Take-Two : Sexe, mensonges et (jeux) vidéo
Connu pour ses deux labels d’édition Rockstar et 2K, Take-Two Interactive Software est une entreprise dont l’actualité se fait aussi bien dans les classements des meilleures ventes de jeux vidéo que dans les rubriques de journaux économiques. Les scandales liés à la violence des jeux, les détournements de fond et la gestion désastreuse de la société font beaucoup de bruit… Au détriment des titres qui mériteraient une meilleure publicité : Grand Theft Auto, BioShock, Borderlands, Civilization…
Devenir éditeur de jeux vidéo n’est pas simple, mais lorsque papa est magnat de la presse et collectionneur d’art contemporain, les obstacles se lèvent plus rapidement… Au début des années 1990, Ryan Brant est avant tout un « fils de ». Son père, Peter Brant, possède des magazines comme Interview (fondé par Warhol), The Magazine Antiques et Art in America. Quand il ne joue pas au polo dans le club qu’il a fondé, il fait aussi la une des magazines people aux bras de Stephanie Seymour, top-modèle avec qui il est actuellement en procès.
Cuiller en argent
Fraîchement diplômé d’économie, Ryan Brant rassemble 1,5 million de dollars d’investissement par le biais de sa famille et d’investisseurs privés afin de créer Take-Two en 1993. L’entreprise applique très vite les techniques marketing qui marchent dans d’autres médias. Pour faire parler de ses jeux, Take-Two engage des acteurs reconnus pour faire les doublages. Là encore, le carnet d’adresses paternel a dû aider l’entrepreneur dans sa démarche. Dennis Hopper, ami de la famille, contribue à Hell : A Cyberpunk Thriller(1994). D’autres célébrités plus ou moins déclinantes participent à Ripper (1996) : Christopher Walken, Karen Allen, Burgess Meredith. Les têtes d’affiche font parler d’elles, rassurent investisseurs et distributeurs sur les ventes potentielles et permettent de toucher un large public. Lorsque Rockstar fait appel à Michael Madsen ou Kyle MacLachlan pour le doublage de Grand Theft Auto III, c’est toujours la même recette qui est appliquée.
Les choses s’accélèrent vraiment lorsque Take-Two entre en bourse en 1997, au moment où le groupe allemand Bertelsmann se sépare de sa branche américaine spécialisée dans le jeu vidéo. C’est ainsi qu’en 1998 le catalogue de BMG se retrouve dans les mains de Take-Two qui récupère notamment les droits de GTA. À l’époque, le jeu est encore en 2D avec une vue du dessus qui imite la vision des hélicoptères de police patrouillant dans les rues. En prenant dans son giron la filiale de BMG, Take-Two s’ouvre aussi à une politique d’entreprise plus proche de celle des majors de l’industrie de la musique. Quant aux dirigeants de la firme, nombre d’entre eux sont issus de BMG.
Rock star du jeu vidéo
Bien décidée à devenir un pilier du milieu vidéoludique, Take-Two adopte une politique de concentration verticale afin d’intégrer tous les acteurs de la chaîne de production : studios de développement et distribution. Pour mieux vendre ses jeux, elle acquiert l’Anglais GameTek (1997), l’Américain Jack of All Games (1998), l’Australien DirectSoft (1998) et L.D.A. Distribution (1999). Par la suite, l’entreprise rachète Joytech qui s’occupe de développer des accessoires pour les différents jeux. Actuellement, en raison des mauvais résultats et de la conjoncture économique, la société se sépare de ces filiales liées à la distribution : Joytech est revendue à Mad Catz Interactive (2007), Jack of All Games à Synnex (2009).
Au niveau de l’édition de jeux, la société fonctionne par labels : Rockstar d’un côté et 2K de l’autre. À l’instar de ce qui se fait dans le monde de la musique, Take-Two veut mettre l’accent sur le catalogue de titres. Si le terme « Rockstar » annonce la couleur, « 2K » peut sembler plus obscur. Le nom est lié au rachat du studio Visual Concepts à SEGA en 2005. Celui-ci est connu pour développer le jeu de basket NBA 2K (« 2K » pour « 2000 »).
Toujours pour être plus performante, Take-Two engrange dans son portefeuille les studios indépendants et les renomme : DMA Design est renommé en Rockstar North (2002) ; Neo Software devient Rockstar Vienna (2001) ; Angel Studios : Rockstar San Diego (2002) ; Barking Dog Studios : Rockstar Vancouver (2002) ; Mobius Entertainment : Rockstar Leeds (2004) ; Irrational Games : 2K Boston (2006) ; Illusion Softworks : 2K Czech (2008). Et la liste ne s’arrête pas là…
Dans ce tableau de chasse, on peut aussi noter Gathering of Developers (2000), PopTop Software (2000) et Firaxis Games (Civilization) qui intègre le label 2K en 2005. En quatre ans, Take-Two achète une bonne vingtaine de studios et autres sociétés de distribution. D’autres filiales sont même créées de toutes pièces : 2K Shanghai (2006) et 2K Marin (2007). Et pour différencier les types de jeux, 2K se divisent en trois labels : 2K Sports est le label qui détient NBA 2K (basket), NHL 2K (hockey) ou encore Top Spin (tennis) ; 2K Play édite surtout des jeux casual comme les licences Dora l’exploratrice ou Carnival ; 2K Games s’occupe des jeux plus gamers comme Mafia ou BioShock.
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