Quel est le point commun entre le FPS Wolfenstein et les simulations de sport ? La réponse est Bethesda ! Cette ville du Maryland a vu naître une petite entreprise de jeu vidéo du même nom qui aujourd’hui est bien décidée à devenir un acteur incontournable du marché. Avec Fallout, Brink et Rage, nous pouvons nous apprêter à voir beaucoup de paysages postapocalyptiques dans les mois qui viennent. Mais comme cet article traite avant tout de la société, prenez d’emblée vos cachets d’aspirine pour suivre la longue liste de procès !
Tout commence en 1986 avec Christopher Weaver. Après un master en japonais et un en physique, cet ingénieur au MIT s’intéresse aux nouvelles technologies et les applique au jeu vidéo par le biais du premier moteur physique créé pour accroître le caractère réaliste des titres de sport. Le premier produit de Bethesda est ainsi un jeu de football américain : Gridiron sur Amiga et Atari ST.
Malgré la jaquette, le jeu ne propose qu’un affrontement entre de petits ronds noirs et oranges sur fond vert pour figurer les joueurs de deux équipes avec une vue du dessus. La nouveauté tient surtout dans le fait que ces points se déplacent de façon « réaliste », en tenant compte de la masse et de la vitesse. Il s’agit de la première simulation de sport avec un moteur physique. Jouable à deux ou seul contre l’ordinateur, le titre est une petite révolution.
I sue !
Electronic Arts a été impressionnée par ce titre, au point de demander au petit studio de développer le premier John Madden Football qui donnera ensuite naissance à la série Madden NFL, source régulière et inépuisable de revenus annuels pour EA. C’est à ce moment que se produit le premier procès de Bethesda qui réclame 7,3 millions de dollars à l’éditeur pour avoir perturbé la commercialisation de Gridiron en faveur de Madden.
Par la suite, Bethesda fait d’autres simulations de sport dans différents domaines : Wayne Gretzky Hockey(1988), NCAA Basketball : Road to the Final Four(1991), PBA Bowling (1997), Burnout : Championship Drag Racing(1998)… En dehors des simulations de sport et de leurs itérations, Bethesda produit aussi des jeux de licences comme Maman, j’ai raté l’avion(1991) et Where is Waldo ? (1991, Où est Charlie ? pour ceux qui connaissent ce principe de jeu). Tous deux sont destinés à la NES et édités par THQ.
Dans un autre style, mais toujours dans le domaine des jeux de licences, Bethesda sort Terminator (1990). Ce jeu d’action/aventure sur DOS se joue avec une vue subjective. Vous y incarnez soit le héros du film, soit le Terminator, avec des objectifs opposés : sauver ou tuer Sarah Connor. D’autres Terminator suivent pour exploiter la licence sur plusieurs années. Le jeu rencontre un joli succès et des suites sont produites.
The Elder Scrolls
Ce qui propulse vraiment Bethesda au rang des développeurs qui comptent et lui donne une première identité forte, c’est la série The Elder Scrolls (TES), dont le premier volet sort en 1994. TES : Arena est un peu comme Terminator : il s’agit d’un jeu d’action en vue subjective, mais il se déroule dans un univers heroic fantasy.
Initialement, le jeu propose surtout des combats (d’où son titre) mais assez vite, les développeurs fans de jeu de rôles et assez admiratifs de Legends of Valour et Ultima y insufflent des aspects beaucoup plus roleplay. Au final, cela donne un vaste univers à explorer et beaucoup de bugs. Le second volet, TES : Daggerfall (1996), propose un véritable RPG avec l’un des premiers moteurs 3D : XnGine. Là encore, le monde est immense et les PNJ foisonnants, puisque le tout est généré aléatoirement. Plus beau, plus vaste, plus orienté roleplay, le titre souffre là encore de très nombreux bugs. Malgré tout, il se vend bien, ce qui donne envie de décliner la série avec d’autres concepts de gameplay.
Les deux titres qui suivent, TES Legend : Battlespire (1997) et TES Adventures : Redguard (1998) sont des spin-off qui se concentrent sur des aspects particuliers de ce qui a fait le succès des précédents titres : les donjons pour le premier, l’aventure pour le second avec une grosse dose de puzzles. Mais les concepts de jeu plaisent moins aux gamers habitués au vaste monde à explorer et à l’impression de liberté.
Après ces deux échecs successifs, Bethesda va très mal et Christopher Weaver doit trouver un moyen de sauver son entreprise de la faillite. Par le biais de sa boîte de consultants, il approche le monde du cinéma et convainc Robert Altman de fonder Zenimax, société qui rachète Bethesda en 1999 et lui permet d’injecter de nouveaux capitaux. Les deux hommes possèdent alors chacun 30 % de la nouvelle société mère. Parmi les investisseurs, on retrouve d’autres célébrités fortunées comme Harry Sloan (MGM) et Robert Trump.
Bethesda étant sauvée, un troisième épisode de TES est lancé : Morrowind. Celui-ci voit le jour sur PC et sur Xbox en 2002. Le succès critique et commercial est au rendez-vous. Plus de quatre millions d’exemplaires sont vendus. Mais, entre-temps, la situation s’est considérablement dégradée entre Altman et Weaver.
I sue again !
À la fin 2001, Altman et Weaver ne s’entendent plus guère, le premier reprochant au second son manque de compétence, ses nombreuses absences et le temps passé à enseigner au lieu de diriger le studio de développement. Comme aucun accord n’est trouvé, le contrat de Weaver n’est pas renouvelé et le fondateur de Bethesda se voit mis à la porte de sa propre entreprise. Il attaque alors Zenimax et réclame 1,2 million de dollars en indemnités de départ. De son côté, Zenimax conteste en faisant remarquer que Weaver s’est introduit illégalement dans les bureaux des dirigeants et qu’il a volé des e-mails. Il faut attendre 2005 pour que l’affaire se règle en faveur de Weaver. Le destin de Bethesda se fera désormais sans son fondateur.
Pendant ce temps, TES fête ses dix ans d’existence en livrant le premier épisode en téléchargement gratuit. Les équipes de développement se concentrent sur le jeu à produire et le succès couronne le quatrième volet de la saga : Oblivion (2006). Pour le quinzième anniversaire, Daggerfall est lui aussi mis à la disposition des fans.
Hélas, n’avoir qu’une seule licence forte n’est pas suffisant pour faire vivre un éditeur, surtout quand l’ambition est très grande. Certes, il y a les jeux de licences comme Pirates des Caraïbes et Star Trek, franchise abandonnée par Activision et non revigorée par les deux titres Bethesda. L’éditeur cherche une seconde locomotive et finit par la trouver en sortant son carnet de chèques : Fallout.
Fallout ? I sue too !
En avril 2007, Bethesda achète la licence Fallout pour 5,75 millions de dollars et se met à produire Fallout 3. Le jeu sort en 2008 et fait un carton mondial malgré les plaintes des fans. Au lieu d’un RPG à l’humour corrosif, l’éditeur propose un jeu très orienté action avec de grands espaces vides à traverser. Malgré tout, Fallout 3 est un bon jeu qui aurait pu contenter les fans si Bethesda n’avait pas eu l’indélicatesse de poursuivre en justice Interplay, précédent éditeur de Fallout, pour la commercialisation des opus antérieurs sous le titre de Fallout Trilogy et pour le développement d’un MMO Fallout. Interplay a contre-attaqué en justice et, pour le moment, il semble que les deux parties n’aient pas encore trouvé un terrain d’entente.
Qu’à cela ne tienne ! Entre-temps, Fallout New Vegas est développé par d’anciens employés d’Interplay comme Josh Sawyer et Chris Avellone qui ont travaillé sur le projet « Van Buren », nom de code du Fallout 3 développé par le studio Black Isle et mort-né en raison des problèmes de trésorerie d’Interplay. Cela devrait garantir un aspect RPG plus peaufiné mais d’un autre côté Obsidian — studio dont font désormais partie Sawyer et Avellone — est plus connu pour ses suites honorables que pour ses prouesses avec des titres inédits.
Autres licences
Toujours dans une logique d’éditeur qui cherche à se constituer un catalogue de licences pour diversifier ses sources de revenus, Bethesda a signé plusieurs titres prometteurs qui verront le jour à la fin de 2010 et en 2011 : Brink, Hunted : The Demon’s Forge et RAGE. On retrouve encore un ancien d’Interplay (Brian Fargo) aux commandes d’Hunted. Quant à RAGE, il a eu un destin un peu compliqué après être passé d’un éditeur à un autre : Activision, puis EA, rachat par Zenimax et donc édition par Bethesda.
Avec les nouvelles licences engrangées et un planning bien chargé, il a fallu augmenter les forces de vente pour rentabiliser toute l’opération. Bethesda Softworks possédait déjà des bureaux dédiés à l’international situés à Londres et à Tokyo. Mais pour mieux gérer le marché européen, deux autres se sont ouverts en 2010 à Paris et à Francfort afin de gérer les ventes et la stratégie marketing de leur territoire respectif. Julie Chalmette, après avoir occupé le poste de directeur général de Vivendi Games France, prend ainsi la direction générale de Bethesda en France.
À présent, il nous reste à attendre de jouer aux titres pour voir s’ils tiennent leurs promesses… Si Bethesda n’intente pas un procès d’ici là !
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