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Epic Games

Avant d’être connu pour Fortnite et ses 250 millions de joueurs, Epic Games est avant tout l’histoire d’un passionné d’informatique devenu entrepreneur : Tim Sweeney. Selon Forbes, sa fortune s’élève à 4,5 milliards de dollars. Voici comment tout a commencé.

Tim Sweeney

La taille ne compte pas selon Mike Capps, ex-président d’Epic Games.

D’ailleurs, tout a commencé de façon très rudimentaire dans la chambre de Tim Sweeney, un étudiant qui a nommé sa micro-entreprise individuelle « Epic MegaGames ».

S’il a fini par abandonner le « Mega », il est entre-temps parvenu à se faire un grand nom. Epic Games est l’un des studios indépendants les plus puissants et les plus innovants du jeu vidéo. Voici sa petite histoire.

Tim Sweeney
Tim Sweeney à 11 ans (source)

Tout commence au siècle dernier.

Tim Sweeney naît dans une modeste famille. Son père travaille dans l’armée : il dessine des cartes à partir d’images satellites, à une époque où Google Maps n’existe pas.

Comme les enfants de l’époque, Tim fréquente les salles d’arcade, qu’il préfère aux machines moins puissantes comme l’Atari.

Il rate ensuite le boom des consoles de salon et opte plutôt pour l’Apple II, ordinateur qui lui ouvre le monde de la programmation.

Comme bien d’autres développeurs occidentaux tels que Richard Garriott ou Jordan Mechner, il apprend en autodidacte à coder en langage machine sur cet ordinateur, avant de découvrir d’autres langages.

Article à lire : Apple II et le jeu

À onze ans, il se met à écrire un grand nombre de jeux en apprenant les rudiments de la programmation ; il se dirige plus tard vers des études en génie mécanique, tout en rêvant de travailler dans l’informatique comme son grand frère à San Diego.

D’abord consultant dans ce domaine, il nomme son entreprise « Potomac Computer System », du nom de cette ville du Maryland, dans laquelle il vit.

Assez vite, il se rend compte que vendre des jeux est bien plus intéressant !

De programmeur à éditeur

Pendant sa deuxième année à l’université, Sweeney programme en Pascal un petit jeu sur PC : ZZT.

ZZT epic games

Initialement, il s’agit d’un logiciel de création vidéoludique, qu’il développe car il n’est pas satisfait des outils alors disponibles.

Peu à peu, en jouant à des titres de l’époque comme Kingdom of Kroz– premier jeu d’Apogee créé par Scott Miller – ou NetHack, un jeu dans la lignée de Rogue, il se rend compte qu’il peut faire aussi bien, si ce n’est mieux. 

ZZT

ZZT sort donc en 1991 et se vend suffisamment bien pour qu’il se lance dans la création d’Epic MegaGames.

Le titre a été choisi pour être le premier à apparaître en fin de liste alphabétique.

Tenant en  vingt mille lignes de code, jouable sous DOS en mode texte, il est popularisé par l’éditeur de jeu que Sweeney laisse à disposition des joueurs, qui peuvent à leur tour produire leurs minijeux textuels.

Autrement dit, dès le début du jeu vidéo, le MOD est à la base du succès de certains titres.

ZZT editor
Il est possible de télécharger ZZT sur le site d’anbandonware.

L’argent du shareware ZZT permet à Epic de lancer un deuxième titre : Jill of the Jungle, jeu de plates-formes et d’aventure qui, bien avant Tomb Raider, met en scène une héroïne censée damner le pion à Duke et à Commander Keen d’Apogee.

Développé en C++, le moteur du jeu est ensuite réutilisé pour Xargon d’Allen Pilgrim (1993, toujours chez Epic MegaGames).

Dans le même temps, Sweeney délaisse de plus en plus la programmation pure pour devenir manager de l’équipe d’une petite dizaine de personnes.

Parmi les membres de l’équipe, les deux plus importants sont James Schmalz et Cliff Bleszinski.

Ce dernier est un passionné de jeux vidéo qui se fait recruter à 17 ans par Epic Games pour le jeu sous DOS Jazz Jackrabbit (1994).

Il gravit ensuite les échelons au sein de l’entreprise pour devenir Lead Designer, puis Design Director et accessoirement mascotte non-officielle, attaché de presse malgré lui et hotline d’Epic Games.

Ayant lui aussi découvert les joies de la programmation sous Apple II, le Canadien James Schmalz crée un premier jeu à douze ans : Sorcery, clone d’Ultima.

solar winds

Il arrive chez Epic MegaGames avec Solar Winds (1992) et un projet de flipper.

Il sort en 1993 sous le nom d’Epic Pinball, un des sharewares sous DOS les plus populaires. C’est un succès qui le pousse à créer son entreprise Digital Extremes. 

Enfin, Mark Rein est le dernier membre clef d’Epic Games. Avant d’occuper la position de vice-président, il a commencé comme commercial dans l’entreprise en 1992.

epic pinball

Depuis Toronto, il s’occupait du marketing et des ventes des titres d’Epic Games.

Avec Tim Sweeney, il a aussi participé au recrutement des développeurs qui à cette époque voulaient tous travailler avec Scott Miller chez Apogee (Duke Nukem…).

D’ailleurs, lui-même avait travaillé dans ce studio auparavant sur Commander Keen.

Parmi les titres de l’époque, on compte : 

  • Brix (1992), 
  • Kiloblaster (1992), 
  • Epic Pinball (1993), 
  • Solar Wind (1993), 
  • Jazz Jackrabbit (1994), 
  • One Must Fall (1994)…

Epic édite aussi des jeux créés par d’autres studios et pourrait devenir un éditeur comme un autre, jusqu’au moment où sort Doom.

D’éditeur à concepteur de middlewares

Outre la claque graphique avec sa 3D et la jouabilité de ce FPS, ce sont l’éditeur et le moteur de jeu qui frappent surtout Sweeney.

Epic Games and Digital Extremes in 1998 (source @TimSweeneyEpic).
Epic Games and Digital Extremes in 1998 (source @TimSweeneyEpic).

Il sait qu’il peut améliorer l’ensemble en faisant en sorte que les deux programmes soient vraiment interdépendants, et ainsi faciliter la tâche des artistes et des designers.

La réflexion débute en 1994, au moment où James Schmalz travaille sur un jeu en 3D avec un dragon volant.

Il décide de reprendre le projet avec une vision différente : au lieu de créer un moteur par jeu, il vaut mieux en produire un qui soit réutilisable et modulable, et qui puisse par conséquent servir à plusieurs titres.

Tim Sweeney

Il travaille alors avec Schmalz et Cliff Bleszinski pour produire un éditeur de jeu plus performant et plus maniable.

Finalement, le jeu Unreal, dont la production débute réellement en 1997, est plus une conséquence heureuse de cette réflexion de développeur sur les outils qu’une envie ou une idée née de l’imagination d’un game designer.

Durant la production d’Unreal, Sweeney reprend le poste de programmeur et s’occupe du moteur presque seul.

unreal

De son côté, Steve Polge se consacre à l’IA des montres et autres personnages non joueurs, ainsi qu’aux codes liés au gameplay.

À ce stade, Epic se compose d’une vingtaine de personnes, recrutées au compte-gouttes car Sweeney ne veut pas que l’entreprise grossisse trop vite.

À l’époque, passer de l’équipe de base composée de trois personnes à une vingtaine constitue un vrai challenge.

Tim Sweeney
Tim Sweeney

En se lançant dans Unreal Tournament (ou UT, 1999), le nombre de développeurs qui travaillent sur les outils et le moteur de jeu s’est encore agrandi afin de mettre moins de temps à sortir de nouveaux titres.

En 2001, six développeurs planchent à temps plein sur le moteur.

À partir de 2003, les équipes s’étoffent de nouveau pour pouvoir travailler sur deux projets en parallèle et éviter les périodes de creux entre deux productions.

unreal tournament

Les Unreal Engine 1 et 2 ont été codéveloppés par Epic et Digital Extremes, mais après la sortie d’UT, James Schmalz décide de voler de ses propres ailes.

Epic se renforce encore et recrute un manager pour diriger le nombre grandissant de personnes qui travaillent sur les jeux et les outils : Mike Capps, ancien producer du jeu America’s Army – développé sur Unreal Engine 2, évidemment – rejoint le studio.

Du PC à la console et au reste

En 2006, Epic réalise Gears of War pour le compte de Microsoft Game Studios. Ce TPS musclé permet de démontrer la puissance de l’Unreal Engine sur les consoles next gen.

Gears of War
Gears of War

Il fallait bien cela pour calmer un peu la concurrence, qui propose des moteurs de jeu PC plus performants les uns que les autres : Source de Valve (Half-Life, 2004), CryEngine de Crytek (Far Cry, 2004), etc.

Gears of War est le bébé de Cliff Bleszinski, alias CliffyB.

Celui-ci s’implique de plus en plus dans la production de jeu. C’est grâce à lui qu’Unreal est passé d’un FPS solo à un titre multijoueur plein de testostérone (Unreal Tournament, 1999). 

Il est ensuite devenu le lead designer sur Gears of War, puis design director et accessoirement mascotte non-officielle, attaché de presse malgré lui et hot-line d’Epic Games.

Toujours dans le but de pérenniser la société, l’expansion passe dès 2007 par des rachats (People Can Fly, Chair Entertainment) et la création de bureaux en Asie…

Dans le même temps, Tim Sweeney travaille sur l’Unreal Engine 4 pendant que la version 3 se complexifie en proposant de multiples features.

Epic Games sort des jeux sur différentes plates-formes comme autant de démonstrations de force : Shadow Complex (XBLA, 2009), Infinity Blade (iOS, 2010).

En des temps incertains, la société joue la sécurité et se positionne ainsi sur tous les terrains.

Avec seulement une centaine d’employés, Epic Games reste alors l’un des studios indépendants les plus intéressants à suivre.

Infinity Blade
Infinity Blade

La sortie de Gears of War 3 en 2011 est une véritable consécration pour la série et devait permettre à l’entreprise de continuer sereinement à innover.

Malheureusement, les rachats d’Epic Games ne sont pas très rentables.

Pour pérenniser l’entreprise il faut des apports financiers d’autant plus important que les investissements nécessaires à la production d’un jeu console deviennent vraiment conséquent.

Et justement, Epic Games veut se lancer dans le Free to Play avec un certain Fortnite, annoncé en 2011.

Sweeney et Bleszinski
Sweeney et CliffyB

2012 devient alors l’année du renouveau.

D’un côté, CliffyB quitte l’entreprise qu’il a contribué à développé depuis ses 17 ans.

De l’autre, un très gros chèque arrive de Chine pour assurer la stabilité financière, le développement d’Unreal et des prochains jeux.

Tencent entre dans le capital d’Epic Games à hauteur de 48% pour la modique somme de 330 millions de dollars.

 Mais ceci est une autre histoire…

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