Si Sonic reste l’image de SEGA, il est plus difficile pour ceux qui n’auraient pas connu les consoles de donner les noms des autres personnages phare. Contrairement à Nintendo, qui a placé une galerie de mascottes dans l’imaginaire collectif (Mario et ses acolytes, Zelda et Link, Kirby, Pokémon…), SEGA a eu plus de mal à les imposer mais plusieurs jeux tentent de les mettre en avant.
La première mascotte non officielle n’est pas Alex Kidd, comme certains aiment à le croire, mais Opa Opa, vaisseau spatial aux ailes blanches évoluant dans un monde aux couleurs acidulées de Fantasy Zone (1985 en arcade et 1986 sur Master System).
Attention aux yeux ! Il y a beaucoup de rose dans ce shoot them up à scrolling horizontal où vous pouvez améliorer votre personnage en engrangeant les pièces de monnaie perçues à la destruction de chaque ennemi.
Après un premier opus réussi, SEGA en a publié quatre autres en en confiant certains à Sunsoft, qui s’était occupé précédemment du portage du jeu sur la Famicom : Fantasy Zone II : The Tears of Opa Opa (1987), Fantasy Zone : The Maze (1987), Fantasy Zone Gear : The Adventures of Opa Opa Jr. (1991), Super Fantasy Zone (1992).
En 2008, une compilation sur PlayStation 2 a permis de redécouvrir la série, qui est également disponible sur la Console virtuelle de la Wii.
Le petit vaisseau ovoïde et supermignon apparaît par la suite dans divers jeux de SEGA, ce qui fait dire qu’il est une sorte de mascotte de l’éditeur. On le retrouve ainsi dans Alex Kidd : The Lost Star, Golden Axe, Phantasy Star Online et Universe, Virtua Fighter 5 R et Final Showdown, Shenmue ou encore Space Harrier, dont il partage l’univers psychédélique. Il semble même qu’un jeu développé pour le PC Engine de NEC devait réunir les deux licences, mais que ses concepteurs n’auraient pas eu les droits pour mener à bien le projet.
Opa Opa est surtout l’une des premières créations de SEGA à sortir du jeu vidéo pour apparaître dans un autre média. En effet, en 1987, la Tatsunoko produit en collaboration avec SEGA une série de dessin animé de science-fiction dans laquelle apparaît le vaisseau : Red Photon Zillion (Akai Kōdan Zillion). Opa Opa fait figure d’animal de compagnie des héros.
Un jeu vidéo s’inspirant du gameplay de Metroid est sorti sur Master System pour accompagner la série : deux des personnages (Apple et Champ) peuvent être améliorés lorsque l’on trouve des icônes en forme d’Opa Opa.
New Kidd on the blocks
Le succès d’Opa Opa ne dure pas car il est tout de même plus aisé de faire une mascotte avec un être humanoïde qu’avec un œuf ailé. En 1986, Alex Kidd apparaît pour la première fois dans Alex Kidd in Miracle World.
Le personnage de Kotaro Hayashida est la réponse de SEGA à Mario. Il s’agit d’un jeu de plateformes dans lequel le personnage peut s’aider de ses poings et de divers véhicules, dont une moto et un hélicoptère.
La jaquette japonaise et le dessin du personnage évoquent Le Roi des singes, dont le petit Alex Kidd aux traits un peu simiesques s’inspire. Après tout, il est de la famille Osaru, nom qui évoque le singe (« saru » en japonais).
Mais la référence est sans doute bien trop asiatique pour les Occidentaux chargés de refaire les graphismes des jaquettes pour le marché américain et européen. Le héros est transformé en une caricature au poing géant.
Autre fait trop japonais : Alex mange un onigiri (boule de riz fourrée de forme triangulaire) à la fin des niveaux. Dans la version intégrée à la Master System, le mets est remplacé par un hamburger. Bref, si au Japon le petit Alex a tout d’une star, c’est loin d’être le cas de l’autre côté du Pacifique.
Alex Kidd revient ensuite dans plusieurs titres dont AK and the Lost Star (1986), AK in High-Tech World (1989), AK in the Enchanted Castle (1989) et AK in Shinobi World (1990) qui s’inspire de l’univers de Shinobi. Il y a même eu un Alex Kidd BMX Trial qui, comme son nom l’indique, est un jeu de… vélo.
Au Japon, on peut trouver de multiples produits dérivés témoignant de son succès, même s’il n’a pas connu de version animée comme Opa Opa. On le retrouve de manière allusive dans Shenmue, Altered Beast et Kenseiden.
En 2009, SEGA a sorti un CD audio comprenant toutes les musiques des jeux Alex Kidd. Pour le plus grand bonheur des fans, on le voit manger un onigiri sur la jaquette.
SEGAGAGA
En 2001, alors que Sonic est la mascotte officielle de la firme qui chancèle dans un marché ultraconcurrentiel, le studio Hitmaker sort un RPG qui met en abyme la situation de SEGA : SGGG (ou SEGAGAGA).
Disponible initialement uniquement en téléchargement par le biais de SEGAdirect, il est ensuite vendu en boîte. Malheureusement, il n’existe qu’en version japonaise.
La vidéo d’animation servant de prologue a été réalisée par Toei Animation, qui a fait un prix aux créateurs quelque peu désargentés : elle vous plonge dans un futur d’anticipation, en 2025, pour mieux caricaturer le présent.
En 2025, SEGA n’a plus que 3 % du marché du jeu vidéo, la majorité étant détenue par DOGMA, firme qui évoque sans trop d’ambiguïté Sony et sa PlayStation.
Dans ce RPG simulant SEGA, vous incarnez un adolescent (nommé Taro Sega) responsable du projet SEGAGAGA, nouvelle console qui doit sauver la firme et qui correspond assez clairement à la Dreamcast.
Vous disposez de trois ans en jeu et si vous ne sortez pas assez vite des titres, DOGMA va encore vous grappiller des parts de marché. Entre recrutement (si possible au plus bas prix) et management des développeurs et ingénieurs, combat verbal avec attaques délirantes, et autres dialogues savoureux avec des personnages non joueurs ressemblant étrangement à des personnes réelles travaillant chez SEGA, les fans de la firme devraient être ravis.
Ainsi, vous devez recruter l’équivalent des studios de jeu de SEGA : AM1, AM2 et AM3. Le président de l’époque apparaît même ! Et comme le jeu mélange images en 3D, passages en animation 2D, images réelles de Tokyo et photos, ces références sont encore plus drôles pour ceux qui connaissent bien la firme et ses créateurs.
Il faut dire que cette simulation parodique de SEGA se destine plus à des fans hardcore qu’à un joueur de RPG lambda. Parmi les références, vous avez Alisa (personnage de Phantasy Star) en guise d’assistante, vous rencontrez un Alex Kidd vous expliquant sa déchéance en tant que mascotte, vous pouvez recruter le singe de Samba de Amigo, des créatures de Golden Axe et Baku Baku, ou Nei de Phantasy Star 2. À la fin du jeu, dans un combat épique contre toutes les anciennes consoles de SEGA, vous pilotez une borne d’arcade qui s’envole dans l’espace et luttez contre des créatures issues de différents jeux de la firme.
Au départ, le projet n’avait pas été pris au sérieux par SEGA qui craignait que le jeu égratigne l’image chancelante de la société, mais l’éditeur a finalement décidé de le financer. Il semble que le jeu devait comprendre encore plus de références aux titres maison mais que des problèmes de droits l’aient empêché. Ce chant du cygne est sorti précisément durant l’année où SEGA a abandonné la fabrication de consoles pour devenir un éditeur tiers.
Sumo et ses All Stars
Devenue un « simple » éditeur, SEGA tente de regrouper ses stars dans des titres grand public. Elle en confie le développement aux Anglais de Sumo Digital, qui avaient auparavant fait des portages d’OutRunet élaboré Virtua Tennis.
Le premier titre regroupant les personnages emblématiques de la firme au hérisson est SEGA Superstars Tennis (2008). Le casting est limité à huit licences : les personnages de Sonic, Super Monkey Ball, NiGHTS, Space Channel 5, Jet Set Radio, Samba de Amigo, Golden Axe et AlexKidd.
Au début du jeu, on choisit entre huit personnages puis d’autres sont à débloquer par la suite. Les niveaux évoquent les différentes licences et là encore, certains sont à débloquer, par exemple celui d’OutRun. Enfin, il y a des minijeux pour replonger totalement dans la nostalgie.
En 2010, Sumo remet ça mais en version jeu de course : Sonic & SEGA All-Stars Racing. Cette fois, le casting est plus riche avec l’ajout de personnages issus de Billy Hatcher, Crazy Taxi, The House of the Dead, Shenmue, Virtua Fighter, Bonanza Bros., ChuChu Rocket, Fantasy Zone…
On retrouve d’ailleurs Opa Opa dans une version modernisée. Là encore, le côté nostalgique est un argument de vente de poids pour un jeu familial qui permet aux pères et mères fans de SEGA de faire connaître les héros de leur jeunesse à leurs enfants.
La recette marche si bien qu’en 2012, une suite est produite avec encore d’autres personnages, certains ayant été remplacés par des figures d’autres licences. Au revoir Opa, bonjour Vyse de Skies of Arcadia!
Les véhicules se transforment pour que la course soit plus variée et exploite les différentes surfaces des niveaux. Comme pour les précédents volets, quelques problèmes de droits empêchent les développeurs de mettre en scène tous les héros qu’ils souhaitaient.
Comme on le voit, SEGA tente de dépoussiérer ses licences pour en faire du neuf, mais il est bien difficile d’exister en tant qu’icône ou mascotte dans un monde déjà rempli par les héros de Nintendo. La preuve en est que Sony, essayant de reproduire le succès des Super Smash Bros. avec son PlayStation All-Stars Battle Royale, doit inclure des héros d’éditeurs tiers pour avoir un casting un peu intéressant.