doit collecter des grains de sable pour le sablier magique lui permettant de survivre plus longtemps dans ce temple du Roi des Mers. Et comme vous devez parcourir à plusieurs reprises les mêmes niveaux, le stress est encore plus grand : il faut courir dans les zones déjà visitées pour ensuite avoir le temps de se tromper et d’explorer les nouveaux niveaux.

Visiblement, ces mécanismes de jeu ont été perçus par une majorité de joueurs comme trop stressants et ils sont moins présents dans les autres Zelda.

Grandir ?

Outre l’alternance du jour et de la nuit, Ocarina of Time joue sur la chronologie du monde imaginaire où se déroule l’histoire : Link peut en effet devenir adulte ou redevenir enfant à volonté grâce à l’Ocarina du Temps qui lui permet d’avancer ou de reculer de sept ans.

Là aussi, le jeu semblait magique à ceux qui le découvrirent à sa sortie. Pour les plus jeunes qui regardaient les séries de dessins animés japonais à la télévision, il y avait le genre des magical girls avec notamment Gigi, petite fille qui se transformait en adulte grâce à une formule magique. Par le biais d’Ocarina of Time, on pouvait avoir l’impression de se transformer grâce au côté interactif du jeu au lieu de simplement regarder la métamorphose. Les joueurs plus âgés y trouvaient une autre forme de satisfaction, celle de rester éternellement un enfant s’ils le voulaient.

Selon les lieux, la petite taille du Link enfant devient un avantage ou un inconvénient. Au niveau de l’intrigue, on découvre avec intérêt ce que sont devenus les lieux parcourus une première fois avec un regard d’enfant. Cela contribue à donner un peu plus de profondeur aux personnages secondaires et permet au joueur d’avoir plus d’empathie pour eux. Le temps dans Zelda est donc aussi un élément important dans la construction d’un récit.

Dans The Wind Waker, le temps qui s’écoule est un thème encore plus important : Link doit faire revivre les sages du passé à travers les jeunes gens qu’il croise. Le monde imaginaire se dote ainsi d’une histoire et d’une évolution des espèces, ce qui contraste avec le royaume d’Hyrule, où le temps est suspendu pour éviter que Ganondorf ne s’empare du monde. Dans Spirit Tracks, les fans peuvent aussi voir le temps écoulé entre les deux jeux DS en cel-shading puisque l’on retrouve des descendants des personnages de Wind Waker. Ces titres sont en quelque sorte une célébration de la jeunesse et de ses potentialités. À la fin du jeu GameCube, le roi accepte de mourir pour laisser l’avenir aux enfants. De plus The Wind Waker et Spirit Tracks débutent par une date symbolique marquant le passage à un âge adulte : douze ans pour les habitants de l’île de l’Aurore, le jour de la remise des diplômes dans Spirit Tracks.

Finalement, temps dans Zelda possède presque un goût nostalgique pour une enfance pleine de promesse dans un Japon vieillissant où Aonuma peine à trouver écho dans les nouvelles générations. Malheureusement, le jardin magique de Miyamoto semble aussi avoir du mal à convaincre les enfants occidentaux, qui semblent plus portés à tuer des zombies et des aliens qu’à explorer le monde.

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