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The Closer : Brenda Leigh Johnson, féminine et féministe ? (partie 1)

Après sept ans de bons et loyaux services, le chef adjoint Brenda Leigh Johnson de la police de Los Angeles rend son insigne. L’actrice Kyra Sedwyck quitte la série au sommet de sa gloire plutôt que d’être poussée dehors en raison d’une potentielle baisse de régime. Durant ces sept saisons, elle a incarné un personnage un peu fantasque mais néanmoins crédible. Elle a surtout donné une autre image de la femme flic, loin des poncifs entretenus par les autres séries.

La première saison commence par l’arrivée de Brenda Leigh Johnson à la police de Los Angeles (LAPD) et sa première enquête au sein de la section des « Enquêtes prioritaires ». Elle est immédiatement confrontée à l’hostilité des équipes et des collègues qui se seraient bien vu à sa place, notamment le Capitaine Taylor qui manœuvre pour rassembler les demandes de transfert de toute l’équipe afin de les présenter au Chef de la Police William Pope.

Ouvertement, on lui reproche de ne pas être du sérail, de venir d’ailleurs et de ne pas connaître les pratiques de Los Angeles. Les mécontents la surnomment « Miss Atlanta » et ils imitent son accent du sud. Mais en réalité, ce qui les gène vraiment, c’est qu’elle soit une femme.

La pétasse

The Closer met en scène les multiples préjugés négatifs des femmes au travail, notamment lorsqu’il s’agit d’un poste à hautes responsabilités où il était habituel de ne voir que des hommes. Il faut dire que le genre féminin est souvent perçu comme affectueux, sensible et conciliant, ce qui est en contradiction totale avec l’idée que l’on se fait d’un chef de brigade de police.

Ces stéréotypes sont bien partagés par les membres masculins du LAPD. C’est d’ailleurs en raison de ce mépris peu dissimulé pour les femmes que le Capitaine Taylor se plaint à Will Pope dès le premier épisode.

 Capitaine Taylor : Elle donne des ordres à mes hommes comme si c’étaient ses serviteurs ! « Je veux une autorisation pour fouiller le corsage de la victime. » Oh ! Mais quand la brigade était sous mes ordres il n’était pas question que mon statut de responsable de la criminelle soit remis en question ! Et puis me mettre une femme entre les pattes ! Enfin, je ne vais quand même pas accepter de recevoir des ordres de cette… (Saison 1, épisode 1)

Parce qu’elle n’est qu’une femme, ses décisions et sa compétence sont remises en question systématiquement. Et comme elle ne se laisse pas faire, les noms d’oiseau fusent et les sous-entendus vont bon train. Péremptoire lorsqu’elle s’adresse à ses collègues et subordonnées, elle ne peut être qu’une « pétasse mal baisée ». C’est l’opinion masculine que plusieurs dialogues mettent explicitement en avant tout au long de la série.

Lieutenant Waters : le garage fait partie de la propriété, la secrétaire nous a donné les clefs de la voiture. C’est pas la peine de jouer les garces (Je souligne.)

Brenda : Écoutez-moi bien, lieutenant Waters. Si j’appréciais qu’on me traite de garce, eh bien, je serais restée mariée. (Saison 1, épisode 1)

Lieutenant Flynn : Gabriel, j’ai raté un épisode où c’est cette emmerdeuse des enquêtes prioritaires qui a repris l’affaire ? (Je souligne.) (Saison 1, épisode 1)

Lieutenant Flynn : Cette pétasse me hait. (Saison 1, épisode 11)

Major Dorset : Vous avez déjà eu affaire à elle ?

Fritz Howard : De temps à autre…

Major Dorset : Pfff, quelle furie ! À mon avis, elle a besoin de s’envoyer en l’air(Je souligne.)

Fritz Howard : Je ne crois pas que ce soit le problème à vrai dire. (NDLA : Fritz est en réalité le mari de Brenda Leigh) (Saison 6, épisode 8)

Cette façon de tout ramener à son sexe biologique va de paire avec l’image négative des femmes au travail. Afin d’accréditer l’idée qu’elle n’est pas compétente, le Lieutenant Flynn donne à la presse de LA des informations pour que les journalistes mettent en doute la légitimité de sa nomination (saison 1, épisode 5). Lorsqu’elle était à Atlanta, Brenda Leigh avait fait l’objet d’une enquête de moralité par les affaires internes et les journaux locaux avaient titré sur le fait qu’un gradé de la police aurait eu une « conduite sexuelle répréhensible ». L’enquête l’avait blanchie mais les soupçons énoncés sont restés. En réalité, l’affaire avait été déclenchée par de fausses allégations de l’ex-mari de Brenda.

Durant la deuxième saison, Estelle Pope en plein procès de divorce menace de révéler la liaison de Brenda avec son mari à son équipe afin de la discréditer (Saison 2, épisode 10). Il s’agit bien sûr de sous-entendre l’incompétence de Brenda Leigh qui n’aurait été nommée que parce qu’elle a couché avec son supérieur hiérarchique, que finalement elle n’est qu’une « garce ».

La furie

L’ambiance au travail est électrique car non seulement Brenda Leigh n’est qu’une femme mais en plus elle n’adopte pas le langage que l’on prête à celles-ci. Bien qu’elle ponctue ses phrases d’un « merci » bien sonore avec son accent du sud, il n’en reste pas moins qu’elle donne essentiellement des ordres sans prendre le temps d’expliquer sa démarche intellectuelle pour coincer les coupables. Elle ne peut être qu’une « furie » aux yeux de la plupart des policiers et autres services.

Évidemment, de la part d’un homme, la plupart des demandes de Brenda Leigh seraient passées pour des directives habituelles et le ton employé n’aurait été perçu que comme une marque d’autorité et de détermination à trouver au plus vite les coupables. Mais dans la bouche d’une femme, les injonctions passent mal car les collègues masculins s’attendent à ce qu’elle adopte un ton plus doux et qu’elle se montre conciliante. Malheureusement, ce ne sont pas des traits de caractère de Brenda Leigh qui est intransigeante et peu diplomate. Cette absence de douceur semble choquer le Lieutenant Flynn qui fait remarquer au Sergent Gabriel qu’elle adopte le même ton envers eux alors que lui se montre désagréable alors que Gabriel est plutôt facile à vivre.

Lieutenant Flynn : Ah ben dis-donc, elle est affectueuse, hein ! (Saison 1, épisode 11)

La série met ainsi en scène les préjugés négatifs des hommes par rapport aux femmes au travail. La plupart des collaborateurs masculins de Brenda s’attendent sans doute à ce qu’elle adopte une attitude plus douce et maternelle, chose qu’ils n’attendent évidemment pas de la part d’un supérieur hiérarchique masculin.

En réalité, Brenda Leigh semble plus intéressée par les éléments d’une enquête que par les personnes réelles qui ne sont pour elle que des éléments du puzzle à résoudre. C’est généralement le Lieutenant Gabriel qui se charge d’arrondir les angles en ayant les mots justes pour soulager ou rassurer les familles des victimes avant que Brenda ne les interroge de manière plus froide et rationnelle. Cette absence apparente de compassion choque la plupart des hommes. C’est cette absence de diplomatie et d’attitude maternelle que Brenda souligne elle-même lorsque le Sergent Gabriel s’imagine qu’elle refuse d’être conduite en voiture par lui.

Brenda Leigh Johnson : Sergent Gabriel, je pense être assez grande pour pouvoir conduire sans que ce soit pris pour une représailles… Pour ce qui est du capitaine Taylor, je n’ai pas à tenir compte de son attitude envers vous pour me faire ma propre opinion. Vous me suivez sergent ? Moi, je ne suis pas votre maman(Saison 1, épisode 1)

De plus, Brenda Leigh a toujours le chic pour souligner les erreurs des autres brigades et départements, ce qui ne facilite pas son insertion dans son nouveau monde professionnelle. Brillante et consciente de l’être, elle ne comprend pas pourquoi elle devrait ménager certaines personnes vu qu’elle doit gérer les conséquences de leurs erreurs. Dans le dernier épisode de la première saison, elle est plus ou moins contrainte de faire des excuses publiques aux différents gradés qu’elle a froissés. Mais au dernier moment, elle se décide à leurs tenir un autre discours.

Brenda Leigh Johnson : Madame Powell, je veux que vous sachiez que je suis terriblement navrée… de ne pas avoir pu ignorer votre niveau général d’incompétence qui vous a valu d’obtenir à tord la condamnation de Bill Croelick. Je suis désolée que vous vous soyez sentie vexée d’avoir envoyé un homme dans le couloir de la mort pour le mauvais crime et j’espère que vous ne ferez plus jamais ce type d’erreur. Agent Jackson, je regrette profondément que le FBI ait remis deux millions de dollars à un homme figurant sur la liste des terroristes potentiels sans le moindre moyen de le retrouver et que vous ayez surveiller pendant des mois sans vous apercevoir que sa femme le trompait avec son médecin. Vous aussi, j’espère que vous ferez mieux à l’avenir. Capitaine Taylor, je suppose que je vous dois des excuses de n’être pas venue au monde à Los Angeles mais vous ayant vu à l’œuvre et de près depuis maintenant plusieurs mois je peux honnêtement dire que malgré tous mes efforts je n’arrive pas à trouver le moindre système raisonnable et juste sur terre où je ne serais pas votre supérieure. (Saison 1, épisode 13)

Dans la deuxième saison, une fois que la brigade des « Enquêtes prioritaires » l’a définitivement adopté, Brenda Leigh se montre encore moins obligeante et n’hésite pas à froisser les susceptibilités masculines.

Capitaine Leahy : Madame, je constate que vous vous servez de votre enquête pour salir la réputation de Tim Martins et je vous avoue que dans le service on a un peu les boules.

Brenda Leigh Johnson : Désolée, Capitaine. Si vous n’approuvez pas ma façon de mener cette enquête, alors prenez vos boules et allez jouer ! (Saison 2, épisode 1)

Il faut dire que la nouvelle chef-adjointe a fait remonter les statistiques de la police en flèche et obtenu de multiples aveux des criminels ce qui épargne à la ville des procès longs et coûteux. C’est pourquoi elle parvient à fédérer autour d’elle la brigade des Enquêtes prioritaires. Son talent et ses compétences priment sur tout le reste comme le signale le Lieutenant Provenza lorsque la brigade découvre sa relation avec Pope.

S’imposer dans un monde d’hommes

Brenda Leigh Johnson avait eu une liaison avec lui lorsqu’ils travaillaient tous deux à Washington. Elle ne savait pas alors qu’il était déjà marié et a rompu avec lui quand elle l’a su. Tous deux sont restés en bonne entente et c’est lui qui l’a convaincue de prendre le poste au sein des Enquêtes Prioritaires. Mais lorsque Pope divorce et que sa future ex-femme débarque pour menacer Brenda, tout le monde se demande si elle n’est pas arrivée à ce poste parce qu’elle a un jour couché avec le chef.

Lieutenant Flynn : Je vais te dire pourquoi c’est si important ! Parce que Pope l’a fait venir dans le département parce que c’est son ex ! Je veux dire, franchement, ça a l’air de quoi ?

Lieutenant Provenza : J’en ai rien à foutre, t’entends !? Rien à cirer ! Ça ne regarde personne ce qu’elle a fait avec pope maintenant ou avant. Et même si elle a effectivement fricoté un peu avec lui, qui fait un meilleur boulot qu’elle ici ? Toi ? Tatatatata ! C’est fini ! Je ne veux plus t’entendre en parler. Pas plus que Tao ou Buzz, n’est-ce pas les gars ? (Saison 2, épisode 12)

Malgré les stéréotypes de genre et l’hostilité affichée d’une partie du LAPD, Brenda parvient ainsi à souder les membres de la brigade autour d’elle. En écho au premier épisode de la série où ils avaient tous demandé leur mutation dans un autre service, dans le dernier épisode de la première saison ils sollicitent leur transfert lorsqu’ils apprennent que la place de Brenda au poste de chef-adjoint est menacée. Et à la fin de la deuxième saison, tous acceptent de l’aider alors qu’elle a été temporairement mise en congés forcés par sa hiérarchie.

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