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Vajra, shakujô et jintôjô : armes bouddhiques dans les manga et jeux vidéo

Réalisé pour un public asiatique, la plupart des mangas, anime et jeux vidéo japonais font référence à des éléments culturels très connus là-bas mais inconnus pour la plupart des Occidentaux. Voici trois objets récurrents et leur symbolisme : vajra, shakujô et jintôjô.

Vajra

Dans le film Summer Wars de Mamoru Hosoda, le programme malveillant Love Machine a volé les identités de millions de personnes. Il devient alors une sorte de divinité ayant accès à tous les systèmes informatiques. Il est représenté comme une divinité bouddhique tenant une lance ayant des vajra à ses extrémités dans sa main droite et un jeu de clefs dans sa main gauche. Mais qu’est-ce qu’un vajra ?

Le terme sanscrit Vajra correspond au japonais kongô-sho et au chinois jīngāng. Il signifie à la fois « éclair » et « diamant ». Les vajra sont des accessoires rituels extrêmement anciens, attestés dès la civilisation mésopotamienne.

Aujourd’hui encore leur véritable origine demeure imprécise. À maints égards, ils s’apparentent à certains sceptres magiques révérés comme emblèmes de pouvoirs.

Dans les mythes védiques, le vajra apparaît au premier plan en tant qu’arme de choix d’Indra. Par la suite le vajra fut repris par le bouddhisme. Il est considéré comme une arme symbolique destinée à chasser les démons et détruire les désirs terrestres.

Le vajra est reconnu comme l’une des armes les plus efficientes dont disposent les terribles gardiens du Dharma (la Loi bouddhique) comme en témoignent ses multiples représentations dans l’iconographie foisonnante de ces divinités.

D’autre part, le vajra est devenu pour le bouddhisme un symbole fondamental de la force et de la fermeté de l’esprit. Il est l’arme qui tranche l’illusion et l’impureté, qui assure la victoire de la connaissance sur l’ignorance, mais aussi celle de l’esprit sur les passions.

On dénombre plusieurs modèles de vajra, qui se différencient les uns des autres par le nombre de pointes qu’ils possèdent, et qui recouvrent autant de concepts distincts.

Dans le jeu vidéo Asura’s Wrath, qui reprend les mythes de la création hindous, on retrouve le vajra à plusieurs reprises ce qui est normal puisque c’est l’arme avec laquelle Indra a tué Vritra.

Nommé aussi Vrtra, ce monstre est un archidémon, la personnification de l’ennemi par excellence. Il retenait les eaux du ciel et empêchait l’univers de naître. Les dieux ont créé Indra en vue de le terrasser.

Dans Macross Frontier (2008), les Vajra sont les créatures extraterrestres insectoïdes qui font office d’ennemis à abattre. Dans Soul Eater (2004-2013), Vajra était le partenaire d’Asura avant de devenir une arme que celui garde dans sa bouche.

Puisant dans les mythes hindous, la série Tenkû Senki Shurato (1989) met en scène de multiples vajra. Il est notamment reçu en partage par le jeune et fougueux Shurato qui a rejoint les valeureux Haschibushû pour défendre la Sphère Céleste.

Plus qu’un simple instrument martial, il matérialise l’armure et la plate-forme mobile de combat, mais, plus encore, il focalise l’énergie, la puissance du guerrier. Bien sûr, il apparaît dans Saiyuki puisque la série revisite le Pèlerinage en Occident.

Dans Iria, Bob, ami et partenaire de Glen, le frère aîné de l’héroïne éponyme de la série, réapparaît après avoir été tué par l’épouvantable Zeiram sous la forme d’un curieux vajra virtuel, modélisé en image 3D.

Dans les anime et les jeux vidéo, le vajra apparaît en général sous la forme d’une épée : Vajrakhadga (sk) ou Sankotsuka-no-ken (jp). C’est une épée droite, à double tranchant, ainsi nommée parce que la garde de sa poignée est constituée d’un vajra à trois ou cinq pointes. Il est employé par les divinités bouddhiques pour détruire les démons ou les ennemis de la Loi et du Bouddha.

Il sert aussi à combattre l’ignorance et la sottise. Glaive de la Connaissance, il est l’apanage du premier des cinq grands Rois de Science magique, le redoutable Fudô Myo-ô, qui anéantit avec cette épée les trois poisons que sont l’avarice, la colère et l’ignorance.

Dans RG Veda, le grand Ashura possède un glaive semblable, baptisé Shura-tô, orné de pierreries, et dont la garde prend la forme d’un visage. C’est aussi l’arme blanche que manie avec une efficacité consommée le furieux Susanowo du manga Orion de Masamune Shirow.

On retrouve cette épée dans Final Fantasy Tactics Advance et c’est l’un des types d’armes planté dans le corps d’Asura dans le jeu vidéo de CyberConnect2.

Shakujô

Dans le roman illustré de Yoshitaka Amano, Deva Zan (2013, Dark Horse) une image montre un prête tenant le shakujô. À quoi sert donc ce bâton ?

Désigné par le terme khakkhara en sanscrit, shakujô en japonais ou xīzhàng en chinois, ce bâton de pèlerin ou d’alarme est généralement orné à son extrémité supérieure d’anneaux libres en métal au nombre de 4, 6 ou 12 selon le rang qu’occupe son propriétaire dans la hiérarchie religieuse.

Au Japon, il est également nommé chijô (« bâton de la connaissance »), tokujô (« bâton de la vertu »), ou encore ushojô (« bâton qui a une voix »).

Le bruit provoqué par le cliquetis des anneaux métalliques permet de chasser les petits animaux et les mauvais esprits. Il sert aussi à avertir les gens du passage d’un prêtre. Celui-ci n’ayant pas le droit de frapper au porte pour mendier son repas, c’est aux croyants d’apporter de la nourriture sur son passage en échange d’une bénédiction.

Cet objet est sans doute originaire d’Asie centrale. S’il n’a pas été employé dans la région indienne, il est très fréquent en Chine et au Japon où il devient l’un des objets spécifiques des prêtres et des pélerins. Objet cérémoniel, il est aussi employé dans différentes formes d’arts martiaux comme le Shorinji Kempo.

Dans Samourai Showdown 2 (1994), Murasama : The Demon Blade (2009) et bien d’autres jeux vidéo, on trouve régulièrement un moine bouddhiste armé d’un shakujô. C’est par exemple le cas de Isato personnage de Harukanaru Toki no Naka de 2 ou les Tengu de Shin Megami Tensei.

Il apparaît également dans de nombreux anime et manga comme Samourai Troopers aux mains d’un moine mystérieux. Dans Inu Yasha de Rumiko Takahashi, Miroku est un moine bouddhiste qui porte ce bâton traditionnel et qui éprouve un penchant pour les filles bien moins habituel pour un prêtre.

Ainsi dans RG Véda de Clamp, Kujaku est un personnage assez mystérieux qui ne semble pas vouloir prendre partie. Cet outsider est armé d’un shakujô. Toujours dans le même manga, Kuya, prêtresse dont la dernière prophétie fait d’Ashura le destructeur du monde, meurt empalée par son propre bâton de prêtresse.

Dans Sailor Moon, l’une de Outer Senshi utilise également une sorte de shakujô en guise d’arme. Bleach met en scène plusieurs personnages avec des shakujô en guise d’arme.

Dans Naruto, on voit de plus en plus de personnages tenant eux aussi un shakujô, dont le redoutable Obito Uchiwa. On pourrait aussi citer Saint Seiya Lost Canvas et bien d’autres séries…

Jintôjô

Accessoire magique utilisé pour chasser les démons, le jintôjô (ou nintôjô) se présente généralement sous la forme d’un bâton dont l’extrémité est constituée d’une tête humaine posée sur un croissant de lune.

Il symbolise de l’impermanence du monde ici-bas. Le cristal d’argent de Sailor Moon n’est autre qu’un mini-jintôjô sans la tête pour éviter le côté macabre. Le jintôjô et l’arme d’Usagi ont la même fonction : détruire les entités démoniaques.

Dans les illustrations de Kaze no Tairiku (Weathering Continent), l’objet apparaît privé de la tête humaine mais embelli de diverses incrustations précieuses.

Il y a plusieurs variantes de cet objet : bâton avec une tête posée sur un miroir, ou avec deux têtes (Dandatô). Ils servent à rappeler l’impermanence du monde. Ces sont en quelque sorte des memento mori portatifs.

Le moine zen Ikkyû Sôjun (1394-1481) est connu pour avoir brandi un Dandatô lors des festivités du nouvel an. Dans Inu Yasha, Jaken tient également un bâton similaire.

Mais pour les lecteurs les plus âgés de cet article, le jintôjô ne peut qu’évoquer Goldorak et Minas, personnage vivant dans la tête de Minos, l’un des généraux du Grand Stratéguerre.

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