Grand lecteur de shôjo manga dans sa jeunesse, Haruhiko Mikimoto est pourtant surtout connu pour des séries d’anime destinés à un public masculin amateur de robot géant ou de science fiction : Macross, Gundam, Gunbuster, Megazone, etc. Mais c’est pour la délicatesse de ses personnages féminins qu’il est apprécié.
Si vous avez découvert le dessin animé dans les années 1980 sur la Cinq, vous avez sans doute connu Robotech, space opera mettant en scène un conflit contre des aliens, des amours avec une chanteuse et des vaisseaux spatiaux transformables.
Il s’agissait de la fusion de trois séries japonaises par une société américaine. Malgré les altérations, Macross, la série japonaise originale, s’impose comme une œuvre phare dans l’histoire de la japanimation aux USA et en France. C’est aussi par le biais de cette série que le public occidental découvre le talent de Haruhiko Mikimoto.
Du manga au character design
Comme tous les adolescents de sa génération, Haruhiko Mikimoto (Haruhiko Satô de son vrai nom) dessinait des mangas durant ses études car c’était bien plus excitant et que ses parents désapprouvaient ce loisir.
À l’époque, il n’y avait pas d’école pour apprendre à faire de la bande dessinée et vouloir en faire son métier était mal considéré. Les mangaka n’avaient pas de légitimité sociale.
Mikimoto a donc été assistant dans un studio de manga et il y aidait d’autres jeunes dessinateurs. C’était une façon comme une autre d’entrer dans le milieu professionnel et surtout apprendre à dessiner. Parmi ses premières BD on peut citer Pepper Mint Love Magic (ne serait-ce que pour son titre !).
Mais c’est l’animation qui va le rendre célèbre. Il faut dire qu’il a eu la chance de croiser Shoji Kawamori (Escaflowne, Macross) durant ses cours de technologie à l’Université Keio. C’est grâce à lui que Mikimoto débute sa carrière débute chez Artland, où il participe notamment à Lupin III (Edgar, Détective cambrioleur) et Tetsuwan Atom (Astro le Petit robot).
Avec la diffusion de Yamato et de Gundam, Haruhiko Mikimoto s’intéresse de plus près à la science-fiction. C’est sans doute pour cela qu’il signe ses dessins : HAL. C’est un jeu de mot entre le nom du super-ordinateur de 2001 l’Odyssée de l’espace et la prononciation japonaise de la première syllabe de son nom (« HALuhiko »).
En tant que fan de SF, il participe à la création de Macross chez Studio NUE qui lui confie le character design de la série. C’est un immense succès et son nom est si lié à cette série culte qu’il se doit presque de faire acte de présence dans les multiples suites de Macross.
Seul un problème d’emploi du temps l’a empêché de réaliser le character design de Macross plus (confié à Masayuki). Après avoir créé l’inoubliable Lynn Mimnay, Haruhiko Mikimoto crée une autre idol célèbre : Eve Tokimatsuri de la série Megazone 23 ; le character design des autres personnages étant confié à Toshihiro Hirano (Iczer One, Dangaio).
Mikimoto travaille également en free-lance sur des anime comme Top o nerae Gunbuster (série d’OAV du studio Gainax), Gundam 0080 : war in a pocket, Orguss, etc.
Retour au manga SF
En plus de ses character design, Haruhiko Mikimoto s’occupe également d’illustrations et notamment de romans d’heroic fantasy paraissant dans Dragon Magazine. Il s’est récemment occupé d’illustrations pour Les Chroniques de la guerre de Lodoss. Plus curieux, il a même réalisé des illustrations pour le jeu vidéo Zelda dans le magazine New Type afin de rendre les captures d’écran un peu plus sympathiques. Il a participé à divers jeux vidéo dont, bien sûr, les jeux issus de l’univers de Macross.
En dehors de son travail de character designer (surtout dans les années 1980-1990) et de ses nombreuses illustrations, Mikimoto fait essentiellement du manga. Son œuvre la plus personnelle avait été prépubliée dans New Type : Marionette Generations (1989-1998).
Malheureusement de même que certains acteurs sont cantonnés dans certains rôles par les producteurs, Mikimoto est presque condamné à faire de la SF toute sa vie durant.
Il s’est occupé du manga Macross Seven Trash (1994-2001) avant de revenir au premier Macross sous forme de bande dessinée : The Super Dimension Fortress Macross : The First (2009 – en cours). Il a également commencé une série de manga dans l’univers de Gundam : Mobile Suit Gundam, École du ciel (2002 – en cours).
Influences graphiques
Comme bien des artistes japonais, Mikimoto se montre très humble. Il estime mal faire son métier car il est très lent à se mettre au travail et rend souvent ses dessins en retard. Un peu paresseux mais perfectionniste, il n’aime guère être pressé par le temps et risquer de gâcher un dessin en se dépêchant.
De tout façon il est rarement content de ses travaux. C’est sans doute pourquoi il préfère proposer des projets de character design plutôt que de s’en charger véritablement.
Ainsi pour Macross 7, il est le créateur original des personnages tandis que Kenichiro Katsure se charge du character design en se basant sur les croquis et les indications de Mikimoto.
L’avantage du métier de character designer, selon lui, est de disposer librement de son temps (il se lève généralement à 14 heures pour finir de travailler à 22) et de travailler en équipe.
Le character designer doit en effet matérialiser en images les idées des scénaristes et autres personnes intervenant dans l’élaboration d’un anime.
Enfin, Mikimoto explique en plaisantant que son tempérament capricieux et nerveux et probablement dû à son signe zodiacal, la vierge…
À ses débuts, Mikimoto était très influencé par Yoshikazu Yasuhiko, character designer de Gundam et Venus Wars. À l’université, il faisait partie d’un club de fans de Gundam et s’occupait d’un fanzine : Gunsight.
A ses débuts, il lui emprunte sa technique d’aquarelle et sa palette de couleurs. Devenu un professionnel reconnu, il fut évidemment ravi de participer à un volet de la saga Gundam.
Parmi les grands influences SF de Mikimoto il faudrait aussi citer la série Uchu Senka Yamato de Leiji Matsumoto (Albator), dont l’intrigue et l’idée du vaisseau géant a pu servir de base à la création de Macross.
Mikimoto est également très fan de l’œuvre de Nagano (Five Star Stories, Fool of the City), bien que d’un point de vue graphique Mikimoto et Nagano soient très lointains.
Mikimoto est aussi un grand fan de Mitsuru Adachi et du célèbre manga Touch, bien que les univers de Mikimoto et d’Adachi semblent avoir peu de rapport. Dans Hi Atari Riyoko, Adachi nomme un des personnages Mikimoto. C’est un playboy vaniteux qui a peur des chats.
Mais a priori il y a peu de correspondance entre le character designer et le personnage de manga. Mikimoto et Adachi ont déjà eu l’occasion de se rencontrer lors d’une interview pour le magazine japonais Animage.
Et devinez de quoi parlent deux dessinateurs de talent. De dessin, de technique d’aquarelle ? Non, de filles… Sacrés eux. En outre dans ses dessins les plus personnels, Mikimoto dessine de jeunes filles en fleur à la manière d’Adachi. Il faut dire qu’ils ont à peu près le même idéal féminin.
Évolution du style
A ses débuts Mikimoto faisait des visages assez allongés. Au fur et à mesure les visages deviennent de plus en plus rond, les yeux de plus en plus grands et surchargés de cils et les nez de plus en plus petits pour donner aux visages un aspect néoténique.
Curieusement les sourcils sont très épais même chez les filles. Les commissures des lèvres sont souvent très accentuées par une ombre ou un point. Il utilise des pleins et délié. Souvent, le délié est tellement mince que le trait disparait.
La plupart de ses illustrations sont effectuées à l’aquarelle. Sa technique s’inspire des lavis chinois et de Yasuhiko. Il rehausse souvent ses aquarelles avec du crayon de couleur et de la peinture blanche pour dessiner les reflets ou des effets de brillance (genre brosse à dents).
Le fond de ses aquarelles est souvent flou avec des effets de matière et des dégradés obtenus par dilution. Les personnages semblent souvent se fondre dans ce fond.
Une fois l’aquarelle terminée, Mikimoto scanne souvent les images pour ensuite les retravailler sur ordinateur ajoutant d’autres effets de flou. Il emploie également des logiciels pour ses mangas, notamment pour insérer les personnages dessinés à la main aux cases et aux décors.
Mikimoto mangaka
Si Mikimoto est un bon dessinateur il lui manque le petit quelque chose pour être un bon scénariste. Ainsi Macross Seven Trash laisse une impression générale de vide au niveau de l’histoire.
Au niveau des personnages on retrouve la traditionnelle tête brûlée, attifé d’une midinette et d’une militaire. Hum, ça vous rappelle pas, le triangle amoureux de Macross ?
A part ce défaut majeur, la BD est admirablement bien dessinée, agréable à regarder et très lisible. On pourrait presque dire que ce manga ne gagne rien à la traduction (si ce n’est la déception du scénario).
Marionnette Generation se présente comme un manga beaucoup plus personnel voire même autobiographique. Le personnage principal n’est autre qu’un dessinateur de talent auquel Mikimoto attribue certains de ses dessins.
Un jour une petite poupée vient déranger sa vie tranquille. Il faut dire que cette poupée est vivante. Le ton général du manga est assez proche des shôjo et la mise en page s’en rapproche également par ses cases aériennes.
Au fil du manga, les planches deviennent moins « brouillon » et plus aérées. L’utilisation des trames est mieux maitrisée.
Avec ses deux séries de manga issus des univers de Macross et Gundam, Mikimoto reste le dessinateur qui aura sans doute le plus dessiné dans la SF japonaise même s’il semble en réalité préférer le shôjo manga et la psychologie aux robots.
Ne serait-ce que pour la création de Minmay, il restera sans doute dans l’histoire comme l’un des plus grands illustrateurs japonais.
Et si vous avez lu jusqu’ici et apprécié l’article, offrez-moi un café 🙂