Akiman alias Akira Yasuda est un vétéran du jeu vidéo qui a créé les sprites de Street Fighter II et travaillé près de 20 ans pour Capcom avant de se lancer dans l’anime avec Gundam. Portrait rapide de cet excentrique connu pour son talent et ses monomanies.
Fan de Dragon Quest, Akira Yasuda avait un avatar du nom d’Akiman car il n’y avait pas assez de place pour mettre son nom complet. Depuis lors, le pseudonyme est resté son nom de plume.
Ce doyen du jeu vidéo et de l’animation est passé du pixel art à la tablette graphique, du crayon à la peinture et son style a constamment évolué avec les technologies.
Il quitte Hokkaido pour étudier le design à Tokyo pendant deux ans avant d’intégrer un studio d’animation. Mais très vite, la boîte ferme et il doit retrouver un emploi ailleurs. C’est alors qu’il entre chez Capcom malgré son excentricité. Nous sommes alors en 1985.
Des cuisses de Chun Li…
Yoshiki Okamoto (producteur de Final Fight et Street Fighter 2) raconte qu’Akira Yasuda s’est présenté en pyjama avec une cravate sous prétexte que c’était son seul vêtement doté d’un col lui permettant de mettre une cravate.
D’autres membres de Capcom relatent des anecdotes ahurissantes sur ses manies. Il serait capable de passer d’un régime de junk food à une alimentation ultra saine agrémentée de sport à outrance et vice et versa.
Il s’est notamment rendu malade en buvant du lait pas très frais en voulant avoir une alimentation équilibrée. Il passerait ses nuits à dormir sous son bureau au lieu de rentrer chez lui. Il aurait même testé les sols des nouveaux bureaux pour voir s’ils étaient assez confortables pour y dormir…
En tout cas, tous s’accordent sur son talent et sa rapidité. Au début de Capcom, les jeux vidéo étaient réalisés en pixels et il fallait un temps conséquent pour produire les animations.
C’est pourquoi il y avait une vingtaine de graphistes pour réaliser les personnages, les animations, les décors, les interfaces et les illustrations.
À la tête de l’équipe, Yasuda était le plus rapide de tous et une fois qu’il avait terminé ses personnages et les animations, il allait aider les autres. Selon Okamoto, Akiman faisait en un mois ce que les autres faisaient en dix. Il a ainsi intégralement créé et animé Chun Li.
Et a priori les cuisses impressionnantes du personnage sont liées au fétichisme particulier d’Akiman.
Accessoirement, vu qu’elle se sert surtout de coups de pieds, il est normal que cette partie de son anatomie soit un peu disproportionnée.
Il est vrai qu’on croise rarement des femmes aux cuisses plus grosses que la tête dans les magazines de mode féminins.
Pour l’anecdote, Akira Nishitani (Game Director de Street Fighter II) explique sur son compte Twitter (@nin_arika) que les jambes de Chun Li ont dû être refaites trois fois car Akiman n’était pas content du rendu et de la couleur. Cette monomanie a failli les mettre en retard sur les délais et a pris pas mal de mémoire.
Mais Akiman a aussi conçu Guile, Blanka, Zanglief, Balrog et la plupart des personnages. Après le succès de Street Fighter II, il est devenu responsable de la direction artistique de Capcom.
Il a supervisé presque tous les jeux tout en continuant à concevoir personnellement des personnages pour un bon nombre de titres comme Street Fighter III, Marvel vs Capcom, Darkstalkers, Captain Commando, Powerstone…
Pour le jeu X-Men, il s’est intégralement occupé de Wolverine et de ses animations. Il a également réalisé pas mal de mecha design dont celui de 1942 et de Side Arms en s’inspirant de Z Gundam dont il était fan.
Et justement en tant qu’admirateur de Gundam, lorsqu’il a su que le créateur de l’anime (Yoshiyuki Tomino) allait réaliser une nouvelle série pour célébrer les vingt ans de la licence, il a tout fait pour y participer.
À partir de là, il s’est un peu détourné du jeu vidéo. Il est devenu à moitié freelance, fait rare au Japon.
Certes, il a déménagé près de San Diego en Californie et passé trois ans sur le jeu Red Dead Revolver avant qu’il ne soit abandonné par Capcom puis revendu à Rockstar qui en a fait un succès et une suite bien connue Red Dead Redemption.
Mais à partir de 2003, il tourne définitivement la page du jeu vidéo et revient au Japon.
Aux robots de Gundam et Code Geass
Lorsqu’Okamoto présente Tomino à Akiman, c’est un rêve de fan qui se réalise et il se voit confier le character design des cinquante épisodes de la série ∀ Gundam / Turn A Gundam (1999-2000).
Parmi ses créations, il y a le héros qui non seulement est « de couleur » mais se travestit également en femme. Certes, il y avait eu Nadia dans la série éponyme chez Gainax. Mais Loran Cehack fait partie des exceptions.
Poursuivant la série, il réalise également l’un des mangas liés à cet univers : Turn A Gundam: Tsuki no Kaze (2004-2005).
Il découvre alors les affres liées aux délais à respecter pour rendre les planches à temps et se perfectionne dans le dessin en noir et blanc.
Dans le jeu vidéo, il était toujours possible de tricher avec la couleur tandis que dans le manga il faut mieux maîtriser son trait. Il dessine donc à la plume pour plus de dynamisme et fait ses trames à l’ordinateur.
Il avait commencé dans cette voie en réalisant des illustrations pour le magazine Gundam Ace avant de faire une histoire parodique dans un recueil.
Bien que le manga lui prenne beaucoup de temps, il s’occupe du mecha design de la série animée Overman King Gainer (2002-2003), toujours avec Tomino pour le studio Sunrise.
Puis il se charge des Nightmare, mecha de la série Code Geass: Lelouch of the Rebellion (2006-2007). Toujours produite par Sunrise, l’anime bénéficie d’un character design réalisé par les Clamp.
En 2012, il renoue avec le character design sur la série Bodacious Space Pirates et il participe au nouveau Gundam qui sort en 2014 pour le mecha design.
En parallèle, il s’occupe d’illustration pour le jeu vidéo et les magazines spécialisés : jaquette de Kidou Senshi Gundam: Giren no Yabou – Axis no Kyoui V (2009), illustration pour les artbooks de Capcom, character design de Brave Story : New Traveler (2006)…
Il a récemment participé au artbook de Dragon’s Crown et il réalise également pas mal d’illustrations de pin-up qu’il vend lors des Komikets sous forme de recueils.
Il a notamment réalisé des séries d’illustrations érotiques avec Ushijima, cosplayeuse célèbre pour ses poses, euh… vous voyez quoi…
Du pixel à la peinture
S’il a commencé sa carrière avec du pixel art, Akira Yasuda n’en est pas moins un très bon illustrateur qui a su évoluer avec les technologies.
Quand il était jeune, il a été impressionné par les couleurs de Xevious (1083), shooter en scrolling vertical de Namco avec des images précalculées.
À l’époque de Street Fighter II, il devait faire des animations en sprites avec des couleurs limitées et surtout faire en sorte que le tout soit « lisible » pour le joueur. Il s’agit d’un jeu de combat et il faut exprimer un maximum de chose en un minimum de carrés.
Très rapidement, il a aussi réalisé des illustrations pour les jaquettes et les publicités diverses. Au début, ses personnages sont très statiques et les couleurs forment des aplats assez agressifs.
Par la suite, les poses deviennent plus dynamiques et les visages sont notamment moins figés. Il est capable de faire des compositions folles où tous les personnages sont en action.
Il a également beaucoup expérimenté avec la palette graphique et Photoshop pour des rendus différents qui pourraient presque évoquer des layouts aux feutres.
Enfin, récemment, il s’est mis à la peinture et a même fait une exposition à Akihabara.
Remarquable en tant qu’artiste, il a également recruté et en partie formé des talents comme Kinu Nishimura et Bengus, deux autres artistes célèbres pour leurs illustrations de jeu de combat.
Pour tout ceci, on peut sans doute lui pardonner quelques excentricités.
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