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Interview de Han Randhawa (Directeur artistique de Darksiders II)

Si Joe Madureira dessine encore quelques concept arts pour Darksiders II, c’est désormais Han Randhawa qui se charge de la cohérence esthétique du jeu en tant que directeur artistique. Il chapeaute non seulement l’équipe de concept artists mais supervise aussi tous les éléments visuels produits pour ce jeu. Fidèle interprète du style de Mad depuis Darksiders, il poursuit ce travail de management pour le second volet.

En quoi Mort se distingue-t-il de Guerre pour apporter de l’inédit à la licence ?

Han Randhawa : Nous voulions créer un héros totalement différent de celui de Darksiders I. Guerre était une force de la nature, un personnage massif, tandis que Mort est bien plus agile et plus acrobatique. C’est ce que nous avons voulu montrer à travers sa silhouette allongée : il est plus rapide et se bat plus comme un assassin en esquivant et en contre-attaquant. De cette façon, nous conservons l’essence de Darksiders avec son univers mais nous insufflons quelque chose de nouveau par le biais du héros.

Il est possible de personnaliser Mort avec des équipements et des arbres de compétences. Cela influe-t-il sur sa gestuelle ?

Han Randhawa : Les animations varient selon les voies que vous choisissez pour développer votre héros. Vous le trouverez sans doute plus agressif sivous développez ses compétences en combat au corps à corps. Mais nous ne voulions pas aller trop loin dans cette direction et trop distinguer ses modes de combat au niveau de l’animation. Il fallait avant tout conserver les éléments essentiels comme son agilité et son instinct bestial. Guerre était massif et se déplaçait d’un pas lourd tandis que Mort a une silhouette plus fine et voûtée. Il paraît à la fois nonchalant et prêt à bondir. C’est cette dualité qui se dégage des dessins de Joe Madureira et des images que l’équipe adore, notamment certains  personnages de Street Fighters de Capcom ou ceux des anime. Il y a toujours cette énergie que l’on ressent même quand les personnages sont au repos. C’est cette attitude que nous voulions garder quels que soient les équipements et les modes de combats de Mort, car c’est vraiment la posture qui le définit.

Le premier jeu contenait beaucoup de références bibliques. Est-ce encore plus le cas dans le second volet puisque tout se passe dans l’outremonde ?

Han Randhawa : Nous avons conservé les références mais nous n’avons pas cherché à reproduire en jeu l’Apocalypse de façon précise et détaillée en lien avec les textes. Nous les avons surtout utilisés comme thématique et nous aimions beaucoup les noms, qui nous semblaient très fantaisistes. Pour les nouveaux personnages, nous avons surtout tenu compte des environnements où ils apparaissent. Et comme le jeu se déroule dans un autre monde, nous avions aussi plus de liberté. Il y a des lieux démoniques et d’autres plus angéliques. Par exemple, Death croise des Anciens, race dont fait partie Ulthane, de Darksiders I. Ils vivent dans un environnement sylvestre tandis que les démons ou les anges vivent dans des milieux très différents. Nous avons fait en sorte que les décors comme les personnages reflètent une histoire.

Comment définir le style Darksiders ? Par quoi êtes-vous influencé en dehors de Madureira ?

Han Randhawa : À présent, je suis en mesure de vous dire si tel ou tel dessin est dans l’esprit de Darksiders, s’il est trop sombre ou trop gore. Il faut apporter au dessin un côté surnaturel et un peu sinistre. Par exemple, il n’y a presque jamais de courbe ou de ligne droite mais des lignes brisées, des arrêtes vives pour insuffler de l’énergie à l’environnement et aux dessins. Donc pour transposer un objet dans l’esthétique de Darksiders, vous devez lui enlever ses courbes et le doter d’une structure plus solide, plus dynamique en lui donnant ces angles.

D’une façon générale, je suis inspiré par Wakfu, la série de dessin animé qui est très stylisée, mais aussi par des anime comme Samourai Shampoo, Afro Samourai…  J’adore aussi les personnages de Capcom d’une façon générale. Je suis fan de ce que font Bengus et Akiman !

Il y a de multiples itérations lors du développement d’un jeu. N’est-ce pas usant de refaire les illustrations ?

Han Randhawa : Quand nous devons designer un personnage, nous faisons en sorte que cela corresponde au gameplay, plutôt que l’inverse. Donc il y a des contraintes, qui sont fixées par le lead designer. Nous discutons avec lui des choses qui doivent impérativement figurer en jeu et être visibles. Ainsi, même si en cours de route l’aspect esthétique des personnages change pour être plus adapté, ou plus percutant auprès des joueurs, au final tout se goupille bien pour que le jeu avance et que nous progressions de concert sans tout recommencer de zéro. Bien sûr, les données issues du gameplay influencent le graphisme : selon la façon de combattre, selon la vitesse de déplacement, le personnage n’aura pas la même silhouette.

En quoi consiste votre travail au quotidien ?

Han Randhawa : À partir du concept art de Joe Mad, nous réalisons un « turn around » (NDLR : images d’un même personnage sous plusieurs angles qui sert ensuite de fiche d’identité graphique), puis le modeleur le crée en 3D. Mais il y a toujours de possibles mauvaises interprétations du dessin. C’est mon rôle de vérifier tous les éléments créés pour qu’ils soient conformes à la même vision initiale. Tous les modeleurs et tous les artistes travaillant sur les textures me donnent un rendu quotidien que je regarde, et commente soit par email soit en réunion. C’est une façon de guider le processus de création collectif. Si je m’y prends bien et que les bases sont bien posées, alors ils peuvent aller de l’avant et se lâcher plus par la suite car si les fondations sont bonnes, le reste sera en harmonie avec les autres éléments du jeu.

Faites-vous appel à des sociétés externes pour certains designs ?

Han Randhawa : Tous les artistes clefs font partie du studio : les concept designers, les modeleurs… Mais nous externalisons certains  éléments graphiques car une fois que nous avons créé les modèles et des exemples à suivre, il est plus simple de confier des éléments secondaires à une société spécialisée. Ainsi, les armes et les équipements que l’on gagne en lootsont designés en interne et forment une bible esthétique que nous pouvons donner comme base de travail à d’autres pour créer les objets secondaires. Et bien sûr, tous les jours je vérifie aussi la progression de ces éléments pour être sûr que tout soit cohérent d’un point de vue graphique.

La suite dans IG Magazine.

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