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IG Magazine : interview post mortem Erwan Higuinen

L’une des choses les plus frustrantes lorsque l’on est rédactrice en chef est de manquer de temps pour écrire tous les sujets qui semblent géniaux ou importants ou drôles. En général, j’écris les textes dont personne ne veut et je fais pas mal de bouche-trou à la dernière minute. Il faut donc confier ces sujets à d’autres en espérant qu’ils vont les trouver tout aussi géniaux/importants/drôles… C’est rarement le cas. Heureusement, il y a tout de même des gens géniaux et drôles comme Erwan Higuinen capable de rédiger des dossiers importants en restant léger. Je lui ai confié une partie des articles qui me tenaient le plus à cœur comme les analyses sur la place des femmes dans le marché du travail au sein du jeu vidéo, la représentation de l’homosexualité, les ratés du financement participatif et d’autres sujets divers. Mon seul regret ? Qu’Erwan soit devenu accro à Farmville à cause de l’article sur le sujet « Le Bonheur est dans le pré » que je lui avais imposé.

Comment as-tu connu IG Magazine ?

Erwan Higuinen : J’avais lu, sur un forum de discussion si je me souviens bien, qu’un nouveau magazine sur le jeu vidéo, différent de ce qu’on avait l’habitude de lire, allait se lancer, ce qui avait suscité ma curiosité. Mais ce qui m’a vraiment décidé à aller y voir de plus près et à acheter le premier numéro, c’est un article d’Olivier Séguret paru dans Libération dans lequel il présentait IG comme « le Trafic du jeu, la couleur et les photos en plus ». Vu que la revue Trafic, créée par Serge Daney en 1991, est sans doute ce qui se fait de plus pointu en matière de cinéma, je me suis dit qu’il fallait vraiment que j’y jette un œil.

Travaillais-tu auparavant dans la presse ?

Erwan Higuinen : Oui, et depuis longtemps. Débuté à Libération en 1996, mon parcours professionnel m’a mené successivement (ou simultanément) aux Cahiers du cinéma, à LÉquipe et aux Inrockuptibles, sans parler des collaborations plus ponctuelles. Après de longues années à faire de la critique de cinéma, j’ai commencé à écrire sur le jeu vidéo en 2002 à l’occasion d’un hors-série des Cahiers du cinéma sur le sujet que j’ai coordonné. Puis, fin 2004, je suis entré aux Inrockuptibles où je suis toujours en charge de la rubrique jeux vidéo.

Est-ce que le travail à distance t’a posé des problèmes ?

Erwan Higuinen : Non, mais il faut dire qu’avec les années, c’est devenu une habitude pour moi. A vrai dire, je passe même rarement aux Inrocks alors que la rédaction est tout près de chez moi…

Qu’est-ce qui distingue IG magazine des autres revues auxquels tu as participé ? Qu’est-ce qui aurait pu être amélioré au niveau des conditions de travail ?

Erwan Higuinen : C’était la première fois que je participais à un magazine spécialisé dans le jeu vidéo, donc je ne peux pas vraiment comparer avec la manière dont les choses se passent ailleurs. Mais globalement, j’ai particulièrement apprécié les rapports avec la rédactrice en chef et le secrétaire de rédaction, à la fois en amont et après la rédaction de mes articles. Je n’avais vraiment pas été habitué à pouvoir relire les pages où figurent mes textes et faire éventuellement des corrections de dernière minute ou des remarques sur les choix de photos avant l’envoi à l’imprimerie.

En tant que pigiste, j’envoie plus souvent mes articles un peu comme des bouteilles à la mer dont je n’entends plus vraiment parler avant la sortie du magazine. Pour ce qui est des améliorations, je n’en vois pas. A part peut-être le salaire ? Mais peut-être que si on avait été payés davantage, IG se serait arrêté encore plus tôt…

Quel est le premier article que tu aies écrit pour IG ?

Erwan Higuinen : C’était un texte sur le style de Fumito Ueda, l’auteur d’Ico et Shadow of the Colossus, paru dans IG 20 (numéro daté de juin-juillet 2012). Eh oui, je ne serai pas resté bien longtemps à IG

Quels sont les articles dont tu es le plus fier ?

Erwan Higuinen : Sans hésiter, ceux qui se rapprochent le plus de l’enquête journalistique (sur le financement participatif, sur les femmes dans l’industrie du jeu vidéo…). Avec ma rubrique des Inrocks, j’ai l’habitude de faire des critiques de jeux et, là, c’était un exercice totalement différent. Et je ne vois vraiment pas quel autre magazine qu’IG aurait pu publier ce genre d’articles.

Quels sont les articles qui t’ont donné le plus de fil à retordre ?

Erwan Higuinen : Sans hésiter non plus, les longs articles thématiques (sur le désert dans le jeu vidéo, les naufragés ou les mafias). Deux raisons à cela : un certain manque d’habitude à écrire des textes aussi longs (de 20 à 25 000 signes, pour ceux qui voient ce que cela représente). Et le manque de temps pour explorer vraiment le sujet à fond. Parmi les jeux dont il est question dans ces articles, il y en a que je connais bien mais aussi d’autres dont je n’ai que des souvenirs lointains ou que je n’avais jamais essayés. Certains sur lesquels je me suis (re)penché un peu pour l’occasion mais d’autres pour lesquels c’était plus compliqué. Du coup, ça tenait un peu du bricolage, du mélange de réflexions personnelles et d’infos piochées un peu partout et il n’était pas forcément évident de donner du sens à tout ça. J’espère ne pas m’en être trop mal tiré mais c’était un exercice un peu frustrant.

Quels sont les points que tu aurais souhaité améliorer dans IG ?

Erwan Higuinen : En tant que lecteur, avant d’y collaborer, je trouvais qu’IG avait parfois tendance à s’éparpiller, à aborder trop de sujets plutôt que de les traiter vraiment à fond et qu’il y aurait peut-être eu un juste milieu à trouver entre les articles des numéros « normaux » et la dimension exhaustive des hors-séries. Mais en tant que rédacteur, je me suis rendu compte que ce n’était pas si simple (voir ma réponse précédente). A part ça, peut-être que des textes plus polémiques, plus engagés – mais je ne sais pas vraiment sous quelle forme – auraient pu apporter quelque chose.

Qu’est-ce qui ne marchait pas dans IG ?

Erwan Higuinen : Je n’ai pas vraiment d’avis là-dessus. Je trouve que dans l’ensemble, même si, donc, on peut toujours améliorer les choses, IG marchait plutôt pas mal.

Que t’a apporté ta participation à IG (en bien ou en mal) ?

Erwan Higuinen : La possibilité d’écrire des textes longs alors qu’ailleurs, je suis la plupart du temps cantonné aux formats courts. Et celle de me pencher sur des sujets que je ne connaissais pas parfaitement avant de me lancer et, donc, d’apprendre des choses plutôt que de seulement transmettre un savoir que je possédais déjà. Je pense que, dans l’ensemble, IG m’a aussi un peu « décomplexé », moi qui viens de la critique de cinéma, en matière de journalisme sur le jeu vidéo.

D’autres interviews post mortem sur IG magazine sont disponibles ici, ici et là.

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