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Rencontre avec Daniel Dociu, artistique de Guild Wars 2

J’ai pu discuter avec Daniel Dociu à propos de la direction artistique de Guild Wars 2 lors d’une convention. Voici des extraits de la rencontre parue dans IG magazine 13.

Comment avez-vous procédé pour que le graphisme de Guild Wars 2 soit si beau ?

Daniel Dociu : Tout repose sur une bonne équipe avec qui je travaille depuis plus de 8 ans ! Nous avons une grande harmonie. Nos sensibilités sont différentes mais complémentaires et le reste vient du travail intensif et des nombreuses itérations.

Il faut sans cesse refaire les choses, garder un regard critique, se remettre en cause et ne pas se reposer sur ses lauriers pour toujours aller plus loin. Ensuite, le résultat est là.

Comment le distinguer graphiquement des autres MMO ?

Daniel Dociu : Disons que c’est pour cela que les gens me donnent beaucoup d’argent ! Blague à part, il faut voir ce que les autres font et leurs points forts pour ensuite trouver des éléments originaux.

Il faut également bien connaître ses propres défauts et qualités afin de faire des défauts un point fort pour expérimenter autre chose. Par exemple, sur la plupart des gros projets, beaucoup d’argent est dépensé pour les cinématiques et les vidéos en haute résolution.

Nous ne sommes pas allés dans cette direction car nous savions que dans cette course effrénée à la technologie, personne ne peut réellement gagner. En réalité, il y a bien trop de concurrence !

Nous nous sommes donc dirigés dans la direction opposée avec une approche presque minimaliste dans la narration. Notre point fort réside dans les concept arts.

Nous avons vraiment des artistes formidables et il aurait été dommage de laisser leurs images inutilisées ou seulement à destination de l’équipe s’occupant de la modélisation 3D. Nous avons donc décidé de nous servir de ces illustrations pour la narration des événements et les scènes cinématiques.

C’est ainsi que nous en sommes venus à combiner les images 3D et 2D dans les cinématiques, ce qui n’a pas vraiment été fait jusqu’à présent. Nous avons dû développer des outils afin de mettre en place dans une même image des illustrations 2D, des assets du jeu en 3D et le tout en temps réel.

Vous pourrez voir votre personnage équipé comme vous l’avez souhaité évoluer dans un environnement 2D de toute beauté.

C’est un exemple de ce que je considère comme une réussite. Pour moi, il est plus important d’avoir une vision que de suivre la tendance globale et de faire comme les autres.

Comment faire pour que cette vision reste la même et guide l’équipe ?

Daniel Dociu : Tout se base sur la communication et la cohérence de l’équipe. Il faut toujours regarder ce qui est fait, demander des modifications pour que cela reste dans la bonne direction, ne jamais se reposer et toujours demander plus !

Nous avons huit concept artists principaux auxquels s’ajoutent bien d’autres artistes et graphistes qui s’occupent de la modélisation et qui peuvent aussi être mobilisés pour la création de concept arts et de visuels pour le jeu. Nous avons donc plus de vingt personnes capables de faire des concept arts en plus.

Les MMO doivent prendre en compte les problèmes de réseau et de bande passante. Comment concilier ces contraintes avec la beauté des assets ?

Daniel Dociu : Tout est une question de vision. Nous avons regardé ce qui est faisable et ce qui a été fait pour trouver notre propre voie. Par exemple, la lumière joue un rôle essentiel dans la beauté graphique d’un titre.

Nous avons un moteur de création de niveaux qui est assez complexe. Nous l’avions développé pour le premier Guild Wars et nous avons pu en tirer les conséquences, voir ce qui fonctionnait et ce qui ne fonctionnait pas.

À partir de là, nous avons redéveloppé un outil de gestion des lumières nous permettant de mettre plus de sources de luminosité et de paramètres, afin de donner vie à l’univers. Nous pouvons désormais placer les lumières comme dans un studio photo.

Bien sûr, toutes les scènes n’ont pas la même complexité au niveau des lumières. Ce serait un peu fou et inutile. Il était nécessaire d’orchestrer les lumières dans les moments clés pour donner du relief et dramatiser, tandis qu’il y a des temps plus anodins où tout ceci est moins utile.

La différence de traitement est nécessaire pour créer un rythme dans ces jeux de lumières.

Comment faites-vous pour assurer la variété des décors ?

Daniel Dociu : Nous avons un éditeur de maps qui nous permet de mettre en place une très grande variété d’éléments et il nous est aussi possible d’en attribuer certains de façon aléatoire.

Ainsi, même si c’est le même arbre, les couleurs et les détails diffèrent. C’est essentiel dans la création des environnements d’un MMO où ils sont très nombreux. Nous avons différents modèles de végétation, mélangeant les formes et les textures pour donner l’illusion de forêts complètement dissemblables.

Ensuite, tout est une question de travail, et tant que nous avons le temps de le faire, nous introduisons des variations pour bien distinguer les zones.

Parlez-nous des animations !

Daniel Dociu : C’est un point très important et très sensible car nous devons toujours faire attention à la gestion du budget et aux problèmes techniques que cela peut poser.

Nous sommes donc constamment dans la recherche d’un équilibre entre tous ces éléments pour avoir le meilleur rendu possible. Nous aurions aimé avoir plus d’animations spécifiques pour chaque personnage, mais nous avons dû partager certaines animations entre plusieurs protagonistes ou actions.

Il y a beaucoup de réutilisation afin d’avoir le meilleur compromis entre le temps, l’argent et la technique. Mais il est clair que nous allons faire au mieux pour introduire des animations uniques si nous le pouvons.

Vous parlez beaucoup de compromis. N’est-ce pas frustrant à la longue ?

Daniel Dociu : Un jour, le directeur de notre studio, qui est aussi l’un des fondateurs, nous a tous rassemblés. Lors de cette réunion, il y avait le directeur technique, le principal game designer, etc.

Il a dit à l’équipe artistique : « Votre objectif n’est pas de faire le plus beau jeu mais de faire un bon jeu. » Il a ensuite expliqué aux développeurs qu’ils ne devaient pas réaliser le meilleur software mais le meilleur jeu.

De même, le travail des scénaristes n’est pas d’inventer les quêtes les plus originales ou l’intrigue la plus aboutie mais de faire le meilleur jeu. Le but est ainsi de rappeler que nous travaillons en équipe avec des départements différents.

Nous avons un objectif commun et devons trouver un moyen de collaborer et de communiquer. Il ne s’agit pas de défendre son domaine et son petit pré carré, mais d’avoir une vision globale de son travail et de l’impact sur les autres secteurs car cela fait partie de nos responsabilités.

Il est toujours simple de travailler seul dans son coin, de faire son truc sans avoir à rendre des comptes. Il est plus difficile de travailler en équipe et de trouver de bons compromis qui satisfont tout le monde. Nous respectons et apprécions le travail d’autrui en apprenant les uns des autres pour que tout le monde soit content du résultat final.

Une chose est sûre, nous ne sommes jamais en panne d’idées, bien au contraire ! Il y a eu bien plus d’idées lancées que d’idées concrétisées dans le jeu. Parfois, il n’est pas possible de les intégrer car cela pose des problèmes techniques.

Nous les gardons de côté dans une sorte de « banque de bonnes idées », prêtes à être employées dès que les conditions seront remplies (NDC : Correction à vérifier).

Beaucoup de mes idées n’apparaissent pas dans le jeu car elles ne sont pas arrivées au bon moment dans le développement ou alors elles n’étaient pas bonnes. Pour autant, je ne me sens pas frustré. Je sais que la prochaine fois, elles seront matérialisées et se montreront meilleures.

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