Pour avoir des consommateurs fidèles demain, il faut les former et les appâter aujourd’hui : telle est la recette appliquée par de multiples sociétés dans le cadres des MMO pour enfants.
Pendant que les sociétés de jeux gamers se demandent encore comment mieux faire convergencer les médias, Disney, Cartoon Networks et d’autres sont en train d’inventer le nouvel univers du divertissement pour enfants.
Lorsque l’on évoque les MMO, on pense généralement à World of Warcraft, à ses personnages heroic fantasy et à ses 13 millions d’abonnés. Mais ce type de jeux massivement multijoueur en ligne possède aussi un large public d’enfants et de préadolescents.
Bien sûr, les mondes et les gameplays diffèrent, mais les principes essentiels subsistent. Il s’agit de mondes persistants où peuvent se connecter un grand nombre de joueurs simultanément pour interagir.
La compétition et le challenge sont présents de mamnière différente car à huit ans, un enfant n’a pas forcément une âme de gamer acharné prêt à refaire cent fois un même niveau malgré la sanction « You Loose » qui tombe à chaque raté. La plupart du temps, ces MMO pour enfants propose un univers rempli de mini-jeux. Pas de mort, pas de violence, mais de l’action quand même.
Mixte entre plateforme de discussion en ligne, customisation de son personnage et de sa maison du type Sims, et parc d’attraction, ces cours de récréation virtuelles ont pour avantage d’être toujours ouvertes et pleines de copains virtuels prêts à dialoguer ou à s’amuser.
Une fois connecté, l’enfant y retrouve soit des amis bien réels qu’il vient juste de quitter soit des amis qu’il n’a jamais aperçu dans la « vraie vie ».
Bataille d’investisseurs
Sans aucune publicité, en dehors du bouche-à-oreille dans les cours de récréation, ces MMO atteignent des scores très impressionnants là où WoW doit faire des campagnes de recrutement par le biais de spots télévisés.
Parmi les premiers MMO pour enfants, on trouve par exemple Club Pingouin. Lancé en 2005 par des Canadiens, le jeu comptabilise 700 000 abonnés payant et 12 millions d’utilisateurs actifs deux ans plus tard.
En 2009, on estime que Club Pingouin aurait plus de 30 millions de joueurs, Neopets 52 millions d’inscrits et Habbo Hotel 90 millions d’utilisateurs.
Secteur en forte croissance, le jeu en ligne pour enfants attisent les convoitises des investisseurs et des éditeurs de contenus comme Disney, Cartoon Network, Nickelodeon, Lego, Mattel ou Sanrio. Ils permettent de fidéliser le public et de les fédérer autour d’une marque.
Ainsi, il est possible de retrouver en ligne le dessin animé en streaming, de le commander en VOD si on a raté les épisodes précédents, de télécharger les goodies pour son ordinateur et son téléphone portable, de commander les peluches et autres jouets non téléchargeable et enfin d’incarner son héros dans le MMO adéquat.
Il s’agit de fournir un divertissement en ligne sous toutes les formes possibles, partout, à tout moment, et sur toutes les plateformes (ordinateurs, téléphones, consoles…). Le monde magique de Disney avec vous tout le temps (ou celui de Nickelodeon, ou de Cartoon Network, rayer la mention inutile…) !
En 2003, il n’y avait que Toontown Online. Depuis, Disney a développé son offre afin de toucher le plus large panel de consommateurs.
Dans son escarcelle on trouve aussi Pirates of the Caribbean Online (adaptation des films), Pixie’s Hollow (le monde de la fée Clochette pour faire suite au film) et d’autres MMO en cours de développement dont World of Cars (adaptation du film de Pixar).
Et au cas où les parents voudraient vraiment faire plaisir à leurs enfants en les amenant dans un Disneyland, c’est également possible en ligne avec une agence de voyage sur Disney family.com !
Pour être sûr de recrûter ce jeune public, les sociétés investissent massivement dans les MMO pour enfants. En 2007, Disney rachète Club Pingouin contre 350 millions de dollars pendant que Viacom (MTV Network) s’empare de Neopetspour 160 millions en 2005 et de sites de jeux casual en ligne (addictinggames.com).
Cartoon Network forme un partenariat avec le coréen Grigon Entertainment pour lancer son MMO (FusionFall) dédié aux licences qu’il diffuse (Ben 10, Powerpuff Girls, Samurai Jack…). Même Sony se met aux MMO pour petits avec Free Realms (2009).
Qu’est-ce qu’un « Tweens » ?
Entre 8-12 ans ou entre 7-14 ans, cette cible spécifique du marketing est située entre (« Between ») l’enfance et l’adolescence (« Teens »).
La contraction Tweens reste relativement vague au niveau des âges, mais elle correspond au nouvel El Dorado des industries du jouet et du divertissement destiné à la jeunesse.
Certaines sociétés vont jusqu’à former certains enfants pour influencer leurs amis afin de les pousser à l’achat / adoration de certains produits. D’autres se servent de ces enfants pour tester les nouvelles tendances du marché.
Ce marché a toujours existé mais depuis quelques années, il est devenu synonyme de croissance rapide. Les Tweens étant à la fois plus influençables par la publicité que les adolescents et prescripteurs auprès de leurs parents, ils sont une cible privilégiée pour les créateurs de MMO.
En 2006, 85% des Tweens canadiens avaient un ordinateur chez eux, 82% possèdaient une console de jeu. Dans une étude de la même année, 66% des Tweens américains jouaient en ligne.
Mesures de protection
Les MMO proposant un univers ouvert, normalement n’importe qui peut y dire n’importe quoi n’importe quand. Or, le jeune public doit être protégé de certains dangers. C’est en tout cas le crédo de la plupart de ces MMO pour enfants pour rassurer les parents.
En dehors des potentiels pédophiles se faisant passer pour des gamins de 7 ans, il y a les nombreuses insanités et termes orduriers qui ne doivent pas figurer dans les fenêtres de dialogues afin de ne pas choquer ce public (même si dans la vie réelle, les parents utilisent ces mêmes termes au quotidien …).
C’est pourquoi la plupart des MMO pour enfants proposent des options de dialogues, et de nombreux filtres pour empêcher les joueurs de communiquer des adresses mails ou des numéros de téléphone.
Il est même possible de bloquer les dialogues des enfants avec des personnes n’appartenant pas à la liste d’ « amis » définie par les parents.
Des modérateurs en ligne sont également là pour apporter leur aide à ceux qui sont perdus et pour bannir ceux dont le comportement déroge aux règles de bienséance virtuelle.
Malgré tout, les parents sont souvent perdus dans ces univers numériques. Dans une étude récente, il était démontré que la plupart des parents anglais ne savaient pas ce que leurs enfants faisaient sur internet.
Pis encore, ils s’en moquent. Il faut dire que le moniteur de l’ordinateur familial a depuis longtemps remplacé la télévision dans certains foyers.
En effet, il n’y a pas de baby-sitter plus efficace ! Le silence est garanti tant que l’écran est allumé. Et comme l’enfant reste à la maison au lieu de « traîner dehors », la plupart des parents sont rassurés et pensent leur progéniture à l’abri.
Lorsque les problèmes surviennent, tous se retournent contre les créateurs de jeux. Entre les politiques qui y voient un moyen de se distinguer, les associations de parents indignés, les médias prêts pour une nouvelle chasse aux sorcières, les MMO pour enfants sont bien égratignés alors que les torts sont souvent bien partagés.
C’est pourquoi, de nombreux sites proposent un contrôle parental permettant de limiter le temps de jeu, de voir les activités et le temps passé dessus, de bloquer des options de dialogue avec les autres joueurs.
Pousser à l’achat
Pour jouer à ces MMO destiné à la jeunesse, il suffit en général de s’inscrire. Dans bien des cas, l’inscription n’est validée qu’avec le mail des parents ou d’un adulte référent donnant son accord pour l’inscription au jeu.
Évidemment, rien n’empêche un enfant de mettre le mail de son meilleur ami. À partir de là, selon les MMO, soit le jeu est disponible en ligne depuis le navigateur, soit il faut le télécharger et le lancer depuis sont ordinateur.
Une fois passé ce cap, le joueur accède à tout l’univers gratuitement ou presque. Beaucoup de jeux sont financés par la publicité et les bannières flottent un peu partout autour de la fenêtre de jeu ou sur le site.
Dans le cas des jeux par abonnement, il est possible de jouer à presque tout gratuitement. Mais pour vraiment accumuler les points gagnés, il faut généralement s’abonner (entre 5 € et 10 € par mois). De plus, lors de la création de son avatar, seules quelques options sont accessibles.
Du coup, pour se distinguer des autres pingouins sur la banquise ou des nombreuses blondes du monde de Barbie, il faut jouer afin de gagner des points et/ou de l’argent virtuel afin d’acheter des objets.
Équipements, vêtements, meubles, smileys spécifiques pour les dialogues, attitudes inédites pour son avatar tout est possible contre une petite somme. Il s’agit d’une mécanique de Free to Play bien connue.
Le Club Pingouin propose même son magazine de mode virtuel avec des offres promotionnelles car c’est la période des soldes ! Chez Stardoll, l’avatar la plus plébiscitée est en « une » du magazine virtuel et un partenariat avec le magazine réel ELLE permet de voir l’évolution de la mode dans la vraie vie.
Sur les sites des jeux et dans les newsletters, ces offres sont régulièrement mises en avant : vous aussi venez acheter des articles dans le Dream Shop de Hello Kitty Online ! Évidemment, des objets bien réels en magasins existent aussi pour les enfants dont les parents rechignent à verser de l’argent réel pour des éléments virtuels.
Lorsque vous vous absentez, les mails sont aussi là pour vous rappeler que vous manquez à vos amis virtuels. Comme dans les MMO pour adultes, tout est là pour valoriser votre égo : gestion de l’apparence, charts et article dans les journaux virtuels.
Finalement, les MMO pour enfants offrent une reconnaissance continue et constante que la réalité ne peut pas fournir.
Tous ces MMO pour enfants sont avant tout là pour générer des bénéfices pour les sociétés qui les gèrent. Lorsqu’un monde n’est pas rentable, il disparaît comme dans le marché des MMO pour adultes.
Ce fut le cas de Virtual Magic Kingdom (VMK) de Disney. Ce chat room aux couleurs de Mickey, développé par le studio finois qui a créé Habbo Hotel a fermé ses portes en 2008, déclenchant l’indignation des enfants qui ont pour l’occasion créé une pétition en ligne. Initialement, VMK n’était qu’un support de promotion pour fêter les cinquante ans de Disney et n’était pas destiné à devenir un MMO.
Depuis quelques années les Tweens sont devenus une cible privilégiée du marketing aux États-Unis et au Canada. En France, l’assaut commence lentement mais sûrement. Hello Kitty Online a débarqué en fin d’année 2009, Habbo Hotel était soutenu par M6, des versions françaises des MMO se développent : Barbie Girls World et Stardoll s’expriment aussi dans la langue de Molière.
Ajoutez à cela les productions françaises et vous pourrez constater que l’emploi du temps online des Tweens est bien chargé. Avec la crise et la chute des recettes publicitaires, la concurrence de plus en plus exacerbée entre les sites, il faudra sans doute bientôt compter les morts dans le cimetierre des MMO.
Exemples de MMO pour enfants
Hello Kitty Online
Après les produits dérivés et les vêtements de luxe, le chat kawaii du japonais Sanrio débarque en ligne avec un monde ultra kistch et mignon. Plusieurs villes sont disponibles (dont Londres où est censée vivre la demoiselle avec ses parents) et toutes proposent des mini-jeux colorés. Développé par Typhoon Games, le jeu puise dans tous les univers de Sanrio.
Club Pingouin
Le MMO pour enfants est destiné aux 6-14 ans, mais les adultes en rafilent aussi : casual games à gogo une fois inscrit sur le site et toujours des amis pour jouer (qu’ils soient réels ou payés par le site pour l’animer). Les trois fondateurs occupent désormais des postes clefs au sein de Disney qui a racheté leur société en 2007.
Nooja
Initié par un ancien de Disney, Nooja est une création française développée par le studio Yamago. Dans ce monde virtuel, diverses tribus musicales cohabitent. Là encore, il est possible de débloquer des items, des capacités et diverses fonctionnalités en payant un abonnement.
En proposant un univers musical et des mini games basé sur le rythme, Nooja espère se dsitinguer des autres titres et attirer aussi bien les garçons que les filles. Une chose est sure : au moins les internautes de passage n’auront pas les yeux qui piquent à cause des graphismes (ce qui n’est pas toujours le cas chez les concurrents).
Barbie Girls World
Monde dédiée à la poupée du géant du jouet Mattel, Barbie Girls World est aussi rose et convenu que la créature d’origine. Voici un condensé de clichés : la femme ne fait rien si ce n’est entretenir son apparence et celle de son intérieur. Manucure, shopping, carressage de son animal de compagnie et papotage entre copines sont les activités proposées en dehors des mini jeux.
Stardoll
Le MMO pour enfants propose d’acheter des poupées de star (acteur, chanteur connu) et de jouer avec elles en les personnalisant grâce à l’achat de vêtements. Destiné à un public féminin de 7 à 17 ans selon le site, le titre aurait été créé par une mère de famille scandinave passionnée par les poupées en papier.
Mais depuis, des financiers ont massivement investi et la société est désormais dirigée par Mattias Miksche. Fondé à Stockholm en 2006, Stardoll vit de la publicité et des ventes de vêtements virtuels. La société a acheté le réseau social américain Piczo afin d’augmenter son audience et attirer les annonceurs.
Cartoon Doll Emporium
Tout est dans le titre : un monde où chaque petite fille peut créer sa poupée, l’habiller, la faire vivre.
ToonTown
Incarner un Toon et sauver votre ville des méchants robots (Cog) en leur entartant la figure (entre autre possibilité non violente) !
Webkinz.com
Après avoir acheté une peluche Ganz en boutique réelle, il suffit de rentrer le code sur le site en ligne pour retrouver sa peluche en version virtuelle.
À partir de là, il faut s’en occuper, la faire vivre, jouer à des mini jeux… La démarche se distingue de nombreux concurrents qui proposent d’abord du contenu virtuel avant de faire des produits dérivés dans le monde réel.
LEGO Universe
Le MMO pour enfants de LEGO est développé par NetDevil. Repoussé depuis 2008, il devrait voir le jour en 2010.
Neopets
Là encore tout est dans le titre : de nouveaux animaux de compagnie numériques dont il faut s’occuper entre deux mini games. Depuis, la compagnie est passée du virtuel au réel avec des peluches, des jeux de cartes, des livres… Il faut dire qu’avec plus de 23 millions d’inscrits, la cible est grande.
Moshi Monsters
Au cas où les animaux de compagnie trop classiques vous ennuient, ce site vous propose d’adopter des monstres mignons. 15 millions de joueurs auraient déjà le leur et la société qui le développe (Mind Candy) vient de lancer un jeu de cartes.
Poptropica
Pour ceux qui préfèrent le soleil à la banquise, Poptropica est un MMO pour enfants qui propose aux joueurs d’aller d’îles en îles avec des mini jeux différents.
Nicktropolis
Plateforme communautaire de Nickelodeon (alias MTV, alias Viacom) lancée en 2007 qui propose des jeux, une chat room, des vidéos en streaming…
Poney vallée
Créé par les Montpelliérains de Feerik, ce jeu cible les petites filles en leur proposant d’élever des poneys et de les personnaliser par le biais de la reproduction.
D’autres titres de la société offrent aux joueurs la possibilité d’élever des dragons, de jouer aux pirates… Rien de très original, mais dans les jeux pour enfants, les clichés les plus ancrés sont aussi ceux qui marchent le plus.
Blablaland
Autre création française née dans le sud, ce jeu Flash est avant tout une plateforme communautaire où chacun y retrouve ses amis pour discuter. Là encore, la vente d’objets permet aux joueurs de se distinguer et aux trois fondateurs de vivre de leur bébé.