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Entretien avec Ian Dallas, créateur de What Remains of Edith Finch

Lors de la rédaction de mon livre Indie Games, j’ai la chance de faire l’interview de Ian Dallas. Il a répondu a beaucoup de questions et certaines réponses n’ont pas été publiées. Voici une partie de l’entretien consacrée à What Remains of Edith Finch.

Évidemment, il vaut mieux avoir joué au jeu avant de lire cet extrait d’entretien.

Inspirations

Avez-vous été inspiré par Dear Esther ou Everybody’s Gone for Rapture pour What Remains of Edith Finch ?

Ian Dallas : Je pense que nous avons pris un peu d’inspiration auprès des deux jeux.

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Dans le cas de Dear Esther, j’ai été impressionné par le fait que vous pouvez avoir une expérience cohérente et attrayante avec très peu de ce que nous considérons traditionnellement comme des éléments de gameplay.

L’entrée dans un nouveau monde, sa découverte, la déambulation en en regardant les choses alentours, tout ceci est déjà une interaction très riche.

What Remains of Edith Finch

Dans le cas de Everybody’s Gone to the Rapture, pour ma part, en tant que joueur, j’aurai souhaité plus d’interactivité.

Pour les joueurs qui aiment se focaliser plus sur l’histoire, je pense que le titre fonctionne merveilleusement bien.

Mais pour moi personnellement, je pense que ce jeu donnait l’impression d’être plus grand et plus dense que Dear Esther, alors j’avais envie de faire plus que simplement marcher et enquêter.

What Remains of Edith Finch

Dans les deux cas, il s’agit de jeux très intéressants et bien conçus, mais j’ai trouvé que le dispositif plus contraint de Dear Esther était mieux adapté à un monde avec une interactivité limitée.

Personnages et gameplay spécifique

Dans le jeu, chaque pièce est comme un puzzle représentant une personne. Comment avez-vous défini les objets ou la disposition des éléments pour créer cette personnification à travers le décor ?

Ian Dallas : Dans chaque chambre, nous avons eu trois objectifs principaux :

  • transmettre une idée précise du personnage en en faisant un archétype (par exemple « l’enfant star »),
  • montrer leur nom dans autant d’endroits que possible (par exemple « Barbara »)
  • donner aux joueurs l’impression que cela se déroule à une époque précise (avec les objets technologiques, les photos, les calendriers, etc.).
What Remains of Edith Finch

Essayer d’atteindre chacun de ces objectifs était en soi un grand défi pour nous.

Chaque pièce a subi plusieurs réaménagements complets, souvent basés sur les commentaires des joueurs en playtest qui étaient distraient par certains éléments ou en rataient.

Donc, en termes de personnification, ce n’était pas un but initial.

What Remains of Edith Finch

C’était quelque chose qui a émergé, car nous avons passé de plus en plus de temps dans ces salles et essayé de trouver des moyens d’atteindre nos principaux objectifs de manière appropriée pour chaque personnage et chaque période.

What Remains of Edith Finch

Qu’est-ce qui vous a incité à créer un gameplay différent pour chaque personnage de What Remains of Edith Finch ?

Ian Dallas : Nous nous sommes toujours attaché à la création d’une expérience de jeu, sur la façon dont on se sent dans une situation donnée (par exemple, être un enfant sur une balançoire), plutôt que de se concentrer sur des choses comme le personnage eux-mêmes ou le récit de manière générale.

What Remains of Edith Finch

Donc, chaque histoire a commencé avec une mécanique de base visant à explorer certaines émotions, comme le fait de faire voler un cerf-volant sur une plage.

Et ce n’est qu’une fois que ces prototypes ont commencé à devenir intéressants, que nous avons commencé à nous inquiéter des autres éléments, de ce qu’il faudrait pour raconter ce récit. 

Interfaces de What Remains of Edith Finch

Le texte est affiché d’une manière originale à l’écran (flottant dans l’air, imprimé dans une BD, suivant la forme d’une route). Comment avez-vous eu cette idée d’interface ?

Ian Dallas : Je pense qu’à l’origine c’était une idée que nous n’avions pas pu mettre en place dans notre précédent titre, The Unfinished Swan. Nous voulions avoir un chapitre dans une énorme bibliothèque. 

What Remains of Edith Finch

Et une fois que nous avons mis en place les bases de ces textes en 3D, nous avons réalisé qu’en plus d’être intrinsèquement intéressant, c’était un moyen pour nous de résoudre bien d’autres problèmes.

Premièrement, c’était une façon d’encourager les joueurs à regarder dans certaines directions, à souligner les choses qu’ils auraient pu manquer.

What Remains of Edith Finch

Cela nous a également donné l’occasion d’ajouter de la vie et du mouvement à la maison, qui par ailleurs était assez statique puisqu’elle a été abandonnée depuis de nombreuses années.

Enfin, dans certains cas, comme dans l’histoire de Gus, les lettres étaient un moyen pour nous d’introduire des petites mécaniques de jeu (ramasser toutes les lettres avec votre cerf-volant) sans rompre l’immersion dans ce monde.

What Remains of Edith Finch

Les lettres en mouvement s’accordent bien à l’un des principaux thèmes du jeu: la façon dont les éléments humains et familiers se transforment en choses plus vivantes et monstrueuses.

Ainsi la maison des Finch semble assez normale durant les deux premiers étages, mais elle devient ensuite de plus en plus outrancière.

De même, le nombre et la taille des piles de livres augmentent au point de devenir des éléments obsessionnels et surréalistes.

What Remains of Edith Finch

Nous avons l’habitude de lire des centaines de lettres imprimées sur une page et cela semble tout à fait ordinaire.

Mais dès qu’ils commencent à déplacer, ces éléments typographiques passent d’éléments humains et familiers à quelque chose de plus vivants comme des fourmis ou des lucioles se déplaçant sur une feuille.

À propos des émotions

Bien que le jeu représente de multiples décès, il y a beaucoup d’humour. Comment avez-vous réussi à combiner ces sentiments d’apparence contradictoire ?

Ian Dallas : Quand les joueurs entendent dire que c’est un jeu sur la mort, la plupart pensent qu’il va s’agir d’un titre sombre ou grave.

Or, il était important pour moi que le jeu ne se soit pas déprimant parce que, personnellement, je ne considère pas la mort comme un événement triste.

What Remains of Edith Finch

C’est juste une phase de la vie.

Nous voulions également adopter un ton respectueux, afin de convier les joueurs à voir ces personnages comme des êtres humains et à sympathiser avec eux.

L’écriture et le ton du jeu ont beaucoup évolué durant le développement.

What Remains of Edith Finch

En fin de compte, en interrogeant les joueurs lors des playtests pour qu’ils nous parlent de leur expérience, nous avons découvert qu’ils avaient déjà en tête une atmosphère sérieuse et grave.

Il n’était donc pas nécessaire de souligner cet aspect puisque le contexte était déjà assez explicite pour les joueurs.

What Remains of Edith Finch

Cela nous a permis d’avoir une approche plus légère, et d’introduire un peu d’humour et de fantaisie.

La fin est surprenante car elle tente de changer notre point de vue sur la mort.

Ian Dallas : Avant toute chose, ce jeu est ma tentative pour encourager les joueurs à penser à la mort.

Je trouve incroyable le nombre de personnes qui vivent en ayant l’impression qu’elles ne vont jamais mourir.

Évidemment, tout le monde sait qu’un jour, ils vont mourir et que les membres de leur famille vont décéder. Mais quand cela se produit, cela reste un grand choc.

What Remains of Edith Finch

En créant 13 membres de famille très distincts et en montrant aux joueurs comment chacun d’entre eux meurt, j’ai l’espoir qu’au moins l’un de ces personnages et ces points de vue leur semblent assez familier pour évoquer quelque chose dans leur propre vie.

Finalement, ce n’est pas seulement un jeu sur les décès d’une famille, c’est le rappel qu’un jour chacun d’entre nous allons également mourir.

Pour les autres parties de l’entretien, c’est dans ce livre : Indie Games: Histoire, artwork, sound design des jeux vidéo indépendants.

Et si vous avez lu jusqu’ici et apprécié l’article, offrez-moi un café 🙂

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