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Les héritiers de Sherlock Holmes : Dr House, Dr Who, Gil Grissom

Quel est le point commun entre Dr House, Mentalist, les Experts : Las Vegas et Dr Who ? Ils sont les descendants du personnage de fiction créé par Conan Doyle à la fin du XIXe siècle. Entre les filiations explicites et les parentés plus éloignées, voici une analyse des héritiers de Sherlock Holmes.

Outre les films et les feuilletons s’inspirant explicitement de Sherlock Holmes comme la série de la BBC, Elementary de CBS, ou la version canine de Hayao Miyazaki, plusieurs fictions télévisuelles font référence au détective de Baker Street. Le plus proche du héros de Doyle est le Dr Gregory House, officiant à l’hôpital Princeton-Plainsboro.

Dr House : le plus fidèle

David Shore, créateur de Dr House, est un fan de Sherlock Holmes et s’ingénie à faire de nombreux clins d’œil au détective. Les deux héros aux noms phonétiquement très proches (Holmes/House) partagent la même indifférence pour leur client/patient.

Ils ne s’embarrassent pas de politesse et leur parlent de manière très laconique et directe car seul l’énigme à résoudre (meurtre/maladie) les intéresse.

Pour y parvenir, ils emploient des méthodes de raisonnement déductives et inductives et parviennent régulièrement à impressionner leur client/patient en dévoilant des faits que celui-ci n’a pas encore mentionnés.

Ils habitent tous les deux au 221b Baker Street et ont pour meilleur ami un médecin (Watson/Wilson). Pour stimuler leur intellect, tous deux se droguent à la cocaïne/vicodine et ils se reposent en jouant d’un instrument (violon pour Holmes ; piano ou guitare pour House).

Holmes a besoin de Watson pour mettre en relief ses capacités intellectuelles et pour le mettre en contradiction afin de le pousser à mieux raisonner.

Cette fonction est assurée par l’équipe de House : Foreman, Chase et Cameron remplacent le Dr Watson dans cette tâche durant les premières saisons avant d’être remplacés par Taub, Kutner et Hadley.

Cette filiation entre le détective et le médecin est d’autant plus « élémentaire » quand on sait que Doyle s’est inspiré d’un médecin pour créer son héros.

Le jeune romancier avait fait des études de médecine et avait été marqué par le Dr Joseph Bell, chirurgien à l’hôpital d’Édimbourg. Celui-ci a fourni à Holmes son apparence physique et son incroyable capacité de déduction. Dans ses mémoires, le romancier relate l’une de ses brillantes démonstrations.

« Son fort était le diagnostic non seulement de la maladie, mais des occupations et du caractère de ses sujets […]. Il en apprenait souvent davantage sur le patient en quelques coups d’œil rapides que je n’en avais appris par mes questions […] bien qu’il y eût des fois où il se trompait. Lors d’une de ses plus belles réussites, il dit à un malade habillé en civil :

« Eh bien, mon garçon, vous avez servi dans l’armée ?

— Oui, monsieur.

— Depuis peu de temps dans vos foyers ?

— Oui, monsieur.

— Régiment écossais ?

— Oui, monsieur.

— Sous-officier ?

— Oui, monsieur.

— En garnison aux Barbades ?

— Oui, monsieur.

« Vous voyez, messieurs, expliquait-il, cet homme avait une allure respectueuse, mais il n’a pas enlevé son chapeau. On ne l’enlève pas dans l’armée ; mais il se serait mis au diapason des civils s’il avait été démobilisé depuis quelque temps. Il avait un air d’autorité et il est visiblement écossais. Quant aux Barbades, il souffre de l’éléphantiasis, maladie commune en Indes occidentales, mais non en Angleterre. »

Le recueil Aventures de Sherlock Holmes est dédié à ce Dr Bell ayant inspiré à Doyle les traits de son héros. Dans Dr House, on retrouve une référence à Bell dans l’épisode 11 de la saison 5, où le héros reçoit un manuel de chirurgie rédigé par Joseph Bell de la part d’une certaine Irène Adler.

Adler est également le nom de la patiente dans le pilote de la série. Les œuvres complètes de Doyle apparaissent parfois dans les livres du décor. Enfin, on trouve un Moriarty qui tire sur House à la fin de la saison 2.

Dr Who : double héritage

La filiation de Sherlock Holmes et Dr Who peut sembler un peu tirée par les cheveux mais elle existe depuis plus longtemps qu’on ne le pense. Certes, il y a eu un mini-épisode où le Docteur jouait Sherlock Holmes. Mais ce n’est pas tout.

Si l’on se contente du temps présent, on peut se dire que le lien est visible lorsque l’on examine les équipes derrière ces séries britanniques. Steven Moffat et Mark Gatiss sont deux fans de Conan Doyle et ils officient sur les deux séries en tant que scénaristes.

C’est dans le train en chemin pour un tournage de Dr Who qu’ils ont développé le concept de Sherlock, version modernisée du détective de Baker Street. Moffat s’apprêterait à délaisser le Docteur pour se consacrer au détective. Plus encore, Gatiss explique qu’il a été tellement marqué par l’épisode The Web of Fear de Dr Who que l’épisode 1 de la saison 3 de la série de la BBC se déroule dans le métro londonien.

« I am obsessed with the Tube and I think it all comes from that story when I was a kid, » he laughed. « The first episode of Sherlock is explicitly about the London Underground for exactly that reason – because I love ‘The Web of Fear’! »1

Dans plusieurs autres interviews, Moffat rappelle que Sherlock et le Docteur sont les deux faces d’une même médaille. Le Dr Who est une sorte d’ange aspirant à devenir humain, à vivre des aventures pleines d’émotions, tandis que Sherlock est un être humain souhaitant s’abstraire des conventions humaines et des affects.

En outre, si l’on remonte aux premiers Dr Who on peut voir une modification du personnage. Initialement il était une sorte de super prof d’histoire permettant à quelques enfants de vivre les moments plutôt que de les lire dans des manuels.

Mais à partir du deuxième Dr Who joué par Patrick George Troughton, les scénaristes s’inspirent de Sherlock Holmes pour que le personnage devienne un héros à part entière : le Docteur gagne y gagne un humour un peu sarcastique et devient une figure intellectuellement brillante.

D’après Steven Moffat, ce changement est notamment lié au scénariste David Whitaker. Accessoirement, Patrick George Troughton avait incarné Sherlock Holmes avant de devenir le deuxième Docteur…

D’autre part, plusieurs épisodes montrent un Docteur en habit de Sherlock Holmes. C’est le cas du quatrième docteur, dans The Talons of Weng-Chiang, qui se retrouve affublé d’une cape et d’un deerstalker. Bien d’autres épisodes font également références au détective de Baker Street.

Gil Grissom : l’expert

À l’époque où Doyle rédige les Aventures de Sherlock Holmes, la criminologie était en plein développement et différents chercheurs de domaines différents jetaient les bases de ce qui aujourd’hui correspond à la science médico-légale.

Les méthodes du détective repose sur des raisonnements de type scientifique qui sont toujours employés comme l’examen des empreintes, des taches de sang et autres traces laissées par les meurtriers sur les lieux du crime.

Par exemple, Holmes examine les résidu de poudre dans Les Propriétaires de Reigate (The Adventure of the Reigate Squire), il compare des balles dans La Maison vide (The Adventure of the Empty House), et des lettres tapées à la machine à écrire dans Une affaire d’identité (A case of identity).

Plusieurs nouvelles le dépeignent en train de faire des expérimentations chimiques dans son appartement ou des reconstitutions sur la scène du crime pour vérifier ses hypothèses. Holmes n’est simplement un détective en fauteuil, il fait des expériences pour corroborer ses suppositions.

L’un des héritiers de Sherlock Holmes travaille justement dans un laboratoire pour la police : Gil Grissom. Personnage récurrent durant les huit premières saisons de CSI / Les Experts, Grissom partage avec Holmes un certain détachement vis-à-vis des émotions qui perturbent le raisonnement logique.

Il n’est pas dénué de sentiment ; il s’en méfie car ils altèrent le jugement. Grissom utilise les méthodes scientifiques mises en scène dans les aventures de Sherlock Holmes et certains épisodes peuvent être vus comme des références plus explicites.

Dans Peter le Noir (The Adventure of Black Peter), Holmes transperce un cochon avec un harpon dans un marché pour démontrer que le suspect n’avait pas la force physique pour tuer la victime.

Dans un épisode de CSI, Grissom « cultive » des insectes sur un cadavre de cochon pour établir la chronologie d’un crime. Dans un autre épisode, il détruit un pot de moutarde dans une épicerie pour prouver ses théories.

Les deux personnages sont un peu monomaniaques et écrivent des textes de références dans leur domaine de prédilection. Holmes a par exemple rédigé des études sur les cendres de différents tabacs ; Grissom est un expert en insectes.

Les autres héritiers de Sherlock Holmes

Outre ces trois scientifiques, Holmes possède une importante descendance qui lui emprunte plus ou moins de traits. Si l’on caricature, Holmes est le premier détective à succès négligeant les émotions au profit de la rigueur scientifique.

Certains acteurs le représentent presque avec un syndrome d’Asperger pour affirmer le côté intellectuel trop brillant incapable de vivre en société.

Si l’on s’en tient là, la liste des héritiers va de Spock (Star Trek) à Temperance Brennan (Bones) en passant par Adrian Monk (Monk). Ces personnages sont hermétiques aux conventions sociales et particulièrement brillant dans leur domaine.

Cal Lightman (Lie To Me), David Jane (Mentalist) et Shaun Spencer (Psych) partagent le même sens de l’observation que Holmes et sont capables de déduire le passé et le caractère d’une personne en la regardant.

À ses multiples héritiers de Sherlock Holmes, il faut bien sûr ajouter les adaptations modernes des récits de Conan Doyle comme le Sherlock de la BBC, Elementary et les nombreux autres avatars avec des Watson féminins

Comme on peut le constater les héritiers de Sherlock Holmes sont bien plus nombreux qu’on ne le pense. Entre ceux qui revendiquent explicitement leur filiation et ceux qui ne lui emprunte que deux ou trois traits de caractères, il y a une large palette de possibilités. À vous de trouver l’avatar holmésien qui vous sied le mieux !

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