Connu pour leur shôjo CLAMP s’est attaqué au public masculin dans Chobits. Comment faire de la romance avec du fan service et un zeste de réflexion ?
Prépublié dans Young magazine (Kôdansha) en 2001, Chobits est un shônen dans la lignée des Love Hina et Maison Ikkoku. La série télévisée qui en est tirée suit avec fidélité le manga. Diffusée sur Tokyo Broadcast System (TBS) de façon hebdomadaire du 2 avril au 24 septembre 2002, l’anime comprend vingt-six épisodes de vingt-six minutes.
L’animation du studio Madhouse et la réalisation de Morio Asaka sont plutôt de bonne qualité pour une série télévisée. Le character designer, Hisashi Abe, respecte bien le graphisme des CLAMP, mais le rythme de l’intrigue est bien lent.
Il ne fallait pas que la série TV prenne trop d’avance par rapport au manga sous peine de dévoiler des pans entiers de l’histoire encore non publiée. C’est pourquoi l’anime met plus en valeur le héros que le manga qui regorge de personnages secondaires attachants.
Il était une fois un garçon pas très doué
Le héros est un étudiant de 19 ans : Hideki Motosuwa. Comme bien d’autres personnages de ce type de série, il a raté ses examens d’entrée à l’université. C’est un peu le plouc fauché, débarqué de sa campagne pour trouver un petit boulot dans la capitale et tenter à nouveau d’entrer en fac.
Pas toujours très dégourdi, mais avec un bon fond, Hideki devient serveur dans un restaurant. Il habite dans une pension de famille pas trop chère, dont la tenancière est une charmante jeune veuve.
Jusque-là rien de très original. L’intrigue prend forme lorsque Hideki trouve une jeune femme à moitié nue au milieu des poubelles et la ramène chez lui.
On n’insistera pas sur le fait que les Japonais trouvent toujours plein de choses intéressantes dans les poubelles, tandis qu’en France on trouve juste de vieux machins abandonnés lors de déménagements.
La fille en question n’est pas humaine malgré son apparence. Il s’agit en fait d’un persocon (abréviation de personal computer, autrement dit un PC).
Dans le Tôkyô futuriste des CLAMP, les ordinateurs sont tous des intelligences artificielles à forme humaines, des robots de taille plus ou moins grande. Seules leurs grandes oreilles les différencient des humains.
Petite culotte et tablier
À partir de cette découverte et de « l’allumage » de la machine, la vie de Hideki va totalement changer. Il doit va devoir tout apprendre à ce robot qui, au début, ne sait dire que « tchii ». Il lui donne ce mot en guise de prénom, ce qui à défaut d’être original est très mignon.
C’est un peu comme si vous vous retrouviez avec la poupée Barbie de votre sœur, en taille réelle. Il faut l’habiller (et pas seulement avec un tablier de cuisine), lui apprendre à parler, lui apprendre à se comporter correctement en public, lui expliquer qu’il ne faut pas écouter les inconnus au risque de la retrouver dans un peep-show.
L’innocence et la totale crédulité de Tchii en font, à la fois, une figure comique et un personnage vraiment attachant. Son caractère enfantin accentue l’aspect kawaii très marqué pour un shônen. Entre la candeur de Tchii et la balourdise de Hideki, le scénario accumule les fan services.
Mention spéciale pour le problème de l’achat de la petite culotte et pour l’épisode du bain. Tchii est une maid parfaite qui essaie d’assouvir tous les désirs de son maître.
D’ailleurs, elle n’est heureuse que lorsqu’il l’est aussi. C’est pourquoi elle lui achète des revues pornographiques… Le caractère naïf de Tchii explique pourquoi elle ne se rend pas compte de la portée érotique de ses actions. Par contre, les CLAMP savent très bien comment allier érotisme ultra soft et humour dans Chobits.
L’autre particularité de Tchii est que c’est un persocon sans système d’exploitation. Imaginez un ordinateur sans MS-DOS, Windows, Linux ou Mac OS X. Quand on vous dit que les poubelles de Tôkyô regorgent de trucs spéciaux…
Les grandes questions sont alors de savoir qui a créé Tchii, dans quel but et pourquoi a-t-elle été abandonnée ? À cela s’ajoutent plein d’autres énigmes au fil des épisodes. Il y a une légende urbaine qui explique que certains ordinateurs (les Chobits) seraient capables d’éprouver des émotions humaines. Est-ce le cas de Tchii ?
D’où viennent les livres pour enfant qu’elle lit et qui semblent lui être tout particulièrement destinés ? Qui a envoyé une photo mystérieuse de Tchii sur le net ? Qui est cette mystérieuse Tchii en noir qui apparaît dans les pensées de l’héroïne ? D’où viennent les pouvoirs étranges de Tchii ? Qui sont les deux personnages en noirs qui la surveillent ?
Pourquoi n’y a-t-il jamais rien d’intéressant dans mes poubelles à moi ?
Triangle amoureux
Dans Chobits, CLAMP reste fidèle à ses schémas narratifs habituels. On retrouve les diverses amours impossibles entre personnes d’une même famille ou entre deux individus d’apparence incompatibles : relation entre homme et robot, entre prof et élève, inceste.
Ainsi Yumi, lycéenne à l’opulente poitrine, aime Hideki qui semble plus qu’attaché à Tchii. Parmi les intrigues secondaires, beaucoup mettent en scène les relations problématiques entre les hommes et les robots à l’apparence trop humaine.
C’est le cas de Mimoru Kokubunji. Il est élève de cinquième et spécialisé dans la customisation des persocon. Il a créé une copie presque parfaite de sa sœur défunte à partir de tous les souvenirs qu’il en a conservé. Même si ce n’est qu’un être artificiel, il semble l’aimer comme une humaine.
Quant à la prof de Hideki, elle est délaissée par son mari qui lui préfère une persocon. L’anime propose une sorte de panel des différentes relations possibles entre hommes et machines.
On découvre aussi que chaque personnage possède un passé douloureux et tente de le surmonter avec courage. C’est le cas d’Ueda qui s’occupe de la pâtisserie où travaille Tchii.
Évidemment, le spectateur attend avec impatience de voir l’évolution des sentiments du héros pour son robot, mais surtout ceux de Tchii pour Hideki. En effet, elle semble devenir de plus en plus humaine au fil des épisodes.
Le livre pour enfant qu’elle lit y est d’ailleurs pour quelque chose, comme s’il lui permettait de s’interroger sur son propre sort, de se forger une conscience. Le personnage principal de ces illustrés est une espèce de lapin nommé Atashi, ce qui signifie « je » en japonais.
Lorsque Tchii lit ces histoires pour enfants, c’est un peu comme si elle formulait les questions qu’elle doit se poser sur son existence et ses relations avec les humains. Ce mot n’est employé que par les femmes et les péripéties de l’histoire correspondent à la vie de Tchii, ce montre bien le caractère réflexif du récit.
Comme dans une sorte de conte de fée pour homme moderne, l’amour soignera les plaies du passé et accomplira des miracles. Chobits est une manière de célébrer le dévouement amoureux dans un univers de SF.
Et si vous avez lu jusqu’ici et apprécié l’article, offrez-moi un café 🙂