Pourquoi Actarus passe-t-il toujours par le même vide-ordure pour aller piloter Goldorak ? Pourquoi l’image se fige-t-elle sur une illustration en plein milieu de l’épisode, alors qu’on a pas appuyé sur pause ? Pourquoi le décor est-il saturé de pluie de pétales, de feuilles ou de plumes ? Réponse dans cette description des techniques de animation limitée.
Lecteur, votre mission, si vous l’acceptez, est d’être le réalisateur d’un dessin animé.
Comme vous êtes momentanément expatrié au Japon, vous avez la chance de mettre en scène tous les scénario que vous voulez sans édulcoration par des censures plus ou moins stupides liées au politiquement correct et à la protection des enfants, même si vous vous adressez aux adultes.
Mais pour réussir à faire 26 épisodes de 26 minutes, vous ne disposez que de 6 mois et vous n’aurez qu’un budget ridicule.
Pour vous aider dans cette mission, pour réussir à tenir les délais et respecter les contraintes financières tout en rendant votre anime attractif, vous ne pouvez disposer que d’une seule arme : votre intelligence… et l’exemple de vos valeureux prédécesseurs. Au travail !
La malédiction Tezuka
L’animation japonaise est fortement tributaire de l’influence d’Osamu Tezuka. Ce grand créateur de manga est le premier à avoir instaurer l’animation limitée comme système, afin de pouvoir produire un épisode de série télévisée par semaine.
Dans les faits, ce sont en général quatre équipes qui se répartissent la production de la série : chacune a un mois pour livrer un épisode.
C’est aussi ce qui explique les différences de qualité lorsque les équipes ne sont pas de même valeur.
Pour parvenir à maintenir le rythme de la production sans pour autant baisser la qualité d’animation et augmenter le coût global, Tezuka a systématisé certains procédés de découpage et de narration limitant les images animées.
Il créa non seulement des techniques efficaces, mais surtout donna un style de narration et une ambiance particulière aux dessins animés japonais.
Contrairement aux studios Hanna & Barbera – premiers à avoir employé une animation limitée – la Mushi Prod de Tezuka s’est ingéniée à trouver des techniques de mise en scène adaptée, une façon particulière de raconter les histoires pour qu’on ne se rende pas compte du peu de moyen financier.
D’après M. Koichi Tsunoda, chef animateur chez la Toei depuis les années 50, il faudrait rendre hommage aux réalisateurs qui « bluffent » le spectateur avec des bricolages qui permettent d’économiser le nombre de dessins à animer.
Cette mémoire vivante de l’animation japonaise emploie les termes kiyî binbô (器用貧乏) pour définir les animateurs et réalisateurs japonais : ce sont des « pauvres talentueux ».
Et c’est ainsi qu’avec environ 4000 à 6000 dessins, les Japonais époustouflent le public et réussissent à conserver une grande partie de la chaîne de fabrication d’un dessin animé dans leur pays.
En France, il aurait fallu entre 15000 à 17000 dessins pour un même type d’épisode de série télévisée. Comment font-ils pour conserver une qualité technique et susciter l’émotion du spectateur avec si peu de moyen ?
Exemples d’animation limitée
Première technique pour gagner du temps lors de la production : au lieu de filmer 25 images différentes par seconde, vous n’en filmerez que 12 voir six ou huit.
L’animation limitée est employée dès que possible. Mis à part pour des scènes que l’on veut vraiment très fluide, cela suffit pour donner l’illusion du mouvement. Un grand merci à la persistance rétinienne !
Dans le même ordre d’idée, il faut essayer de limiter les traits à animer. Ainsi, dans une séquence de dialogue, il est inutile de faire bouger l’ensemble des traits du visage.
N’animer que la bouche et le nez permet de limiter les dessins à faire et assure un gain de temps indéniable.
Évidemment, pour que cela soit crédible, il faut styliser au maximum les traits du visage.
Tout l’art du character designer réside dans cette bonne gestion du côté artistique et des contraintes liées à l’animation, c’est-à-dire la reproduction à la chaîne des mêmes dessins.
Il faut que chaque personnage ait un maximum de charisme et un minimum de traits.
En contrepartie, on peut agrandir les yeux, vecteurs d’émotion dans le manga comme dans le dessin animé japonais depuis les œuvres d’Osamu Tezuka, qui lui-même imitait les frères Fleischer.
Vous bannirez de votre carnet d’adresse Nobuteru Yûki, character designer au dessin très fouillé qui rend la tâche des animateurs plus ardue. Lors de la production des Chroniques de la guerre de Lodoss, les animateurs avaient manifesté leur mécontentement devant le colossal travail à fournir.
Heureusement, ces derniers temps, Yûki s’est résigné à dessiner des visages avec moins de traits.
Toujours dans cette optique de limitation des traits à animer, il faut privilégier les cycles, c’est-à-dire des éléments qui bougent selon un mouvement répétitif, périodique.
Des exemples ? les flammes dansantes d’un feu, le défilement des arbres, les feuilles ou les pétales qui tombent. Dans ces cas, le gain est double.
Ces types d’images sont simples à animer, et ce d’autant plus qu’aujourd’hui ces animations peuvent être réalisées par ordinateur.
Le défilement des arbres dans l’avant-dernier épisode de Fruit Basket ou celui du pont dans l’épisode 21 de Love Hina en sont des exemples.
Dans les séquences où les personnages courent, on ne montre que les pieds dont le mouvement forme un cycle. C’est le cas dans presque tous les dessins animés : dans Cowboy Beebop comme dans Wolf’s rain.
Vous pouvez vous en servir de ces cycles d’animation pour le générique de fin : souvenez-vous de la petite Mayu/Stellie qui court dans le générique de fin d’Albator avec en fond l’Atlantis qui décolle (déplacement du même cellulo sur toute la séquence).
Ou bien encore de Tom Sawyer et Huck dans le générique de fin, ou de cette mystérieuse petite fille dans celui de Capitaine Flam.
Évidemment, si les stades de foot dans Olive et Tom donnent l’impression de faire plusieurs kilomètres de long c’est en partie à cause de ces cycles interminables où les joueurs courent sur le même rythme pendant plusieurs dizaines de secondes.
Pensez aussi à la fumée de cigarettes dans Cowboy Beebop et dans d’autre série du genre : faire des plans sur la main tenant la cigarette allumée est très économique en dessin.
Souvenez-vous aussi du mouvement régulier de la cape d’Albator.
Dans les Chevaliers du Zodiaque, c’est non seulement le vêtement mais aussi la longue chevelure flottante au vent qui suit un cycle d’animation si court qu’il est immédiatement perceptible.
C’est aussi le cas dans le premier plan de Ghost in the shell, lors du réveil de Kusanagi. Seuls ses cheveux bougent, et ils se meuvent de façon très régulière selon une boucle d’animation.
Toujours dans le domaine des cycles, il ne faut pas oublier les innombrables fumées lors des combats de Dragon Ball Z. Elles masquent tout l’écran et se forment suivant un mouvement cyclique.
Toutes ces techniques pour réduire le coût de l’animation sont également employées dans les productions occidentales, mais la différence est que dans les anime japonais ces procédés servent aussi à créer une ambiance particulière.
Non seulement ils permettent de faire des économies, de rentrer dans les délais de production, mais en plus ils donnent un style, un cachet spécifique à la série.
Un des cas typique est la pluie de pétales de fleurs. Ce n’est pas par hasard qu’on la retrouve aussi bien dans les dessins animés type shôjo (Utena) que dans ceux qui sont typés shônen (Kenshin, Nicky Larson…).
On remarquera les pétales de fleurs dans le générique de Love Hina : travelling et cycle pour les pétales de fleurs de cerisier qui tombent.
Rappelons que pour les Japonais, la floraison des cerisiers symbolise le retour du printemps et se fête par une contemplation de ces arbres en fleurs (hanami).
Si l’on prend exemple sur l’une des séries shôjo les plus connues au Japon, Versailles no Bara (Lady Oscar), on s’aperçoit que les pluies de pétales de roses servent à accentuer les émotions du personnage.
Le vol de ces fleurs marque la mélancolie ou le bonheur ; elles ponctuent les instants de réflexion et de rêves. Elles entrent aussi dans une symbolique qui traverse toute la série : les roses représentent les héroïnes.
C’est pourquoi le titre japonais est « Les Roses de Versailles ». Pour montrer le suicide d’un des personnages féminins (Charlotte), on voit une rose qui tombe à terre.
Dans X ou Escaflowne, ces pétales sont remplacées par une pluie de plumes.
D’autres éléments liés à l’univers graphique d’un dessin animé peuvent justifier une animation limitée. C’est le cas des ombres chinoises qui commentent l’action dans Utena.
Elles donnent un côté complètement décalé à la série et l’animation très limitée participe de l’esthétique du passage.
De plus, comme ce sont des ombres chinoises, il n’y a pas de bouche à animer lors des dialogues. Ces ombres contribuent à donner un côté humoristique et mystérieux à la série.
Plan fixe qui bouge
Toujours pour limiter les traits à dessiner, il faut employer le plus possible de plan fixe. Les Japonais entrecoupent ainsi les plans sur le visage des personnages par des images centrées sur des éléments du décor.
Si l’on reprend l’exemple d’une discussion entre deux amis, on pourrait faire un plan sur le jeune homme qui parle, puis sur le visage de la jeune fille qui l’écoute silencieusement (là, rien à animer) ou sur le verre de jus d’orange posé sur la table (toujours rien à animer) ou sur le paysage que l’on voit à travers la fenêtre (un seul dessin et plusieurs secondes de gagner).
À la limite on peut animer la goutte de condensation qui va couler le long du verre. C’est à la fois très peu de traits à dessiner et un détail réaliste qui permettra de renforcer l’ambiance du passage (il fait chaud…).
Cette façon d’entrecouper les dialogues par des images du décor ou d’autres détails donne un certain tempo à la conversation.
C’est d’ailleurs ce qui fait le charme de toute série japonaise. On a l’impression que le réalisateur prend son temps et s’attarde sur ces détails volontairement pour ralentir le rythme de l’action.
Dans le cas de Yugi-Oh, les duels sont un prétexte pour ne rien animer. Les personnages s’observent et réfléchissent avant d’abattre leurs cartes sur le tapis de jeu : pas d’action, pas de paroles, beaucoup de dessins à faire en moins.
Dans Dragon Ball, la concentration silencieuse des personnages avant le combat participe du même principe : tension dramatique maximale, animation minimale.
Mieux encore, dans la mise en scène des dialogues, un autre classique consiste à mettre en scène les personnages de dos ou avec un cadrage qui cache la bouche ou qui soit très large.
Dans les deux cas, on ne peut pas voir leurs lèvres bouger et toute la crédibilité du passage repose sur le jeu du doubleur. Cette astuce est employée à plusieurs reprises dans Ghost in the shell.
On peut aussi faire en sorte que le personnage qui parle ait les coudes sur la table et que ses mains cachent la bouche. Rien à animer et l’impression que le personnage se concentre sur ce qu’il dit.
On pense évidemment au premier épisode de Hellsing, mais surtout à Gendo dans Evangelion. Cette façon de masquer la bouche devient un véritable gimmick chez ce personnage et les parodies nombreuses ne manquent pas de reprendre ce tic.
Enfin, il faut motiver les plans fixes lorsqu’ils durent longtemps. Le Studio Gainax est passé maître en la matière.
Dans une scène d’Evangelion, Rei et Asuka sont dans un ascenseur ; elles ne se parlent pas car elles éprouvent beaucoup de rancœur l’une envers l’autre.
Le bruit de l’ascenseur accentue l’absence de dialogue signe du malaise. Le tout est un plan fixe de plus de 50 secondes soit 1250 images économisées !
Efficace au niveau de l’économie de l’animation, la scène l’est également au niveau du suspens créé. Le spectateur se demande à quel moment Asuka va exploser et hurler sur Rei.
Hideaki Anno motive aussi le plan fixe lors des dialogues par la censure. Afin de ne pas montrer Kaji et Misato conversant nus dans un lit, la caméra montre pudiquement le verre de bière posé sur la table d’à côté.
Animation minimale, émotion maximale
À défaut de faire durer les séquences de personnages muets ou hors-champ, l’autre technique consiste à multiplier les personnages silencieux.
Comment justifier la succession de plusieurs visages figés ?
En faisant intervenir des personnages témoins. Simples spectateurs de l’action, leur étonnement doit se transmettre de façon mimétique au téléspectateur.
Dans Dragon Ball Z, ils ont tendance à se multiplier jusqu’à rendre le procédé risible : Goku se concentre pour lancer une boule d’énergie, pendant que la voix d’un commentateur sportif ou d’un ami comble le vide de l’action par des paroles que ne prononcent pas les camarades de combat trop stupéfaits ou trop occupés à admirer la puissance déployée.
Et dieu sait qu’en joyeux drille, Goku a de nombreux compagnons d’arme prêts à rester bouchée devant sa force : Krilin, Gohan, Tortue Géniale, Karin, Kaio, etc.
Sans parler de personnage témoin, on remarque que de nombreux anime jouent sur le silence des personnages pour créer une atmosphère particulière comme dans Lain ou dans Noir.
Autre technique éculée, on peut se servir d’une grande illustration pour clore une séquence. Par exemple, le jeune homme se lève à la fin de la conversation et les images animées cèdent la place à une illustration.
Pour donner quand même l’impression de mouvement on fait alors des travellings ou des zooms sur cette image. Osamu Dezaki est assez connu pour l’emploi de cette ficelle qui permet de dramatiser une séquence tout en gagnant de substantifiques secondes d’animation.
En moyenne, dans les épisodes de Cobra ou de Rémi sans famille, il y a au moins deux illustrations de ce genre. Dans Kimagure Orange Road, le procédé est renouvelé et participe à l’esthétique de la série, l’image se fige puis est encadrée comme dans un cliché photographique.
Des séries récentes comme Kill la Kill rendent hommage à cet animateur talentueux en reprenant cette technique des Harmony Cell.
Des travellings très rapides sur une illustration peuvent être employé comme une sorte de redite dramatique.
Dans le générique de Jeanne et Serge, on repasse plusieurs fois le travelling sur la même image à des vitesses décroissantes pour appuyer sur le cadrage final : Jeanne est suspendue en l’air sur le point de faire un smatch face à deux adversaires.
Dans les épisodes de Lady Oscar, cette technique est notamment employée dans les épisodes de fin pour animer la foule parisienne lors des émeutes précédant la prise de la Bastille.
Pour donner l’illusion du mouvement en animation limitée, on peut aussi faire glisser les cellulos les uns sur les autres. C’est ce qui se produit lorsque l’Odysseus dans Ulysse 31 ou n’importe quel autre vaisseau spatial se met en marche : il glisse majestueusement sur un joli fond étoilé.
C’est aussi ce qui se produit régulièrement dans Nicky Larson : l’image du héros adoptant une pose dynamique, l’arme au poing, glisse au milieu des adversaires qui s’écroulent.
Lors de duel, la technique d’animation limitée ne change guère : le cellulo où est représenté le héros et le cellulo où est représenté l’ennemi se croisent en coulissant l’un sur l’autre.
Finalement Nicky ne court que très peu pour se faufiler entre les balles. Il glisse, toujours dans une pose héroïque.
Là encore, le procédé pour économiser l’animation aboutit à la création d’une esthétique. Le héros, restant somptueux dans sa pose figée semble totalement maîtriser la situation alors que les ennemis, haletant et en sueur, hurlent et se débattent.
À défaut de faire bouger les cellos, il suffit de changer le fond pour donner une atmosphère particulière ou dramatiser l’émotion du personnage.
Le personnage réfléchit (voix-off et pas d’animation de la bouche) et soudain une idée lui traverse l’esprit, ce qui est marqué par le brusque changement de fond qui devient rouge ou d’une autre forme.
Coût de l’effet spécial : un cellulo pour le visage du personnage en gros plan et deux cellos pour les fonds. Les exemples se retrouvent dans quasiment tous les dessins animés japonais.
Pour varier on peut remplacer le fond coloré par une image où sont inscrites des phrases dans une typographie suggestive. Dans ce dernier cas, on se rapproche de ce qui apparaît dans Kare Kano.
Réutilisation de séquences
La dernière possibilité pour limiter les dessins à faire tout en conservant l’impression de mouvement est de réutiliser des séquences d’animation.
Le mieux est de faire en sorte que cela se justifie par la narration de l’intrigue. La ficelle la plus éculée est l’emploi de flash-back.
Par exemple, un personnage est mort et tous les autres protagonistes se remémorent des scènes passées avec lui.
Ce grand classique peut être décliné sous diverses variantes : rapport du colonel Global à ses supérieurs dans Macross (Robotech), rêves et réveils de Mima dans Perfect blue, prémonition de Hitomi dans Escaflowne…
Parfois même, c’est tout un épisode d’une série qui est placé sous le symbole du souvenir : les héros se remémorent les événements passés, et sur 26 ( ?) minutes d’épisode, seules 4 ( ?) seront « originales » !
Dans Chobits, il y a ainsi deux épisodes flash-back. On en trouve dans Nicky Larson, et bien d’autres séries.
Le résumé de l’épisode précédent pour remettre le spectateur dans le contexte permet de gagner quelques minutes précieuses grâce à l’emploi du stock-shot (séquences animées déjà tournées).
Ils apparaissent dans Olive et Tom, Fruits Basket, Les chevaliers du Zodiaque… Dans Fruits basket, le générique de fin ne se compose que d’images de l’épisode courant.
Les scènes de transformation sont elles aussi des éléments classiques de l’utilisation des stock-shots :
- la course d’Actarus avant d’arriver dans Goldorak ou l’emploi de la route n°7,
- les transformations des avions-robots (Valkyries) dans Robotech,
- la métamorphose des magical girls et dans Sailor Moon,
- le revêtement des armures dans les Chevaliers du Zodiaque ou les Samouraïs de l’Éternel,
- la montée d’Utena dans l’aire de duel…
Plus ces scènes sont longues plus on peut varier les réutilisations en ne mettant que certaines parties de la séquence.
Évidemment on peut varier à l’infini sur les réutilisations d’images déjà animées.
Par exemple, dans Fruits Basket, un épisode assez déjanté se base sur les interventions d’un personnage qui, sous prétexte de présenter un personnage important de l’intrigue, commente des séquences réutilisées.
Le réemploi de ces images animées, lorsqu’il est bien pensé, permet non seulement de faire de grandes économies mais elles permettent de plus de donner une ambiance particulière. Le bénéfice est donc total.
Bien sûr, avec l’utilisation de la 3D, les réutilisations sont devenues encore plus simples. Néanmoins, l’animation japonaise étant conçue pour un montage particulier et pour la 2D, des adaptations sont nécessaires.
Efficacité de la narration
La différence entre les productions japonaises et occidentales réside donc moins dans le graphisme (grands yeux, visage à la morphologie d’enfant…) que dans les techniques de narration liées aux contraintes de l’animation limitée.
Par leur découpage des séquences, par l’importance des mouvements de caméras, par tous les procédés liant économie d’animation et dramatisation des émotions, les Japonais réussissent à faire des séries télévisées qui ne soient pas seulement de l’animation à la chaîne.
Ils insufflent un dynamisme remarquable à leur récit. Plus encore, ce type de narration leur permet de mieux maîtriser la chaîne de fabrication et donc d’obtenir une meilleure qualité.
Rappelons que le story-board à partir duquel on fait le lay-out, qui servent de base aux animateurs, est une étape essentielle dans la fabrication d’un dessin animé.
C’est là que l’on définit les angles de vue, les mouvements de caméra, que l’on met en séquence l’intrigue.
En limitant les enchaînements d’animation pure, ils limitent non seulement les coûts de production mais aussi les risques de mauvaise animation.
En Occident, le découpage narratif laisse beaucoup plus de partie animée.
Mais comme les producteurs essaient de grappiller quelque argent sur la chaîne de fabrication en omettant de faire un lay-out, et en sous-traitant l’animation dans les pays en voie de développement où la main d’œuvre en moins chère, la qualité d’animation est médiocre.
Les animateurs de ces pays n’ont en effet qu’une toute petite esquisse de story-board pour se faire une idée de ce qu’on leur demande de dessiner.
C’est pourquoi le résultat est d’autant plus consternant que les séquences animées sont longues.
Les Japonais sous-traitent eux aussi mais leur découpage est tel que l’animation est très limitée, et donc les erreurs moins importantes.
Autrefois, vous militiez en faveur du dessin animé japonais en dénonçant l’amalgame que le grand public faisait entre séries nippones et animation limitée.
Vous exhibiez des films de Miyazaki pour démontrer que les Japonais étaient de meilleurs animateurs que ceux des films Disney.
Vous expliquiez que la qualité moindre des séries télévisées était due au faible investissement des producteurs. À présent, vous pourrez répondre que, oui, l’animation japonaise est limitée.
Une série nippone totalise trois fois moins de dessins différents par épisode qu’une série occidentale. Mais depuis les années cinquante, les Japonais ont développé des techniques narratives ingénieuses qui pallient le défaut de l’animation et qui créent un style à part entière.
La qualité des doubleurs, de la musique, des créateurs de décor, et surtout du découpage expliquent l’attrait de nombreux animateurs pour ce type de narration. Mais ceci est le sujet d’un autre article.
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2 réponses sur « Kit de survie pour l’animation limitée à la japonaise »
Merci pour cet article, il m’a beaucoup aidé.
C’est super. Quel dommage de ne pas pouvoir voir ce que tu expliques. Pour certains non initiés comme moi, il serait incroyable de pouvoir voir les extraits que tu cites. Merci pour tout