Plongeons au cœur du Comiket, mot valise pour « comics market », qui désigne le plus grand rassemblement de dessinateurs et mangakas amateurs de tout le Japon. Nombreux sont ceux qui ont débuté leur carrière dans cette convention.
Tout commence en 1975 avec une petite convention tokyoïte rassemblant 32 groupes d’exposants et environ 700 visiteurs. Avec l’émergence du shôjo manga (bande dessinée destinée aux filles) et de grandes sagas de science-fiction comme Yamato et Gundam, le public amateur de bandes dessinées et de dessins animés devient de plus en plus nombreux.
Dix ans plus tard, le Comiket a déjà pris beaucoup d’importance et attire plus de 35 000 visiteurs qui sont autant de potentiels dessinateurs amateurs.
Entre 1986 et 1995, le développement desanime renforce l’engouement du public pour le manga amateur (dôjinshi), et la convention croît de façon exponentielle. Elle doit être déplacée à plusieurs reprises pour pouvoir accueillir le public. Elle quitte donc le Tokyo Ryutsu Center pour Harumi, puis le Makuhari Messe (où se déroule le Tokyo Game Show).
Il faut dire que la file d’attente pour entrer faisait plus de deux kilomètres de long lors du Comiket 32…
Phénomène de société
En 1989, lorsque le tueur en série Tsutomu Miyazaki est arrêté et que l’on découvre sa passion pour les anime, les otakusamateurs de mangas et de dessins animés sont désignés comme des personnes potentiellement dangereuses et leurs loisirs sont considérés comme nuisibles.
Au lieu de desservir le Comiket, cette mauvaise réputation ne fait que médiatiser et accentuer le phénomène des otakus. Cela ne les empêche pas de continuer à se rassembler lors de cette convention annuelle qui prend tellement d’ampleur qu’elle se déroule désormais en deux jours.
Les dôjinshi mettant parfois en scène des relations sexuelles assez crues, les autorités s’en inquiètent et le Comiket est déplacé vers Ariake. Entre 1996 et 1999, le phénomène des dôjinshi est tel que des problèmes de copyrights et de droits sont posés.
Les anciens fanzines et mangas amateurs ressemblent de plus en plus à de vrais produits éditoriaux et les exposants de la convention agissent désormais comme de vrais patrons de boutiques.
Des character designers reconnus y vendent aussi des artbooks d’illustrations personnelles en auto-édition. De leur côté, certains amateurs peuvent désormais vivre de leurs dôjinshi.
Actuellement, le Comiket se déroule en deux sessions de trois jours, l’une en août et l’autre en décembre. La petite salle initiale a été remplacée par le Tokyo Big Sight, bâtiment destiné aux expositions, dont la superficie correspond à peu près à douze terrains de football.
En 2009, lors du Comiket 76, il y avait plus de 560 000 visiteurs et on estime que plus de 9 440 000 livres ou fanzines ont été vendus à cette occasion. C’est sans doute la plus grande convention de manga au monde.
Et pour faire rentrer ce demi-million de visiteurs dans le bâtiment, il y a une organisation très importante comme on peut le voir dans ces images tirées d’une vidéo publiée par le Daily Mail.
Diversification
Lors du Comiket, on ne trouve pas que des mangas amateurs. Les cosplayers y ont désormais un espace dédié et les amateurs de figurines et de maquettes s’y retrouvent également pour vendre différents produits.
La convention est donc devenue un immense centre commercial avec tous les produits de la pop culture : mangas, anime, jeux vidéo, cosplay, figurines, maquettes, idoles et chanteuses virtuelles et tous les produits dérivés possibles et imaginables.
Il est fortement recommandé d’acheter le catalogue du Comiket si l’on veut s’y retrouver un peu.
Face à l’afflux de visiteurs, un service de sécurité a dû se mettre en place. Autrefois, les fans les plus accros pouvaient bivouaquer plusieurs jours avant l’ouverture du Comiket pour être sûrs d’avoir le dôjinshi ou la maquette de leurs rêves. Actuellement, ce genre de pratique est interdit pour des raisons de sécurité.
Au départ, le phénomène des dôjinshi était surtout féminin et les femmes étaient majoritaires aussi bien au niveau des exposants que des visiteurs. Actuellement, il semble que la tendance s’inverse un peu, et le public masculin atteint désormais les 40 %.
On pourrait également croire que le manga amateur est une affaire d’adolescents. En réalité, les visiteurs et les exposants ont souvent entre 25 et 30 ans, voire bien plus !
Finalement, ce qui était à ses débuts une convention un peu marginale est devenu au fil des années une institution presque normalisée, et l’otaku rejeté de la société se transforme en consommateur lambda.
Quelques éléments clefs
100 000 exemplaires du catalogue du salon (1400 pages pour le Comiket 84).
En raison de la très grande quantité de papier utilisée lors de chaque Comiket, les organisateurs demandent aux participants de faire des dons à des organismes de préservation de la nature.
Plus d’un million de yens ont été récolté lors du Comiket 84 et plus de 60 millions tout au long des vingt dernières années.
La chaleur de l’été combinée à celle émise par le millier de participants produit ce que l’on appelle le Comiket Cloud.
Les lignes de métro et de train modifient leurs horaires pour mieux contenir l’afflux des participants.