Après une première partie sur les années Superloustic, radio qui a permis à une génération de fans de dessin animés de trouver un lieu commun pour parler de leur passion et échanger des informations, passons à une deuxième étape du parcours d’Olivier Fallaix, ex-rédacteur en chef d’AnimeLand. Nous sommes en 1993 et il passe alors de la radio à AK Vidéo, éditeur de VHS. Vous savez ces antiquités sur lesquelles ont pouvait lire les vidéos chez soi, ces bandes magnétiques aujourd’hui remplacées par les DVD vidéos en streaming…
EST-CE QUE TU AS EU DES CONTACTS PRIVILÉGIÉS AVEC LES ÉDITEURS DE MANGA GRÂCE À LA RADIO ?
En 1993 lorsque commencent à sortir les premiers manga en Français (Candy, Dragon Ball et Ranma ½), je n’avais pas de contact avec les éditeurs papier. Super Loustic étant fini, j’ai animé pendant un an une émission sur RMC qui avait été lancée par des anciens de Super Loustic.
Ils avaient décroché une émission de deux heures pour les enfants le dimanche après-midi. On m’a demandé de faire partie de l’aventure et j’ai refait une chronique sur les dessins animés. Elle ne durait que 10 minutes mais j’ai pu parler des premiers lancements de manga en français, faire des interviews, etc.
RMC n’était diffusé que dans le Sud de la France, ce qui a donné un peu de portée à ces informations. À l’époque, RMC était en pleine quête identitaire et ce n’était pas encore la radio info-sport comme maintenant : les programmes changeaient régulièrement et nous n’avons pas passé la saison.
PEUX-TU NOUS PARLER DE L’EXPÉRIENCE 36 15 TOON ET DE CE TU AS FAIT APRÈS LA RADIO ?
Pendant que je travaillais à la radio, j’ai toujours fait plein de choses en parallèle. J’ai par exemple participé au lancement d’un service minitel 36 15 Toon qui parlait plus d’anime que de cartoon malgré son nom.
C’était aussi une aventure parce que les gens qui ont lancé ça sont les gens qui s’occupaient du Minitel de Super Loustic. Ils avaient très vite remarqué que la rubrique qui avait le plus de succès sur le 36 15 Code Loustic (minitel de la radio) était celle de mon émission de radio.
Elle générait le plus de trafic car, même s’il n’y avait pas ce qu’on appelle aujourd’hui un forum, il y avait une partie où les gens pouvaient poster des messages et réagir. Ils s’étaient rendus compte que les utilisateurs étaient des gens âgés. C’étaient des utilisateurs adolescents que des enfants.
Donc quand Super Loustic s’est arrêté le service minitel disparaissait aussi. Mais dès l’été 1992, ils ont compris qu’il y avait un vrai vivier de gens venu sur Super Loustic pour discuter et échanger des choses parce qu’ils ne savaient pas où aller.
La radio leur avait permis de découvrir qu’ils étaient nombreux à s’intéresser à l’animation japonaise mais ils ne savaient pas comment se retrouver. Du coup, on m’a proposé de travailler sur la plateforme minitel et on leur a donné cette tribune.
C’est comme ça que pendant presque 10 ans ce service minitel a permis à des fans d’échanger des petites annonces et de discuter de leur passion.
Ça a été une première aventure après la fin de la radio et j’ai eu de la chance car les choses se sont bien enchaînées. Les personnes s’occupant du service minitel se sont aussi occupées de celui des magazines de jeux vidéo Joypad et Joystick.
Vers 1993-1994, ces magazines ont senti la « vague manga » commencer et ils voulaient faire une rubrique sur le sujet. Gregoire Hellot, l’un de leur rédacteur, avait fait un dossier sur Dragon Ball Z et c’était le numéro le plus vendu de l’histoire du magazine.
À partir de là, j’ai fait une rubrique dans Joypad durant quelques années. Dans le même temps AnimeLand a commencé à grandir aussi et mon implication a été plus grande.
À partir de la version en couleurs (le numéro 10), on a commencé à faire une rubrique de news intitulée « What’s up Doc ? » avec des news du Japon et de France j’ai commencé à plus écrire pour le magazine et à prendre en charge cette rubrique.
ET COMMENT ES-TU DEVENU DIRECTEUR DE COLLECTION CHEZ AK VIDÉO ?
Tout s’est fait en parallèle ! En 1994, un éditeur avait racheté les droits des films de Dragon Ball Z parce que AB Production ne croyait toujours pas au potentiel de Dragon Ball Z alors que la série était diffusée depuis plus de deux ans.
AB était resté sur l’impression donnée par les ventes des cassettes vidéo de séries issues du Club Dorothée comme Ken le Survivant, Gugu Ganmo, Saint Seiya, Juliette je t’aime. Ces VHS comportaient trois épisodes par cassette ils en avaient sorti une avalanche.
À l’époque on ne sortait pas des coffrets de séries complètes : on mettait 70 ou 90 minutes sur une cassette VHS et on mettait rarement plus de temps. Pour les séries les plus importantes, il leur arrivait de sortir plusieurs volumes mais ils ne diffusaient jamais tous les épisodes.
Ces cassettes ne s’étaient pas vraiment bien vendues et pendant ce temps ils s’étaient beaucoup diversifiés. Leur activité de production de séries télévisées battait son plein et ils n’ont peut-être pas su se donner les moyens de développer la vidéo domestique.
C’est alors qu’un monsieur est venu les voir… Francis Amato possédait une société IDE et il a fondé son propre label (AK Vidéo) afin de vendre les VHS Des films de DBZ.
Ce fut un énorme carton et il s’est bien rendu que lorsqu’AB comprendrait l’ampleur du succès, ils ne lui vendraient pas d’autres titres. Très vite, il est allé au Japon acheter des séries à distribuer en France. Il cherchait un directeur de collection et c’est alors que j’ai postulé.
À partir de 1994, je l’ai accompagné au Japon pour acheter des OAV pour ce label vidéo : Black Jack, Please Save my Earth, etc. On a aussi été les premiers à éditer des séries intégrales comme Cobra ou les Mystérieuses Cités d’Or qui ont été les plus gros succès d’AK Vidéo.
COMMENT EXPLIQUE-TU LE FAIT QU’AB SOIT PASSÉ À CÔTÉ DU PHÉNOMÈNE DRAGON BALL ALORS QU’ILS DIFFUSAIENT LA SÉRIE À LA TÉLÉVISION ?
Je pense qu’ils étaient restés sur les chiffres de vente et les méthodes des années 1980. Ils pensaient sans doute qu’on ne pouvait sortir que des séries passées à la télévision car c’est connu du public. Sortir des trucs inédits ? Ils n’y croyaient pas. Toutefois, ils ont fait une tentative avec deux OAV : Wicked City et Crystal Triangle.
C’étaient des films pour adultes qu’ils avaient acquis et doublés mais ils ne savaient pas quoi en faire. Ces cassettes sont sorties en partenariat avec AnimeLand qui les a diffusé auprès des adhérents de l’association mais ça n’a pas été un gros succès.
À l’époque, sortir des dessins animés pour adultes en animation japonaise ne se faisait pas. On ne pouvait pas mettre ça dans un rayon de cassette vidéo car personne ne serait allé chercher quelque chose du genre.
Après cela, ils n’ont pas renouvelé l’expérience. En ce qui concerne les films de Dragon Ball Z, même moi aujourd’hui je ne comprends pas pourquoi ils ne les ont pas sortis car ils avaient tous les signes pour voir que la série battait son plein. Je ne sais pas ce qui leur a pris.
Probablement un manque de temps et ils ont dû se dire qu’en vendant les droits de diffusion très chers à un intermédiaire, ils feraient une bonne affaire. Ce fut d’ailleurs le cas, mais ils auraient gagné bien plus en le faisant eux-même.
PARLONS DES ANNÉES 1980 POUR MIEUX REPLACER LE MARCHÉ DES VHS AU MOMENT OÙ TU Y TRAVAILLES. IL Y A EU PAS MAL DE SORTIES D’ANIME.
C’est vrai qu’il y a eu des anime inédits notamment chez Scherzo vidéo. On sait aujourd’hui que c’est le réalisateur Christophe Gans qui s’occupait de cette collection dans les années 1980. Mais ça c’était des OVNI.
Il écumait alors les festivals fantastiques et les marchés professionnels. Il avait déjà repéré quelques films et à travers ce label vidéo, il avait sorti quelques perles comme Princesse Millenium ou le film de Phénix l’oiseau de feu (Hi no Tori).
Il y avait aussi Jacques Canestrier qui a été le premier à croire à l’animation japonaise en VHS. Il avait diffusé plein de cassettes comme Galaxy Express 999.
Il faisait croire que c’était un film mais ce n’était que les 3 premiers épisodes mis à la suite. Ça n’avait aucun sens au niveau du scénario mais ça tenait dans le temps imparti.
MAIS COMMENT PEUT-ON OBTENIR LES DROITS DE SEULEMENT TROIS ÉPISODES ?
À ce moment-là, les Japonais étaient moins regardant et moins au courant de ce qui se passait à l’étranger. Canestrier avait les droits et des options sur tout un tas de séries. Il a doublé quelques épisodes en se disant que si ça marchait il doublerait la suite.
Mais ça n’a jamais vraiment pris comme il le voulait. Je pense que lui était dans une démarche plus risquée car miser sur le succès des dessins animés en cassette vidéo alors que ça n’existait pas, c’était sacrément audacieux.
Il a eu la possibilité d’acheter plein de séries à une époque où il revendait des droits à la télévision et qu’il a été écarté des ventes télévisées pour tout un tas de raison.
Il s’était associés avec des gens qui ont mieux revendu les droits que lui et j’ai personnellement l’impression il s’était lancé sur la VHS pour recycler les licences qu’il avait en sa possession et qu’il pas pu placer à la télévision.
Comme à cette époque la VHS commençait tout juste, sortir 48 épisodes n’avait pas de sens. Ça n’a sans doute pas marché comme il le voulait et il est sorti de ce business pour faire autre chose.
Il n’y avait pas vraiment de volonté d’éditer une série mais c’était plus une série d’opportunités, d’investissement et de marché. Il n’était pas dans une démarche de vulgarisation du dessin animé en France. C’était plus un investisseur.
Pendant ce temps-là, les Japonais n’avaient aucun retour de ce qui se passait en France et il pouvait très bien leur avoir dit qu’il avait sorti toute la série et que ça ne s’était pas vendu.
On était à une autre époque de la communication ! Les ayant-droits étant à l’autre bout de la planète, on pouvait faire un peu tout ce qu’on voulait en France… Et les exemples sont nombreux !
On sait que Go Nagai a mis des années à avoir l’information que Goldorak avait cartonné en France. Il en a pris conscience lorsqu’il a été invité au festival d’Avoriaz dans les années 1980. C’est là qu’il a vu que Goldorak était diffusé à la télévision et qu’il y avait des produits dérivés.
Des gens en France lui ont dit que sa série avait du succès. J’imagine que lorsqu’il est rentré il y a dû y avoir des demandes d’explications…
C’est une époque où la communication est moins facile. De plus, ce ne sont pas les studios japonais qui vendaient les droits directement en France. Toei Animation n’avait pas de bureau ici et ils passaient par un intermédiaire qui a vendu Goldorak et d’autres séries.
On sait aujourd’hui que les intermédiaires faisaient les retours qu’ils voulaient et l’on se doute que certains n’étaient pas très scrupuleux et qu’ils ont minimisé certains succès pour conserver plus de bénéfices.
DANS LE CAS D’AK VIDÉO, LES SÉRIES ÉTAIENT MIEUX TRAITÉES ET ELLES SORTAIENT EN VOST.
C’est vrai que l’on ne faisait un doublage que si la série avait été succès en VOST. À l’époque, c’était un trop gros risque de sortir toute de suite les VHS doublées car cela demandait un très gros investissement.
En VOST, on touchait surtout un public de fans tandis qu’avec le doublage on pouvait atteindre un public plus large. En 1994, il y eu les deux configurations avec la sortie en VOST des Chroniques de la Guerre de Lodoss chez Kazé et les films de Dragon Ball Z en VF chez AK vidéo.
Généralement on sortait d’abord les titres en VOST avec des ventes allant de 3000 à 5000 exemplaires. Parfois quelques gros succès se vendaient à 10 000 exemplaires.
Dès qu’on commence à approcher ces chiffres de vente, on se dit qu’il y a sans doute une deuxième vie avec le doublage et c’est à ce moment-là que l’on édite une version doublée.
Si on peut caler une vente à la télévision, ça permet aussi de financer un doublage. Evangelion (édité par Dybex) est sorti comme cela : il y a d’abord eu une sortie en VOST, puis ils ont vendu les droits pour une diffusion sur C : puis Canal +. Ils ont alors doublé la série et l’on sorti en VF en VHS.
Chez AK vidéo, la seule exception était un épisode TV spécial de City Hunter où l’on avait mis le prix pour se procurer les droits et du coup on voulait amortir plus vite l’achat avec une grosse distribution car on était sûr du succès.
On a fait le choix d’aller au même endroit que les doublages de la série TV mais on demandé à ce que le doublage soit plus adulte.
DONC SANS LES BOULETTES !
Je n’ai pas pu assister au doublage et ça n’a pas loupé, sur la fin ils se sont lâchés alors qu’ils s’étaient retenus durant tout l’épisode. Ils ont placé un resto végétarien à la place d’un hôtel et des trucs comme ça…
Comme on était les clients, on ne s’est pas démonté et on a demandé à changer les dialogues pour qu’ils soient fidèles à la VO. Ils ont dû faire un retake pour qu’à la fin de l’épisode les personnages aillent bien à l’hôtel et non dans un resto végétarien.
MOI, CE QUI M’ÉTONNE C’EST QUE VOUS AYEZ QUAND MÊME RÉUSSI À VENDRE DES CASSETTES VIDÉO ! IL FALLAIT VRAIMENT ÊTRE ACCRO POUR SE TAPER DES VHS EN VOST.
Il faut se remettre dans l’époque ! À partir de 1995, l’animation japonaise disparait des grilles télévisées. Il ne reste plus que Dragon Ball Z sur Club Dorothée pendant un certain temps.
Mais ils ont été lassés par les critiques sur les séries japonaises et ils les ont progressivement remplacées par des dessins animés français ou des productions internes (Premiers Baisers, Hélène et les Garçons…).
En 1995, la Cinq n’existe plus et, pour se démarquer des autres, les chaînes du service public ne diffusent pas de séries japonaises ou très peu. Ils revendiquent une programmation de qualité franco-française, blablabla…
AB arrête même de diffuser Dragon Ball Z 30 épisodes avant la fin de la série. Pour tout un tas de raison le Club Dorothée s’arrête en 1997. C’est en partie lié au fait que TF1 arrive à la fin de sa concession qui va être renégociée.
L’année d’avant, ils essaient de se racheter une virginité avec une image de qualité et ils font le ménage dans les émissions les plus controversées. Lorsque Kazé et Dybex ou d’autres qui n’existent plus aujourd’hui se sont lancés, il y avait une demande pour l’anime car il n’y en avait plus à la télévision.
Il n’y avait plus rien à se mettre sous la dent et les fans ont dû acheter des VHS s’ils voulaient continuer à regarder des anime. De plus, dans les VHS, les séries étaient mieux traitées que les séries à la télévision.
QUEL ÉTAIT LE MOYEN DE COMMUNICATION POUR PROMOUVOIR CES VHS À L’ÉPOQUE ?
C’était les magazines spécialisés qui ont commencé à se généraliser. AnimeLand s’est professionnalisé en avril 1996. Il y avait aussi Tsunami et d’autres comme le journal Okaz qui a beaucoup joué dans la démocratisation de l’anime et le fait de faire se rencontrer les gens.
C’était initialement un journal de petites annonces et par hasard ils ont découvert que les gens n’écrivaient pas des annonces pour revendre des voitures ou des motos mais pour chercher des fans de manga et échanger des épisodes, des VHS…
Du coup, eux-aussi se sont mis à parler d’animation japonaise alors qu’ils n’avaient pas du tout cette vocation au départ.
Toute cette petite presse va constituer un maillage qui devient un lieu privilégié pour les éditeurs afin de communiquer sur leurs sorties.
Ensuite il y a eu des opérations comme le festival Cinémanga par Kazé ou des salons comme Cartoonist, puis Japan Expo. On commence alors à parler d’animation japonaise à droite à gauche. Mais ça reste confidentiel car encore une fois internet n’existe pas encore en France.
EST-CE QUE LES JAPONAIS ONT PRIS CONSCIENCE DE L’AMPLEUR DU MARCHÉ FRANÇAIS DANS LES ANNÉES 1990 ?
Quand on est allé au Japon, ils avaient commençé à comprendre que le marché occidental était intéressé pour les séries japonaises et ils savaient que certaines séries avaient eu du succès. Ils étaient au courant que Goldorak avait marché vingt ans plus tôt, que des séries comme Dragon Ball avait une bonne audience.
C’était l’inverse de ce la période précédente. Ils avaient conscience qu’on ne leur avait pas forcément tout dit, qu’il y avait un phénomène qui prenait de l’ampleur.
Ça s’est fait lentement sur une dizaine d’années au fil des personnes qui se rendaient là-bas, mais les studios ont fini par comprendre que leur série étaient vendues à l’étranger, qu’elles avaient du succès et que elles avaient pu générer de l’argent.
C’est une prise de conscience lente. Il y a aussi des Japonais qui venaient en France deux fois par an au MIP et j’image qu’en rentrant dans leur hôtel ils pouvaient aussi tomber sur des séries à la télévision.
Mais ce qui leur a vraiment mis la puce à l’oreille c’est la multiplication d’éditeurs qui sont allés au Japon. Pendant très longtemps les gens ne se déplaçaient pas.
On n’allait pas voir les Japonais car on achetait leurs séries sur des marchés internationaux. Là, les gens faisaient la démarche d’aller au Japon pour rencontrer les producteurs et négocier.
C’est ce qui a dû leur faire prendre conscience qu’il y avait vraiment beaucoup de potentiel pour leurs séries qui étaient initialement produites pour leur marché local.
COMMENT SE DÉROULAIENT LES NÉGOCIATIONS ?
Il fallait expliquer aux Japonais que les VHS que l’on produisait et les droits qu’on leur achetait n’allaient pas générer des ventes de 100 000 exemplaires par épisode car on les sortait en VOST.
Ce n’est pas parce qu’on a pu vendre 100 000 exemplaires de Dragon Ball que l’on allait faire les mêmes chiffres avec Please Save my Earth… C’était un peu compliqué de leur comprendre cela car ils avaient toujours le soupçon qu’on leur cachait des choses comme auparavant.
Quand je suis parti au Japon avec Francis Amato, on n’était loin d’être les seuls. Il y avait aussi Kazé, Manga Vidéo et d’autres éditeurs.
Du coup les droits ont commencé à s’envoler et on a payé des fortunes pour des OAV qui aujourd’hui sont complètement oubliés. Il y avait un emballement sur les droits car les Japonais recevaient propositions sur propositions.
Les Occidentaux faisaient flamber les prix tout en leur expliquant qu’on n’allait pas en vendre des mille et des cent. Donc les négociations étaient un peu difficiles.
D’autant plus que les Japonais avaient aussi la fâcheuse habitude de refourguer trois séries sans intérêt pour l’achat d’une série qui nous intéressait.
Ce n’était pas toujours négociable et on se retrouvait obligé d’acheter les droits de séries qu’on ne voulait pas pour ensuite les sortir en France en espérant que ça se vende un peu quand même puisqu’on avait malgré tout investi dedans.
C’est pour cela que les catalogues étaient souvent dépareillés… Il y avait de belles choses qui arrivaient en France mais il y avait aussi… On va dire des « merdes », des séries de seconde zone. Mais ce n’était pas des acquisitions souhaitées.
Les Japonais étaient très méfiants à cette époque-là et ils nous demandaient ce qu’on appelle un minimum garanti très conséquent et pas forcément beaucoup de royalties.
En gros, lors d’une vente de droits on paie d’abord l’épisode un certain montant et ensuite on verse des royalties sur les ventes. On ne paie ces dernières que lorsqu’on s’est remboursé, qu’on a commencé à faire des bénéfices par rapport à l’investissement de départ.
Du coup, il y a deux façons de négocier : soit on paie une petite somme de départ et des gros royalties, soit on fait l’inverse. Le premier cas de figure est ce qui est le plus avantageux pour un producteur mais c’est aussi le plus risqué.
Si jamais on n’entend plus jamais de l’ayant droit à l’autre bout de la planète, on est perdant sur les royalties et les producteurs japonais de l’époque préféraient une solution plus rassurante quitte à s’asseoir sur les royalties qu’ils ne sont de toute façon pas sûrs de percevoir.
De toute façon, durant toutes les années 1980, ils n’ont jamais touché de royalties. C’est pourquoi ils ont eu tendance à gonfler le tarif initial. Ils étaient dans une démarche de court terme, « prenons l’argent tant qu’il y en a ».
Ils n’envoyaient pas le matériel tant qu’ils ne recevaient une partie du minimum garanti car au moins ce sont des sommes qu’ils étaient surs de percevoir.
EST-CE QUE VOUS AVIEZ L’OBLIGATION DE SORTIR L’INTÉGRALITÉ DES SÉRIES QUE VOUS ACHETIEZ ?
Nous étions dans une démarche différente par rapport aux éditeurs des années 1980. Les premiers programmes auxquels on s’intéressait étaient surtout à des longs métrages et des séries d’OAV.
Ces formats étaient plus adaptés pour le marché de la vidéo domestique et ce sont ces séries qui ont vraiment marché à l’époque comme Tenchi Muyo chez Kazé. Chez AK vidéo, Please Save my Earth c’est six fois 30 minutes et il est donc évident qu’on allait tout sortir.
La question ne se posait même pas car le prix des épisodes d’OAV était plus conséquent que pour un épisode de série télévisée. Donc l’approche était différente. Les Japonais ne nous ont pas obligé à tout sortir mais vu le prix qu’on payait pour avoir ces programmes ça aurait été bête de ne pas les sortir intégralement.
Ensuite pour les séries télévisées nous avions une démarche différente dans le sens où nous étions les premiers à diffuser tous les épisodes.
C’était quelque chose qui n’avait jamais été fait auparavant et c’était aussi notre promesse au public. On avait communiqué sur le fait que les gens auraient l’intégrale.
Je ne me souviens pas s’il y avait une ligne dans le contrat pour nous obliger à diffuser tous les épisodes télévisés mais de toute façon c’est ce qu’on souhaitait faire. C’est ce qui a fait le succès de nos produits : enfin les fans voyaient la fin de leur série.
À lire : Premier entretien avec Olivier Fallaix sur Superloustic et le début des mangas et anime en France.
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