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La Voix des fleurs de Natsuki Sumeragi

Encore peu connue en France, Natsuki Sumeragi est une mangaka japonaise tellement férue de Chine qu’elle en adopte le trait particulier. C’est en cet honneur que les éditions Delcourt l’ont choisi pour inaugurer une année dont la thématique principale tournera autour des traditions et pensées asiatiques.

Fleur de pivoine et papillon

Ce one-shot se compose de récits de jeunesse, mais la maîtrise graphique y est déjà éclatante. Le trait y est fin et précis. Les détails abondent sans que cela alourdisse la page ou nuise à la lisibilité de l’ensemble. Elle a su représenter des éléments historiques avec précision et réalisme. Les deux premières intrigues se déroulent en Chine sous la dynastie des Tang (618-907), la troisième se passe soit à l’époque Ming (1368-1644) soit à celle de Qing (1644-1911). La dernière a pour cadre l’ère Muromachi au Japon, c’est à dire la fin du Moyen Âge.

Même si chaque planche de manga est extrêmement esthétique, Natsuki Sumeragi ne sombre pas dans les défauts de tant de dessinateurs qui font plus de l’illustration que de la bande dessinée. Le graphisme sert à embellir les intrigues et à tenir en haleine un lecteur sous le charme de ces récits au parfum suranné mais enchanteur.

Au détour d’une page, elle s’amuse à peindre les décors à la manière des anciens peintres chinois. Le pastiche s’intègre parfaitement dans l’ambiance générale, mélange de réalisme, de dramatisation propre au manga et de stylisation à la chinoise.

Passion chinoise

Les figures féminines y sont particulièrement bien traitées. Grâce et élégance alternent avec une espièglerie taquine ou une élégance digne. Elles sont généralement des esprits dont les hommes tombent amoureux et on les comprend, au vue de leur beauté et de leur charme surnaturel. Fleur, papillon, tigre ou serpent, elles  peuvent prendre une forme humaine et agir pour le bien ou le mal.

Dans l’univers fantastique de Natsuki Sumeragi, on retrouve les relations magiques liant les humains aux esprits, telles qu’elles peuvent apparaître dans les contes et les légendes asiatiques : amours contrariées entre de beaux jeunes hommes et des femmes qui sont en réalité des créatures surnaturelles, ultimatum non respecté, secrets de famille. Les histoires y sont à la fois légères et graves en raison de la différence de nature des deux amoureux. Rien de nouveau, mais le tout est mis en case avec brio.

Cette Japonaise éprise de culture traditionnelle explique dans la postface les raisons de cette passion : « la Chine est pour moi un univers magique » (…) « ses territoires infinis et son histoire qui s’étend sur quatre mille ans m’offrent des possibilités que je ne pourrai jamais épuiser en une seule vie. » Cet intérêt pour la culture traditionnelle, revivifié par un trait plus contemporain, lui a permis de gagner un public en Chine et en Corée.

Espérons que l’on puisse voir bientôt les autres œuvres de cette mangaka au trait raffiné. Elle a notamment mis en case une version personnelle de la célèbre histoire du Roi et de l’Assassin.

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