Travailler avec une grosse boîte américaine, c’est un peu comme travailler avec une grande société japonaise, le risque d’un procès en plus. Il faut donc être hyper procédurier, s’y prendre avec beaucoup d’avance, avancer un maximum d’argument en sa faveur et espérer un « oui », trois mois plus tard.
Pour IG magazine nous voulions faire un numéro dédié à Blizzard, mais après négociation, les Américains n’étaient pas intéressés : nous ne sommes qu’un tout petit magazine français. Si encore nous avions des millions d’exemplaires vendus, des fans hystériques sur tous les réseaux sociaux ou une émission télévisée, peut-être qu’ils auraient réfléchi à deux fois. Mais franchement, un mag français même pas généraliste ! Bof.
Le numéro dédié étant tombé à l’eau, nous avions tout de même réussi à négocier une image de couverture exclusive qui nous a été plus ou moins imposée. Disons que nous avons reçu une image avec un très gros copyright en travers, nous permettant juste de voir que cela devait être un artwork très bien fini. Suite à cela, les services juridiques de l’éditeur ont demandé des renseignements pour établir le contrat. Quelques semaines plus tard, nous recevons le contrat. Mon service juridique examine le contrat. Après leur feu vert, je peux enfin signer le contrat et le leur renvoyer. Malgré quelques mails perdus (et donc semaines perdues aussi) à cause des nos messageries respectives qui ne voulaient visiblement pas communiquer ensemble nous recevons l’illustration en haute définition.
Et hop, passage du relais au graphiste qui fait la moue. Va falloir détourer l’arrière-plan et tous les cheveux et sans doute devoir couper les têtes empalées au second plan… « Ah ? Y a des têtes empalées au second plan ?! » Avec la très faible résolution de l’image et le gros copyright, nous n’avions pas vraiment pu voir ce « détail ». En fait, nous avions surtout vu que la couverture serait très verte. Bon gré mal gré, une fois que le graphiste a fait le deuil d’un plan B, il se met au travail et détoure mèche à mèche.
Pendant ce temps, je demande si par le plus grand des hasards il est possible d’employer la couverture pour faire une affiche même si le contrat stipule que l’image ne peut être utilisée qu’une fois et uniquement en couverture. La réponse est évidemment : « non ».
D’autres problèmes arrivent avec la cellule com’ de DOFUS. Quoi ? Mettre une bannière pour IG avec WarCraft en couverture ? Mais voyons c’est un MMO concurrent ! Après avoir expliqué que IG propose des articles sur tous les jeux vidéo même les MMO concurrents, un autre problème se pose. Quoi ? Mettre un monstre avec des têtes de cadavres à la ceinture sur un site où des enfants sont susceptibles de surfer ? Bon, après là encore quelques remises à plat nous avons une petite bannière sur le site dofus.com.
Une fois la couverture terminée, nous l’envoyons à l’éditeur qui valide le tout une nouvelle fois. Tout part chez l’imprimeur et, c’est le drame. Le fichier part avec les titres d’IG7. Après trop de relectures, ni les correcteurs, ni les maquettistes n’ont vu la très grosse coquille. Il faut donc refaire la couverture. Pour les exemplaires façonnés avec la mauvaise couverture nous avions le choix entre tout réimprimer ou arracher la couverture et en remettre une autre en sachant que le résultat final est plus petit que le mag normal d’un bon centimètre. N’ayant ni le temps ni les moyens de réimprimer, nous optons pour la seconde solution. Ceci explique pourquoi certains lecteurs ont un magazine plus petit que les autres dans leurs rayonnages. À cause de tout cela, nous avons un très très gros déficit dans la trésorerie.
Afin que ce genre d’erreur humaine ne se reproduise plus, nous avons alors nous aussi mis en place des procédures…
Moralité : il faut savoir prendre le temps de tout vérifier au risque de perdre la tête.