Dans le cadre de ma thèse sur la recréation et les formes de réappropriation de Dragon Ball en France, j’ai longuement analysé les articles de presse concernant Goldorak afin de montrer en quoi le « phénomène DBZ » comme le titrait un article du Monde n’est pas une répétition du cas Goldorak.
J’ai pu rassembler des articles où le point Godwin est atteint assez vite, des couvertures qui font peur et quelques livres au parti pris à peine voilé.
Parmi les choses qui en résultent et qui sont assez drôles (mais totalement fastidieuses à faire), il y a ce tableau avec toutes les occurrences du mot « Goldorak » dans la quotidien de presse Le Monde de 1978 à 2015.
Il y a des contextes dans lesquels « Goldorak » devient synonyme de « Japon » ou asiatique. D’autres où il est simplement un terme péjoratif.
Bref, le chapitre que j’en tire s’appuie à la fois sur une analyse de type linguistique et de récit médiatique pour montrer comment la presse de 1978-79 génère une sorte de feuilleton fondé sur le récit du rapt de l’enfant (par les méchants marchands de jouets et autres capitalistes). Une version courte du chapitre est parue dans un ouvrage collectif : Goldorak, l’aventure continue.
Voici l’article en question dans une version légèrement différente de la version publiée dans le livre.
Dans Après le colonialisme[1], l’anthropologue Arjun Appadurai a démontré comment le criquet, sport anglais diffusé à travers le Commonwealth, est devenu une pratique culturelle indienne. De la même manière, le baseball importé des États-Unis est devenu une pratique sportive typiquement japonaise. La globalisation passe par des appropriations locales et des recréations.
Au Japon, les téléspectateurs connaissent une série intitulée UFO Robo Grendizer qui n’a pas eu beaucoup de succès et qui n’était qu’une suite de Mazinger Z. En France, cette série est connue sous le titre Goldorak et elle a fait l’objet d’une recréation à travers les discours de la presse écrite « grand public » : elle passe du statut de sous-produit industriel dangereux pour le public d’enfants (dans les années 1980 et 1990) à celui d’élément d’un patrimoine culturel pour une génération ayant grandi avec cette série à partir des années 2000.
L’analyse des occurrences du terme « Goldorak » dans la presse vise à montrer les ramifications en réseau de stéréotypes et de micro-récits qui se croisent et se répondent au fil des ans, élaborant un récit plus large dans lequel Goldorak n’a plus aucun lien avec Grendizer. En fait, ce Goldorak particulier est une construction discursive et sociale qui n’existe qu’en France.
En outre, les lecteurs ne réceptionnent pas passivement les textes mais ils les fabriquent en les interprétant par le biais de conventions et de cadres d’intelligibilité liées à un groupe spécifique. Les journalistes d’une revue ou d’un quotidien fournissent une grille de lecture à un public avec qui ils sont censés partager les mêmes valeurs.
Cette mise en scène de l’information engendre des cadrages qui nous permettent de voir en creux comment les journalistes orientent leur lectorat et élaborent leur Goldorak. L’examen des occurrences de « Goldorak » dans la presse permet donc également de montrer l’évolution des concepts par rapport auxquels le terme est convoqué (enfance, Japon, dessin animé).
Cette modeste étude relève les récurrences et les poncifs liés au terme « Goldorak » dans tous les articles du Monde, de Télérama et Télé 7 Jours entre 1978 et 2015. Cette sélection ne prétend pas à l’exhaustivité mais vise l’exemplarité. La signification d’une œuvre étant inséparable des appropriations qui en sont faites par le récepteur (lecteur, spectateur, joueur), nous proposons ainsi d’étudier la réception de Goldorak afin de dévoiler le système d’intelligibilité intériorisé par cette communauté de lecteurs de la presse grand public.
Nous nous interrogerons sur les causes externes et internes au fonctionnement de la presse qui expliquent la rapide diffusion du terme. Puis nous tenterons d’expliquer la pérennité du mot par le biais d’un réseau de micro récits et des tentatives d’appropriation d’un autre public. Enfin, les réseaux de cooccurrences autour de ce mot nous permettent également de mettre en lumière les cadres de pensée avec lesquels l’information est mise en récit et potentiellement reçue par le lectorat de ces publications.
1. Expansion rapide
1.1. Au-delà du dessin animé
Si les Japonais ont Grendizer (nom original du robot), en France, nous avons Goldorak, mot valise formé par la contraction de Goldfinger et Mandrake, deux œuvres appréciées par le distributeur français Jacques Canestrier, comme il l’explique dans un entretien[2]. Le mot renvoie à la fois au robot géant et à la série télévisée.
Mais il dépasse très vite ce sens pour désigner également les multiples produits dérivés : bandes dessinées, romans, magazines fabriqués par des entreprises françaises. Ils sont également évoqués dans les articles de 1978 à 1980. Au niveau audiovisuel, outre le film de 1979 (Goldorak au cinéma) monté à partir d’épisodes par une société française, on peut ajouter plusieurs cassettes VHS mentionnées dans un article sur le marché de la vidéo à domicile.
Enfin, il existe de nombreux autres produits dérivés dont les publicités apparaissent dans la presse : posters, chaises, autocollants, etc. Par métonymie, et généralement avec une connotation péjorative, Goldorak a servi à désigner toutes les productions animées du Japon à partir des années 1980. Par extension, le mot fait référence également au robot, au mécanique ou à l’artificiel en général.
La pérennité du terme est liée au succès de la série auprès du public d’enfants à une époque où le téléspectateur n’a le choix qu’entre trois chaînes. L’exposition à ce dessin animé est donc maximale et ne sera jamais égalée. Par la suite, la série est rediffusée avec des génériques différents comme en attestent les magazines de télévision[3].
Ces reprises de diffusion expliquent en partie pourquoi tant d’usages du terme coexistent. En quelques mois, Goldorak est devenu un cliché dans la presse et donc un élément très rentable dans l’écriture journalistique car il permet de communiquer facilement avec le public cible. Selon Ruth Amossy, le stéréotype « favorise la cognition dans la mesure où il découpe et catégorise un réel qui resterait sans cela confus et ingérable[4] ».
Dès 1978, il est employé dans toutes les strates de la société dans des contextes variés. Après un pic de 18 articles dans Le Monde en 1979, le mot reste régulièrement employé. Il est utilisé dans des rubriques très variées : mode, architecture, économie, science, sport. Il correspond au nom d’utilisateur d’une personne dans un article sur la CB[5] de 1980.
Il sert de pseudonyme dans un texte sur les sites de rencontre en 2000[6]. Il apparaît également dans des contextes politiques. L’anecdote sur les frondeurs du RPR qui crient « Chirac-Goldorak » est reprise dans plusieurs publications entre 1978 et 1979[7]. Puis le terme est employé dans un appel aux Républicains[8] de 1998 et enfin dans un portrait de Bernard Cazeneuve en décembre 2015[9].
Grâce aux nombreux produits dérivés et à la diffusion massive de la série, « Goldorak » est devenu un lieu commun représentant le dessin animé japonais. Mais la fréquence d’utilisation du terme par les journalistes est sans doute à chercher du côté du fonctionnement interne des médias, dans ce que Pierre Bourdieu nomme la « circulation circulaire de l’information[10] ».
La concurrence entre les médias, au lieu de pousser les rédactions à chercher des informations nouvelles ou à se distinguer, génère bien au contraire une homogénéisation du discours médiatique, chaque journaliste reprenant des éléments déjà employés par les concurrents.
1.2. Emballement médiatique
Goldorak n’est ni le premier dessin animé japonais ni la première série en animation limitée diffusée sur des chaînes françaises. Le Roi Léo et Prince Saphir sont arrivés sur les ondes en 1974. Ce n’est pas le premier personnage décliné en jouets puisque Disney a commercialisé des produits dérivés par le biais de sa filiale Walt Disney Entreprises dès 1949.
Auparavant des fabricants comme Louis Marx, aux États-Unis, en proposaient massivement dans l’entre-deux-guerres. Mais Goldorak est le premier personnage que les enfants réclament. Lors de la première diffusion, le présentateur demande aux enfants d’envoyer des cartes postales pour dire s’ils souhaitent voir la suite des dessins animés proposés dans Récré A2. Il explique aux jeunes téléspectateurs qu’ils peuvent faire le programme de l’émission.
Suite à cela, la chaîne reçoit un déluge de cartes postales (fait souligné à plusieurs reprises dans les articles de 1978-1979). Puis, les enfants réclament le jouet Goldorak à Noël mais celui-ci est en rupture de stock, ce qui occasionne un reportage télévisé sur Antenne 2 le 21 décembre 1978 dans l’émission « C’est la vie ». L’emballement médiatique autour de Goldorak est donc avant tout lié à cette demande consumériste du public enfant.
Le lendemain, dans un article du Nouvel Obs du 22 décembre 1978, ces éléments sont mis en récit dans un autre contexte, plus dramatique : l’émerveillement du jeune public face au robot, les dépenses considérables en produits dérivés, la mauvaise qualité du dessin animé, les hommes d’affaires qui prennent l’enfant pour cible.
Les autres médias reprennent cette trame narrative basique et l’amplifient. En janvier, Le Monde publie un courrier de lecteur titré « ‘Goldorak’ la nouvelle idole » (8 janvier 1979). Les connotations religieuses sont reprises dans le titre de l’article du Paris Match qui paraît une dizaine de jours après : « Goldorak, un robot né au Japon, est devenu le messie des enfants français[11] ».
Une même surenchère se retrouve au niveau des couvertures et des illustrations. Le Télé 7 jours du 13 janvier 1979 affiche en couverture l’accroche « le phénomène Goldorak ». Une semaine plus tard, une illustration issue du dessin animé fait la couverture de Paris Match avec le titre « la folie Goldorak ».
Deux mois plus tard, le magazine Lui fait paraître une illustration en pleine page avec le robot d’un côté et Hitler de l’autre. L’article de Télé 7 jourscomporte un mot-valise aux connotations négatives explicites « Les jeunes téléspectateurs saisis par la ‘Goldorakite’ », le néologisme associant le nom de la série et un suffixe évoquant une maladie.
Quant à Lui, le magazine invente un autre néologisme pour suggérer les ventes extraordinaires de produits dérivés évoquées dans le Nouvel Obs : « Goldorackett ». Un mois plus tard, la critique du film Goldorak parue dans Télérama condense tous ces éléments[12].
Un an plus tard, l’humoriste Guy Bedos forge à son tour une tournure péjorative pour désigner la série japonaise dans le sketch « Gueule de rat ». Le jeu de mot initial du distributeur forgeant le titre français de la série se prolonge en quelque sorte dans les calembours dépréciatifs des journalistes et humoristes.
Même si elles s’en défendent, les rédactions des quotidiens et des magazines recherchent le sensationnalisme et Goldorak leur offre un scénario prêt à penser imparable : le rapt de l’enfant[13]. Celui-ci est décrit comme la victime innocente manipulée par des adultes avides d’argent, que ceux-ci soient incarnés par le distributeur Jacques Canestrier ou par les industriels japonais.
À partir du moment où certains magazines consacrés mettent en avant une information (ici le Nouvel Obs), celle-ci va être relayée par les concurrents avec la même rhétorique, les mêmes arguments, avec quelques variations souvent perceptibles uniquement par les journalistes eux-mêmes.
Il s’agit de ne pas rater l’occasion et, de fait, d’amplifier un événement qui n’en est pas vraiment un. Comme l’a montré Pascal Durand, les informations reprises d’une rédaction à une autre se figent en stéréotypes qui sont inséparables de l’ordre social et discursif dans lequel s’inscrivent les journalistes[14].
La prolifération rapide des emplois du terme « Goldorak » est ainsi liée au phénomène d’emballement médiatique, mais la pérennité du mot dans la presse est liée à des usages évoluant dans le temps en fonction des micro récits, des jeux de connivences avec le public et des effets d’âge.
2. Pérennité de Goldorak dans la presse
Pour comprendre l’utilisation prolongée du terme, il est nécessaire de mettre en valeur le fonctionnement narratif des récits médiatiques et le fonctionnement commercial de la presse reposant sur la séduction d’un (nouveau) lectorat.
2.1. Réseau de micro-récits
Le scénario de l’enfant captif de 1979 est prolongé dans la presse par l’arrivée d’autres dessins animés ou héros qui s’opposeraient à Goldorak. Dans un article du Monde, le journaliste espère que Superman pourra faire oublier le robot japonais tandis que Télérama dédie quatre pages aux dessins animés conçus par des Français.
Là encore, la transmission de l’information passe par un récit stéréotypée, en l’occurrence le conte de fées, comme l’indique le titre de l’article « Les petits Poucet à l’assaut de Goldorak[15]». Dans Télé 7 jours, la mise en intrigue des opposants se fait en plusieurs articles. Elle débute par une accroche en couverture du 3 février 1979 et une page titrée « TF1 lance ses robots contre Goldorak ».
Puis la série adverse fait la couverture du magazine en septembre et elle est décrite en deux pages : « L’arme absolue de la ‘Bataille des planètes’ : l’humour ! ». En créant un cadre narratif où s’opposent de manière manichéenne le bien et le mal, les journalistes oblitèrent l’accès à la réalité plus complexe des achats et créations de programmes télévisés[16].
Dans les années 1980, la série d’articles du Monde portant sur la création de dessins animés en France poursuit la même trame : un sauveur conçu dans l’hexagone va arriver pour guérir l’enfant de sa passion pour le robot japonais. Les journalistes ne se contentent pas de montrer l’émergence d’un secteur de l’animation, ils créent un dispositif fictionnel qui oriente la lecture et poursuit le micro-récit stéréotypé apparu en 1978.
Le recours à des scénarios figés pour mettre en forme l’information et les effets de reprise en boucle entrainent la création d’un récit choral par les médias. La presse écrite et audiovisuelle, toutes tendances confondues, se relayent pour poursuivre ces micro-trames narratives, entretenir les clichés qu’elles ont forgées initialement pour faire comprendre rapidement une situation à un public hétérogène.
L’histoire de Goldorak dans la presse s’élabore ainsi par accumulation de ces fragments de récits agrégés en une histoire indépendante éloignée des faits économiques.
Certes Goldorak a pu toucher toute la jeunesse de la France par ses multiples diffusions, mais le « phénomène Goldorak » est avant tout une construction médiatique dont l’efficacité passe par le recours au pathos, à l’image de l’enfant victime. Il suffit de dire « Goldorak » pour convoquer le récit médiatique qui lui est lié. À travers la presse des années 1980, le robot japonais est devenu l’icône d’une enfance traumatisée.
2.2. Élément de connivence
Le contrat médiatique possède une double finalité : l’une est éthique (transmettre des informations), l’autre est commerciale (accroître le nombre de lecteurs). À partir de 1988, les références à Goldorak dans la presse diminuent car le scénario de l’enfant sous l’emprise d’un robot est devenu trop éloigné de la réalité. La série se teinte même de connotations positives face aux dessins animés diffusés par TF1, première chaine privée de France, présentée comme l’incarnation du mercantilisme[17].
Le commentaire journalistique reprend l’image de l’enfant-spectateur victime face à la violence d’un dessin animé japonais. Mais cette fois-ci, le rôle du persécuteur est tenu par la série Dragon Ball Z (1990-96). La restitution de la réalité se fait de nouveau par une forte scénarisation, une mise en scène de l’information, contribuant à consolider le cliché de l’anime violent et traumatisant[18].
À mesure que Goldorak perd de son efficacité en tant qu’image du tortionnaire, il apparaît de plus en plus comme « lieu commun », trait d’union entre le journaliste et son lecteur. Dans les articles des années 1980, le mot apparaît souvent car il est une référence populaire et connue du public, mais aussi parce qu’il permet de créer des situations incongrues et des récits divertissants susceptibles d’être repris sous forme d’anecdote par les lecteurs.
C’est dans cet emploi qu’il apparait dans un article sur l’adoption d’enfant au Tiers monde, l’un des enfants ayant nommé son chat « Goldorak ». Dans un reportage sur l’enseignement du catéchisme, le journaliste explique que les enfants « identifient Jésus à Superman ou à Goldorak ». Cet emploi du terme « Goldorak » obéit au contrat d’énonciation des médias tel que le définit Patrick Charaudeau, c’est-à-dire qu’il doit être à la fois crédible et attirer le plus grand nombre possible de récepteurs[19].
En ayant recours à une référence connue et une situation décalée, les journalistes tentent de séduire le lectorat en créant une connivence humoristique. C’est avec cette intention persuasive que le terme Goldorak est employé dans la presse jusqu’à la fin des années 1990.
2.3. Séduire un nouveau public
Si les média nationaux « grand public » comme Le Monde, Télé 7 jours ou Télérama imposent leur récit au fil des articles, rien n’empêche les lecteurs de les réfuter ou d’en créer de nouveaux sur d’autres supports. La presse spécialisée en informatique, jeux vidéo et manga se développe à partir de 1996 et fédère un public plus jeune.
Parallèlement, les sites internet conçus par des fans permettent de rassembler des communautés d’utilisateurs plus rapidement que le Minitel. Les médias traditionnels sont toujours détenteurs du langage consacré pour mettre en récit les événements, mais ils ne sont plus les seuls à être diffusés. Afin de capter ce public qui lui échappe, la presse intègre peu à peu les discours de ces médias liés à des sous cultures et, par ce biais, assimile aussi les représentations de ces groupes d’interprétation.
Dans l’article du Monde « Sur Internet, les séries continuent » (5 avril 1998), sont évoqués les sites de fans de dessins animés dont Goldorak. Puis la même année, un article décrit le site d’un fan qui explique « l’affaire Goldorak », c’est-à-dire qui propose l’élaboration communautaire d’une explication aux deux demi-tours effectués par Actarus lorsqu’il passe de la navette à la tête du robot[20].
Or ce texte reprend des éléments d’un article publié une année auparavant dans une revue spécialisée (d’où un droit de réponse du magazine publié au sein du quotidien). Cet incident montre que les téléspectateurs n’ont pas besoin des récits de la presse généraliste pour structurer leur rapport à l’objet Goldorak. Internet et la presse spécialisée s’en chargent créant ainsi à côté des médias consacrés une série de sources d’information et de partage communautaire où s’élaborent d’autres discours sur les mêmes objets.[21].
Le mouvement circulaire de l’information opère toujours mais il est plus lent et une partie de l’information échappe aux circuits habituels de la presse « grand public ». Pour la capter, mais surtout récupérer son public et élargir son lectorat, un quotidien comme Le Monde fait appel à ces autres médias et ceux qui les animent en tant que spécialistes[22]. Par le biais des entretiens, les médias traditionnels se réapproprient les informations circulant dans d’autres communautés d’utilisateurs.
Pour tenter de séduire cette partie du public et de la catégoriser, le syntagme « génération Goldorak » est forgé durant la même période. La locution désigne de manière vague les « jeunes Français de 15 à 30 ans, élevés avec Goldorak[23] » ou les « 25-35 ans nostalgiques de leur enfance[24] », la « génération des ‘trentenaires[25]’ ». Mieux encore, afin de désigner les points communs entre ces personnes, le terme « culture » est employé dans la même phrase que Goldorak[26].
En une trentaine d’année, les trames lexicales stéréotypées attachées à Goldorak ont ainsi évolué vers des connotations plus positives. Ce changement de discours est en partie lié à l’arrivée d’une génération d’anciens spectateurs au sein des rédactions. Il n’est pas certain que ce dessin animé soit devenu un objet consacré, mais il est clair que la presse grand public se l’est approprié afin de gagner une nouvelle audience.
En trente ans, les connotations péjoratives du terme « Goldorak » se sont effacées, le titre de la série servant désormais à établir une connivence avec le lectorat et à désigner une classe d’âge devenue adulte et potentiellement consommatrice de presse écrite.
3. Évolution des contextes lexicaux
Après avoir brièvement montré la mise en récit de l’information sous forme de trame narrative figée, il est intéressant de mettre au jour les préjugés de la communauté interprétative formée par les lecteurs et les journalistes d’un même support médiatique.
Autrement dit, la forme de récit adoptée est la résultante de grille de lecture préexistante que l’on peut déceler en analysant le contexte discursif. En effet, les choix lexicaux engendrent un dispositif reposant sur des lieux communs, des idées partagées par l’énonciateur et le récepteur potentiel. En repérant les récurrences, il est possible de mettre en lumière les cadres d’intelligibilité que les journalistes appliquent pour décrire Goldorak dans la presse.
Un article n’est jamais neutre ou objectif malgré les professions de foi des journalistes. Comme tout texte, il est une caisse de résonnance sélective et oriente le regard du lecteur d’une manière particulière qui constitue une modulation du discours social. Le choix des mots correspond au contrat de communication propre à chaque média (journal, magazine, émission) mais il obéit aussi à une rhétorique des lieux communs analysées par Pascal Durand[27].
En recherchant les cooccurrences des termes dans les articles de presse où figure le mot « Goldorak », nous pouvons dresser des trames lexicales, des réseaux d’images à travers lesquels l’information est mise en scène et rendue intelligible. Plus précisément, les cooccurrences nous permettent de comprendre les représentations des journalistes sur les enfants, le Japon et le dessin animé.
3.1. Représentation des enfants
La cooccurrence la plus importante concerne le duo « Goldorak » et « enfant », ce mot pouvant être remplacé par des éléments du même champ sémantique (« jeune public », etc.). Il se décline sous deux formes de réseaux : Goldorak-enfant-violence et Goldorak-enfant-mercantilisme. Ainsi, si la série animée a pu être si médiatisée, c’est avant tout parce qu’elle entrait dans un réseau de préoccupations sociales plus large : la place de l’enfant par rapport au média de masse qu’est la télévision, l’enfant comme consommateur et prescripteur.
À la fin du xxe siècle, de nombreuses interrogations s’élèvent sur la place croissante de la télévision dans l’éducation, l’enfant passant de plus en plus de temps devant le petit écran. L’influence de la violence des programmes et celle de la publicité sont de plus en plus étudiées par les psychologues et médiatisées dans la presse.
Il correspond à un récit médiatique plus large, celui de la violence de la télévision comparativement à d’autres médias. C’est pourquoi la série est mentionnée dans l’article plus général « Qui a peur de la télé ? » [28] où divers experts et psychologues exposent leurs points de vue[29].
Les articles des années 1980 ne présentent pas seulement l’enfant comme victime de la violence des programmes, il est conditionné pour devenir un consommateur. Là encore, Goldorak n’est qu’un exemple parmi d’autres produits de consommation dérivés de médias audiovisuels[30]. Un article de 1982 relate également la grève des techniciens liés à la diffusion de publicités après un épisode de Goldorak[31].
Dans tous ces textes, le dessin animé japonais est un exemple dans la trame sémantique plus grande liant l’enfant au mercantilisme[32]. La presse participe ainsi à la construction sociale de l’enfant en transformant les associations sémantiques en stéréotypes par les effets de reprises en boucle.
Les articles des années 1980 nous en apprennent moins sur l’objet audiovisuel Goldorak que sur le filtre intellectuel à travers lequel celui-ci est pensé dans la presse. Il n’est bien souvent qu’un exemple parmi d’autres dans le réseau des paradigmes participant à la construction sociale de l’enfant.
Après les années 1980, les triades enfant-Goldorak-violence et enfant-Goldorak-mercantilisme sont moins présentes car la série japonaise est remplacée par une critique globale des séries japonaises diffusées dans l’émission « Le Club Dorothée » (Dragon Ball Z, Chevaliers du zodiaque).
Par la suite, le dessin animé fait place aux jeux vidéo et à Internet. Mais la constante de l’enfant à protéger demeure. Il s’agit d’un cadre de pensée à partir duquel les journalistes ne font qu’ajouter de nouveaux éléments sans jamais s’interroger sur leur représentation de l’enfance.
3.2. Représentation du Japon
Les cooccurrences lexicales nous permettent aussi de dresser une image du Japon partagée par les journalistes et leur lectorat potentiel. Elles constituent un réseau de termes leur permettant de définir l’altérité de ce pays.
À la fin des années 1970, le Japon reste un pays peu connu et, pour le désigner, les journalistes utilisent de manière systématique le même cliché guerrier décliné sous plusieurs formes : le samouraï, la Seconde Guerre mondiale, la bataille économique et les exportations massives. Le Japon est avant tout un ennemi dans cet imaginaire médiatique.
La concurrence supposée des studios américains et japonais pour la conquête du marché de l’audiovisuel français est présentée dans la presse comme une guerre, le succès de Goldorak devenant un « Pearl Harbor de la télévision[33] ». Ces cooccurrences perdurent tout au long des années 1980[34].
L’économie étant perçue comme la poursuite de la guerre dans un autre domaine, les articles insistent sur le caractère industriel de la série, produit de consommation au même titre que les autres éléments exportés par le Japon. Pour que l’information capte l’attention des lecteurs et que ceux-ci accèdent rapidement à sa compréhension, les articles utilisent les repères et les stéréotypes qui sont supposément les mieux partagés.
Mais la technique de séduction se substitue à la recherche d’informations sur le terrain[35]. Le biais des journalistes constitue des explications simples mais erronées qui sont ainsi diffusées et renforcées par la trajectoire circulaire des informations dans la presse. Le cliché s’est substitué à la réflexion.
À force d’être employé en cooccurrence, les termes « Goldorak » et « Japon » deviennent quasiment synonymes dans la presse et se figent dans un nouveau stéréotype. Durant les années 1990, les journalistes évoquent Goldorak pour décrire différentes productions du Japon, qu’il s’agisse d’architecture, de mode ou de voiture.
À partir des années 2000, son utilisation apparaît même dans des contextes où d’autres pays asiatiques sont évoqués, comme si le robot devenait l’emblème de tout un continent[36]. En une vingtaine d’années, une référence mémorielle (Goldorak) en a remplacé un autre (samouraï). Il n’y a pas eu de consécration du dessin animé japonais par rapport aux arts traditionnels (théâtre Nô, ukiyo-e, ikebana, etc.).
Néanmoins cette constante utilisation du terme et des autres clichés liés aux mangas dans les discours médiatiques expliquent en grande partie pourquoi Taro Aso (Ministre japonais des Affaires étrangères) a décidé d’utiliser la culture populaire pour promouvoir son pays[37]. Il prend acte d’un changement linguistique dans les pratiques médiatiques en Occident[38].
3.3. Représentation du dessin animé
Les réseaux de cooccurrences nous permettent de montrer les cadres d’interprétation du dessin animé et des jouets. Ces supports médiatiques tendent à être confondus avec leur public cible privilégié : les enfants. Par contamination, ils deviennent des arts mineurs.
Durant toutes les années 1980, l’enfant est perçu comme le spectateur privilégié de Goldorak dans la presse, le consommateur des jouets de cette licence. Mais dès la fin des années 1990, les articles mentionnent le fait que certains adultes continuent de regarder et de collectionner du Goldorak. La locution figée « grands enfants » figure généralement dans ces textes pour définir ce public, perçu comme une curiosité[39].
Même lorsque le jouet entre au musée, le public supposé reste infantile[40]. Par ailleurs, lorsque Le Monde présente la chaine J-One qui pratique le simulcast (diffusion quasi simultanée par rapport au Japon), le journaliste précise le public cible à travers la parole rapportée d’un responsable de la chaîne : « C’est un public transgénérationnel avec aussi bien des jeunes que des adultes nourris à Goldorak[41] ».
Dans Télé 7 jours, les termes « quadra » et « adultes » apparaissent dans les articles de presse concernant Goldorak après 2006. Mais lorsqu’on examine les cooccurrences des termes « dessins animés » ou « film d’animation », il est clair que le public-cible dans l’esprit des journalistes reste un enfant.
L’emprise du stéréotype est telle que les supports (dessins animés et jouets) sont confondus avec leur public supposé (les enfants). Ces schèmes collectifs sont d’autant plus importants dans la structuration de la pensée et la retranscription d’une réalité qu’ils sont difficiles à modifier.
Seule évolution concernant le public : les journalistes sont passés du populaire au pop. Depuis les années 1980, le terme « Goldorak » figure dans des textes de presse concernant la banlieue ou les rappeurs[42]. Après 2007, la série gagne en consécration dans des articles du type : « La pop culture cartonne[43] ». Il est même évoqué dans des articles sur les montres de luxe[44].
Auparavant, il apparaissait avec d’autres objets de consommation dans des œuvres d’art contemporain[45]. Bien sûr, il y a un décalage entre le moment où une communauté s’approprie Goldorak et les dessins animés japonais, et le moment où la presse grand public comme Le Monde le mentionne dans un article.
En fait, le changement de traitement de Goldorak dans la presse est à mettre en relation avec le traitement du mot manga qui, après 2007, prend des connotations positives. Cette modification est sans doute liée à la création de collection mangachez les deux plus gros éditeurs de France, Editis et Hachette[46].
Après 2007, le mot Goldorak est davantage employé dans la presse comme une référence culturelle en lien avec des personnalités qui n’ont plus de rapport avec la banlieue ou le rap comme Frédéric Beigbeder[47]. Si le dessin animé reste un divertissement pour enfant, Goldorak est passé de simple série japonaise à un signe de dissonance culturelle pratiquée par des catégories socioprofessionnelles les plus diplômées[48].
Mais, dans le cas de la presse, les dessins animés restent des divertissements infantiles ; seules quelques séries sont promues et consacrées car elles correspondent aux trajectoires de distinction d’une cohorte d’individus qui possède actuellement un pouvoir d’achat et un pouvoir symbolique.
Servant d’exemple dans la représentation de la jeunesse comme victime potentielle à préserver des nouveaux médias, utilisé comme synonyme du pays producteur de la série afin de souligner l’altérité de celui-ci, ou signe d’une forme de distinction dans des classes aux goûts hétéroclites, les occurrences du mot « Goldorak » permettent ainsi de montrer l’évolution des images de l’enfant, du Japon ou du dessin animé.
Dans les articles de presse, le terme « Goldorak » est devenu au fil des ans un poncif pour désigner les robots, la production de dessin animé japonais et tout élément originaire de l’Asie. Sa rapide diffusion est liée à un cadrage médiatique particulier reposant sur le pathos d’une scène imaginaire : le rapt d’enfant.
Par la suite, le stéréotype se fige et le mot prend une connotation péjorative avant de devenir plus neutre pour désigner les générations ayant vu la série à la télévision sur les chaînes hertziennes. Dans les deux cas, le cliché permet aux journalistes de convoquer un élément mémoriel fort pour s’assurer la connivence du public et communiquer une information, qu’elle soit correcte ou non.
Cette mise en scène de l’information reposant sur des clichés nous permet de voir en creux le réseau d’images régulant l’élaboration des cadrages médiatiques de la presse. Elle dévoile l’imaginaire sociodiscursif des groupes de journalistes et de leur lectorat, et montre de quelle façon s’élabore la pensée quand il faut expliquer un élément nouveau en faisant intervenir une idée préconçue.
Dans la presse, l’objet étranger Goldorak est ainsi intégré en tant que stéréotype pour penser la représentation de l’enfant, d’autres éléments venus d’Asie ou la culture. Si la presse ne permet pas à elle seule la consécration d’une œuvre, elle participe à l’élaboration de schèmes collectifs contribuant à son assimilation dans l’imaginaire social et son réemploi.
Cette étude des occurrences de Goldorak pourrait se prolonger par celles d’autres licences transnationales comme Dragon Ball, Star Wars, ou Harry Potter. Ce type d’analyse nous permettrait de voir comment chaque société s’approprie des objets globaux en construisant des récits médiatiques spécifiques et locaux.
Dans ces cas de transferts culturels de produits populaires, les réappropriations et resémantisations sont inévitables et témoignent notamment de l’émergence d’une culture non consacrée (et des réseaux médiatiques où elle se développe) en parallèle de la culture autorisée, apparaissant dans les médias reconnus. Il faut donc s’interroger sur les nouvelles formes de prescription médiatique pour mieux appréhender la circulation des produits culturels dans un monde globalisé.
[1] Arjun Appadurai, Après le colonialisme : les conséquences culturelles de la globalisation, Paris, Payot, 2001.
[2] Louis Valentin, « Goldorakett », Lui, mars 1979.
[3] Après la première diffusion en 1978 sur Antenne 2, la série revient en 1982 sur la même chaine avant de passer chez M6 durant l’été 1987 puis TF1 entre 1987 et 1989. En 1990, Goldorak est diffusé sur La Cinq avant de revenir sur TF1 en 1994. À partir de 1997, la diffusion se fait sur les chaines du satellite et du câble : TMC, RTL9, AB Cartoons. Elle est encore diffusée par la chaîne Mangas en 2016.
[4] Ruth Amossy, La présentation de soi : Ethos et identité verbale, Paris, PUF, 2010, p. 46.
[5] « La citizen band », Le Monde, 29 septembre 1980.
[6] « Le cyber-marivaudage cherche ses lettres de noblesse », Le Monde, 11 août 2000.
[7] Évoqué par Guy Lagorce dans « Goldorak, un robot né au Japon, est devenu le messie des enfants français », Paris Match, 19 janvier 1979, p. 34-36 ; et critique du film Goldorak dans Télérama, avril 1979.
[8] « Républicains, n’ayons plus peur ! », Le Monde, 4 septembre 1998.
[9] « Bernard Cazeneuve vu de l’intérieur », Le Monde, 25 décembre 2015.
[10] Pierre Bourdieu, Sur la télévision, Paris, Édition Raisons d’agir, 1996, p. 22.
[11] Paris Match, 19 janvier 1979, p. 34-36.
[12] Télérama, avril 1979.
[13] Ce scénario n’est pas neuf : il a été employé pour dénoncer l’attrait des bandes dessinées américaines qui « démoralisaient » la jeunesse et inciter la création d’autorité de censure comme le rappelle les travaux d’histoire culturelle de Thierry Crépin et Thierry Groensteen (éds), « On tue à chaque page ! » la loi de 1949 sur les publications destinées à la jeunesse, Paris, Éd. du temps; Angoulême, Musée de la bande dessinée, 1999. Mais dans le cas des années 1980, le discours est employé contre la télévision dans son ensemble, les dessins animés japonais n’étant qu’un exemple parmi d’autres. L’opposition entre le nouveau média d’information et de divertissement qu’est la télévision privée et la presse écrite (qui dénonce les effets soit disant pervers de celle-ci) sont à replacer dans un contexte économique de concurrence entre les médias traditionnels (de l’imprimé) et le nouveau média audiovisuel.
[14] Pascal Durand, « Lieu commun et communication », Médias et censure. Figures de l’orthodoxie, Liège, Édition de l’université de Liège, 2004, p. 83-108.
[15] Télérama, novembre 1980, p. 22-25.
[16] Célébré comme l’anti Goldorak, la « Bataille des planètes » n’est que le remontage réalisé par des Américains de la série japonaise Gatchaman. Et les héros ne battent pas l’ennemi avec des plaisanteries. Quant aux dessins animés français célébrés par Télérama (Il était une fois l’homme, Il était une fois l’espace, Ulysse 31), ils sont en réalité produits au Japon ; seules la préproduction et la postproduction sont françaises.
[17] « […] tandis que la mort était absente des épisodes du mythique ‘Goldorak’, elle est non seulement visible dans ‘DBZ’ mais toujours précédée d’une longue agonie (habits déchiquetés, yeux injectés de sang, corps égratignés) », extrait de « Le phénomène “DBZ” », Le Monde, 3 septembre 1995.
[18] Catherine Ghosn, « Stéréotype et information télévisuelle », Communication, vol. 21, n°2, 2002, mis en ligne le 6 novembre 2015, consulté le 3 février 2016, http://communication.revues.org/5568.
[19] Voir Patrick Charaudeau, Le discours d’information médiatique. La construction du miroir social, Paris, Nathan-INA, 1997.
[20] « www.mygale.org/~affgold/#expose », Le Monde, 20 novembre 1998. L’adresse la plus récente du site est la suivante : http://www.autolargue.net.
[21] Il est remarquable que la même information sur le site de « l’affaire Goldorak » est reprise trois ans plus tard dans une chronique de Nulle Part Ailleurs sur Canal Plus (27 novembre 2000).
[22] Parmi les intervenants, on compte Stéphane Ferrand et Yvan West Lawrence, rédacteurs d’AnimeLand (Ancien fanzine devenu le premier magazine spécialisé dans l’animation et le manga en France). Voir « Manga, l’internationale des fans », Le Monde, 13 juin 2001 et « Goldorak, héraut du manga », Le Monde, 8 août 2013.
[23] « Manga, l’internationale des fans », Le Monde, 13 juin 2001.
[24] « Succès retentissant pour les soirées “Gloubiboulga” dédiées aux 25-35 ans nostalgiques de leur enfance », Le Monde, 2 juin 2002.
[25] « La bacchanale de la génération Goldorak », Le Monde, 10 mars 2001.
[26] « Pour ceux de sa génération, qui ont grandi avec la même culture, en ‘regardant Goldorak’ ou ‘en ayant pour premiers micros des ZX80, des MO5, des CPC 6128’ et aussi pour les autres », dans « Philippe Dubois, la mémoire de la micro-informatique », Le Monde, 13 novembre 2002.
[27] Pascal Durand, « Lieu commun et communication », Médias et censure. Figures de l’orthodoxie, Liège, Édition de l’université de Liège, 2004, p. 83-108.
[28] « Qui a peur de la télé ? », Le Monde, 12 avril 1987.
[29] Le livre de Liliane Lurçat, À cinq ans, seul avec Goldorak : le jeune enfant et la télévision, est régulièrement évoqué dans ce type de contexte. Le scénario est simple : l’enfant victime de la télévision et des mauvais programmes est aidé par des psychologues présentés comme des héros se dressant devant la machine économique. Puis, dans un second temps, d’autres experts interviennent pour dédouaner la télévision. Voir Liliane Lurçat, À cinq ans, seul avec Goldorak : le jeune enfant et la télévision, Paris, Editions Syros, 1981.
[30] « Surgit Goldorak, image éclatante de la manipulation consommatrice qu’on leur destine, image froide, ventre métallique, sans chaleur ni tendresse, sans accueil ni poésie », dans « Le père Noël et Goldorak », Le Monde, 17 décembre 1979.
« En clair, plus question pour les petits Suédois de jouer avec des Goldorak, Daltanius et autres Dark Vador équipés de leur sabre ou de leur pistolet au laser, vaillants guerriers issus d’une quelconque bataille de l’espace, pas plus que de vouloir reconstituer la maquette en plastique », dans « Graines de violence ? », Le Monde, 3 décembre 1981.
[31] « Le conflit a éclaté dans la matinée lorsque les techniciens ont découvert sur le programme de l’émission qu’un spot publicitaire était prévu entre le dessin animé Goldorak et une émission en plateau », dans « Conflit autour d’un spot publicitaire », Le Monde, 5 mars 1982.
[32] Voir Alan Prout, The Future of Childhood, London, Routledge, 2004.
[33] « L’arme absolue de la Bataille des planètes : l’humour ! », Télé 7 jours, septembre 1979, p. 112-113.
[34] Le champ sémantique de la guerre disparaît des textes où figure le terme « Goldorak » dans les années 1990 mais le stéréotype reste présent et se perçoit notamment dans le titre d’un article de 2002 : « Goldorak mon amour[34] », décalque du film Hiroshima, mon amour. Voir Télérama, août 2002.
[35] C’est le cas de la légende suivante : légende : « M. Chiaki Imada, patron de la Tôei Films : pour mieux exporter, il invente des personnages de type européen », dans Guy Lagorce, « Goldorak, un robot né au Japon, est devenu le messie des enfants français », Paris Match, 19 janvier 1979, p. 34-36. Or Goldorak n’a pas été créé pour l’exportation comme le montre les difficultés rencontrées pour établir un contrat d’exploitation en France. Voir Bruno René Huchez, Il était une fois Goldorak : les aventures d’un français à la conquête des mangas, autoédité, 2015 ; Rui Pascoal, « Jaques Canestrier, le distributeur de Goldorak », AnimeLand, novembre 2003. En outre, le style graphique simplifiant les traits permet aux spectateurs occidentaux de s’identifier aux personnages car ils les perçoivent comme similaires, alors que, dans le même temps, le public oriental les voit comme asiatiques. Voir Amy Shirong Lu, « What Race Do They Represent and Does Mine Have Anything to Do with It? Perceived Racial Categories of Anime Characters », Animation: An Interdisciplinary Journal, vol. 4, n°2, 2009, p. 169-190.
[36] Ainsi, dans un article sportif sur la Coupe du Monde de football, deux pays antagonistes, Corée du Sud et Japon, sont réunis par le biais de leur représentant. Une même utilisation stéréotypée s’observe pour le mot manga qui finit par apparaître à chaque fois qu’un journaliste évoque l’Asie, sans aucune considération pour les tensions politiques de cette zone.
[37] Déclaration de 2006 disponible ici : http://www.mofa.go.jp/announce/fm/aso/speech0604-2.html.
[38] Auprès des intellectuels occidentaux, l’importance de l’exportation des produits de la culture populaire japonaise a notamment été mise en valeur par l’article de Douglas McGray, « Japan’s gross national cool », Foreign policy, 2002, p. 44-54.
[39] « Le jouet, caprice d’adulte », Le Monde, 16 décembre 2003.
[40] « Le Grand Palais sort le jouet des greniers de l’Histoire », Le Monde, 14 septembre 2011.
[41] « Le Japon sans décalage horaire », Le Monde, 2 juillet 2014.
[42] « Une banlieue dans sa réalité », Le Monde, 23 juin 1980 ; « Des immeubles “en éventail” à la Défense », Le Monde, 30 janvier 1981 ; « IAM, groupe vedette du hip hop français et galaxie en expansion », Le Monde, 25 novembre 1997 ; « À Aulnay-sous-Bois : “Ça fout la haine aux jeunes…” », Le Monde, 16 juin 2002 ; « Sarcelles – New York en classe business », Le Monde, 26 novembre 2003 ; « Les cris du ghetto », Le Monde, 10 novembre 2005.
[43] « La pop culture cartonne », Le Monde, 13 mai 2014.
[44] « Montres de luxe Mécanique high-tech », Le Monde, 21 novembre 2013 ; « Contes à rebours », Le Monde, 25 février 2012.
[45] « Les arts modestes en majesté », Le Monde, 10 décembre 2000 ; « Le cercle des peintres disparus », Le Monde, 24 mars 2007.
[46] Ce dernier appartenant à un groupe comprenant plusieurs organes de presse : Paris Match, Télé 7 jours, Europe 1, RFM, etc.
[47] « Pedro Winter, le parrain de la French Touch », Le Monde, 21 décembre 2007 ; « De Caterpillar à Hollywood, le riche parcours du designer de jeux Ru Weerasuriya, Le Monde, 20 février 2015 ; « Au Caca’s club, la fête était un mode de vie », Le Monde, 11 décembre 2015.
[48] Bernard Lahire, La culture des individus: dissonances culturelles et distinction de soi, Paris, La découverte, 2016.
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