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Flash(ion) victims Le business des jeux (presque) gratuits

Alors que les grands éditeurs font essentiellement des jeux vidéo pour les consoles, les indépendants et les petites structures se tournent vers des plates-formes de création et de diffusion plus légères : les jeux Flash. Diffusés sur internet, ils constituent l’un des modèles économiques les plus efficaces. 

Lorsque Macromedia lance son logiciel multimédia Flash en 1996, la société ne s’attendait sans doute à le voir utilisé pour la création de MMO. Mais depuis le début des années 2000, il rencontre un vif succès auprès des créateurs de jeux.

Il faut dire qu’avec lui presque tout est possible : créer et animer des images, gérer du son et de la vidéo, créer des scripts via le langage ActionScript.

Pas besoin de gros investissement ou des équipes démesurées pour fabriquer un jeu contrairement à ce qui se passe dans l’industrie vidéoludique traditionnellement tournée vers les consoles.

Cette relative facilité dans la création s’accompagne d’un réseau de diffusion très large et efficace, puisque Flash est présent sur tous les navigateurs quel que soit le système d’exploitation de l’ordinateur (PC, Mac…).

Jeux Flash avec une esthétique pixel art chez Nitrome

Léger, il peut fonctionner sur toutes les machines, des plus anciennes aux plus performantes. Un jeu en Flash permet donc de toucher potentiellement tous les possesseurs d’ordinateur reliés à internet, netbook inclus !

Du coup, divers systèmes de jeu, d’univers virtuels et de méthode pour en faire une source de revenus se mettent en place. Contrairement à ce que l’on pourrait croire rien n’est gratuit sur la toile.

Trouver un sponsor ou céder ses droits

Une fois que vous avez créé un jeu Flash, il faut croiser un mécène qui croit en vous et qui vous achète les droits, voire qui vous commande d’autres jeux. Pour cela, il existe le site FlashGameLicense.com qui propose de mettre en rapport développeur et potentiel sponsor. 

Vous pouvez aussi les mettre sur votre propre site et attendre que les commanditaires viennent à vous, tout en mettant des publicités autour du jeu sur le site ou dans le pendant le temps de chargement (avec notamment les MochiAds).

Parmi ces commanditaires, outre les grandes marques et les télévisions comme MTV, on retrouve des sites proposant des jeux financés par la publicité. C’est le cas de Miniclip.com.

Créée en 2001 par Robert Small et Tihan Presbie, la plate-forme propose plus de 600 jeux, 500 000 sites affiliés et 50 millions de visiteurs uniques par mois. Ce portail vit par la publicité autour des jeux sur le site.

De multiples formes de bannières le parcourent en tous sens. En sponsorisant des jeux, les mécènes se font connaître et ramène du trafic sur leur propre site.

En dehors de ces plates-formes proposant des jeux et qui sont prêtes à jouer les sponsors ou à acheter les droits pour certaines productions, on trouve aussi des sites communautaires où les développeurs peuvent se faire connaître.

Passer le portail

Nombreux sont les portails communautaires proposant d’héberger gratuitement les jeux Flash. L’un des premiers a été créé en 1995 par Tom Fulp : Newgrounds. Une fois inscrit, il est possible de mettre à disposition son jeu et de participer à différents classements et récolter un peu d’argent.

Ce système permet de recruter des développeurs qui travaillent gratuitement à l’élargissement du catalogue de jeux en ligne. Les charts favorisent l’émulation entre développeurs et l’amélioration des titres.

De plus, le système de vote permet de fédérer une communauté de joueurs et de créateurs, ce qui génère un trafic conséquent. Le portail annonce plus de 500 000 visiteurs par jour. À partir de là, la publicité en ligne permet de faire des rentrées d’argent non négligeable. 

En plus du site communautaire, Tom Fulp est à l’origine du jeu Flash Alien Hominid (dessiné par Dan Paladin). Le titre est un tel succès qu’il devient un jeu PS2 avant d’être disponible sur les portails de téléchargement des consoles de salon.

L’équipe crée par la suite Castle Crashers qui a dépassé le million d’exemplaires vendus sur XBLA. Comme quoi, tous les chemins mènent à la console quand des gamers sont à l’origine des projets.

Sur le modèle de Newgrounds, d’autres sites se sont développés en proposant des variantes. C’est par exemple le cas de Kongregate, créé en 2006, qui propose déjà plus de 17 000 jeux et a récolté 3 millions de dollars en investissement de la part du fondateur d’Amazon en 2008.

Le site se présente comme le YouTube du jeu. Il a été créé par l’ancien directeur technique de la plateforme de jeux casual d’Electronic Arts : Pogo.com.

Pour continuer d’alimenter le site en nouveauté, Kongregate Labs a été créé fin 2008. Il s’agit de mettre à disposition des tutoriaux pour créer et mettre en ligne des jeux Flash.

Le point crucial pour tous ces portails est de générer suffisamment de trafic pour que la publicité soit rentable. Outre les jeux (dont certains sont exclusifs au site), ils proposent souvent la possibilité de mettre en ligne d’autres contenus multimédias. Plus besoin de zapper de sites en sites : tout est là pour retenir votre attention.

L’appât du gain

Toujours dans le but de générer du trafic et d’augmenter les revenus publicitaires, certains sites proposent des cadeaux. C’est bien connu, le mot « gratuit » attire toujours les foules.

Parmi ces portails proposant des lots, Prizee est sans doute le plus important en France. Créé en classe de Terminale par Tristan Colombet, le site initial proposait un cadeau hebdomadaire. Le succès étant au rendez-vous, l’étudiant crée sa société pendant les vacances d’été après la première année de DUT d’informatique.

Après avoir offert des lots d’accessoires informatiques, Prizee développe sa propre gamme de produits dérivés à l’effigie des personnages ronds et colorés destinés à séduire les jeunes et surtout leurs mères.

C’est bien la ménagère de moins de 50 ans qui est ici visé avec de courts jeux Flash. Comme dans les stands de tir dans les foires, le chaland est attiré par un gros lot : à la place de la peluche géante, un MacBook, un scooter ou un quad…

En réalité, le joueur repart généralement avec un lot dont la valeur marchande est dérisoire. Ici, à la place de la mini peluche, il y a des goodies estampillés Prizee. Pour remporter des prix, il faut faire preuve de dextérité et marquer un maximum de point. Dans le site, ces points sont échangeables contre des lots. 

Si tous les jours la première partie est offerte, il faut bien sûr sortir la carte bleue ou dégainer un portable pour envoyer un SMS ou un code audiotel afin de jouer.

Outre les Pack+ qui offre des parties supplémentaires, il y a un système d’abonnement payant. Si le site attire surtout les 11-25 ans, ce sont les femmes de 25 à 55 qui sont les plus actives et qui y laissent le plus d’argent.

Plus précisément, les micropaiements et les abonnements ont généré 13 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2007. Sur un modèle similaire, il y a une multitude d’autres sites en France comme Toilokdo ou Distrigame

Mais ces entreprises sont bien loin derrière l’anglais King.com, leader du secteur des jeux à lots qui se targue d’avoir plus de 350 millions de parties jouées en janvier 2009. Là encore, c’est l’appât du gain qui retient les joueurs.

Outre des jeux Flash, le site propose des classiques du jeu casual comme le Bejeweled de PopCap. Le temps de jeu gratuit est limité. Pour poursuivre, il faut s’inscrire au site ce qui vous permet de participer à des tournois et de remporter des lots ou de l’argent.

Pour participer, il faut payer en laissant une mise. Le vainqueur du tournoi remporte la somme totale (moins une commission pour le site). Contrairement aux casinos, ces jeux ne comportent aucune part de hasard et sont donc autorisés dans la plupart des pays.

Évidemment, ces sites ont besoin de jeux Flash pour attirer les visiteurs et les retenir. Mais le jeu n’y est qu’un moyen parmi d’autres.

Lieux de rencontre virtuels

Les puristes estimeront que ces sites ne proposent pas réellement d’expérience vidéoludique. En effet, il s’agit avant tout d’espace de convivialité virtuel où des avatars bavardent et s’inventent un rôle, une histoire, des jeux. 

Dans le genre, il y a Blablaland.com avec là encore une histoire de self made men. À l’origine du projet, il n’y avait qu’un site vitrine servant de carte de visite à trois amis : Didier Agani, Yoann Montalban et Jérome Depys.

Le petit monde virtuel développé sous Flash s’anime et une communauté s’y retrouve régulièrement. L’espace étant de plus en plus fréquenté, ils décident de s’y consacrer entièrement en créant une SARL (niveau 99). Des bénévoles s’occupent de guider et de modérer le tchat. L’audience y est assez jeune, comme c’est aussi le cas dans le modèle du genre : Habbo Hotel.

Créé en 2000 par Sulake Corporation, cet espace communautaire pour adolescents compte plus de 118 millions d’avatars et génère un trafic considérable : 8 millions de visiteurs par mois. Dans les deux tchat rooms et à des échelles très différentes, ce sont les mêmes mécanismes qui entrent en jeu.

L’aspect gratuit attire les visiteurs qui font connaissance avec d’autre personne et finissent par revenir régulièrement pour discuter. La majeure partie de cette communauté ne « consomme » rien.

Mais il y a toujours une frange de personnes qui achètent des objets virtuels. Ceux-ci sont soient fonctionnels (nouvel objet en jeu, nouvelle zone…) soit décoratifs et servent à personnaliser l’avatar du joueur au sein d’une communauté.

Plus l’audience est importante, plus les chances de monétiser le jeu sont grandes. Dans tous les cas, les sites évitent de parler d’argent. Il ne s’agit que de monnaie virtuelle. Mais évidemment, pour en avoir, il faut payer avec de l’argent bien réel. 

Quant à l’aspect vidéoludique, il s’agit avant tout de jeu de rôle qu’inventent les habitants de cet espace virtuel engendré par Flash.

Pour survivre en faisant des jeux Flash, il ne suffit donc pas d’avoir un bon concept ou du talent. Le plus important reste de se faire connaître du public et des sponsors et surtout de multiplier les sources de revenus : micropaiement, sponsors, publicité, abonnements…

Au vu de l’aspect très concurrentiel du marché, il faut sans doute y ajouter la persévérance car il faut pouvoir tenir un certain temps sans revenu avant de voir la couleur de l’argent.

Développeurs amateurs, à vos marques. Prêt ? Flash !


Article initialement publié dans IG Magazine en 2009.

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