Vous souvenez-vous de Superloustic ? C’était une radio destinée aux enfants et l’un des premiers médias français à diffuser des génériques de dessins animés japonais en… japonais ! C’est aussi l’un des premiers point de ralliement pour les fans d’anime à une époque où internet n’existait pas et où le Minitel était un summum de technologie. Retour vers l’histoire du manga en France et le passé de la radio avec Olivier Fallaix.
PEUX-TU NOUS RACONTER COMMENT TU AS COMMENCÉ À LA RADIO ?
De manière très simple et très humble j’ai commencé en 1988. Originaire de Lyon, j’ai découvert fin 1987 la radio Superloustic totalement par hasard en tournant le bouton. La chaîne destinée à un public d’enfants diffusait alors beaucoup de génériques de dessins animés. J’étais fan de dessins animés et de radio.
Mais j’avais un peu levé le pied sur tout cela car j’avais 19 ans et comme beaucoup de gens à cette époque je pensais que continuer de regarder des dessins animés japonais à mon âge ne se faisait pas.
J’avais un peu honte et je pensais que c’était pour les enfants, que ce n’était plus de mon âge. Du coup, je me suis forcé à ne plus les regarder. En fait, j’ai continué à regarder certaines séries que je suivais déjà mais je n’ai pas regardé les séries de la Cinq par exemple.
J’ai trouvé radio Loustic fascinant car cela réunissait mes deux centres d’intérêt. À l’époque j’étais très timide et jamais je ne me serais permis de frapper à la porte d’une radio pour y faire quelque chose. De plus j’étais surtout intéressé par le côté technique et non par le fait de parler dans un micro.
À force d’écouter la chaîne je me suis rendu compte qu’il leur manquait des choses que j’estime essentiel comme le générique des Mystérieuses Cités d’Or. Je trouvais que c’était assez étonnant pour une radio qui ne diffuse que des génériques à longueur de journée.
Au bout de quelques mois, je suis quand même allé frapper à leur porte. C’était une toute petite radio privée FM locale et sans grand moyen. Ils étaient très contents de voir arriver une personne désirant travailler de manière bénévole ! J’ai alors commencé en faisant du standard les week-end.
Durant l’été, il y avait très peu d’émission et ils passaient en boucle des bandes enregistrées qui duraient 1h30. Je trouvais dommage que pendant les vacances on entende toujours la même chose et j’ai proposé d’enchaîner des disques pour avoir une programmation différente.
À la rentrée suivante, en septembre 1988, plein d’animateurs de Superloustic étaient partis car la radio employait souvent des étudiants en école de journalisme.
Ils avaient besoin de gens et comme le directeur de l’antenne a vu que je m’y connaissais un peu en génériques de dessins animés, il m’a proposé de faire une émission là-dessus.
On a fait un essai de voix en 2 secondes. Il m’a dit que ma voix passait bien et voilà ! J’ai commencé plus officiellement en septembre 1988.
COMMENT FAISAIS-TU POUR ALIMENTER L’ÉMISSION ?
Je parlais de génériques de dessins animés plus que de dessins animés. Je n’avais alors aucun contact professionel, je me servais du Télé 7 Jours pour alimenter mon émission…
Il faut rappeler qu’à cette époque il n’y avait aucun magazine spécialisé sur le sujet. Je ne savais même pas ce que c’était qu’un manga ! Les premières pépites qu’on a pu obtenir sont liées au déplacement du directeur d’antenne au MIP à Cannes.
Il y avait rencontré Nippon Animation et il nous avait envoyé trois 33 tours dont la bande originale des 4 filles du Docteur March. C’est comme cela que j’ai découvert les premiers génériques japonais, le fait qu’ils n’étaient pas les mêmes qu’en France, etc. J’ai passé tout cela à l’antenne pour partager ces découvertes.
COMMENT S’EST PRODUIT LE PASSAGE DU TRAVAIL AMATEUR À CELUI DE TRAVAIL À PLEIN TEMPS ?
À l’époque je faisais des études de DUT en Génie électrique et informatique industrielle et durant les week-end je m’occupais de plus en plus de la radio Superloustic.
Ça me plaisait beaucoup plus que ces études sur lesquelles j’étais arrivé car il fallait bien faire quelque chose après le bac… La fin de mes études a correspondu au moment où la radio a subi un grand changement car une antenne avait débuté à Paris et il était prévu que l’on fusionne tout cela pour établir un réseau national.
En été 1989, comme à la plupart des animateurs de Lyon, on a proposé de venir sur Paris pour démarrer le projet Superloustic. J’ai quitté ma Province à 20 ans et c’est là que Superloustic a pris de l’ampleur.
La chaîne était diffusée à Paris et Lyon, puis très rapidement nous avons eu une fréquence dans une vingtaine d’autres villes (dont Dijon, Gap…). À la fin je crois que nous étions diffusés sur une cinquantaine de villes en France.
Pour ma part, j’ai conservé cette émission sur les génériques de dessins animés mais en réalité lorsque je suis monté à Paris l’émission constituait un petit à côté. Je m’occupais en réalité surtout de faire des montages et du mixage.
Mon vrai boulot à la radio c’était de travailler dans le studio de production où l’on faisait les rubriques, les enregistrements. Mais comme j’aimais bien cette émission, le week-end j’avais ces quelques heures où je pouvais m’éclater.
QUE T’A APPORTÉ LA MONTÉE SUR PARIS ?
J’étais très timide et parler à la radio n’était pas une finalité moi ce qui me plaisait c’était d’être aux manettes il se trouve que l’émission marchait bien et donc on m’a demandé de la continuer et j’ai cherché à l’améliorer.
En venant à Paris, j’ai découvert qu’il y avait des boutiques qui vendaient des CD japonais, des mangas, des magazines en japonais. J’ai découvert des librairies japonaises comme Junku et Tokyodo. Et en allant dans ces boutiques, je suis tombé sur d’autres personnes ayant les mêmes centres d’intérêt.
C’est ainsi que fin 1989, j’ai fait la connaissance des personnes qui allaient ensuite fonder AnimeLand comme Yvan West Lawrence et Pascal Lafine.
Il y avait aussi des gens qui m’ont connu à la radio grâce à Superloustic et qui m’ont écrit. Ils sont ensuite devenu des amis notamment deux jeunes filles qui étaient d’origines italiennes et qui avaient des génériques de ce pays à me proposer.
C’est ainsi que j’ai pu passer des génériques italiens à la radio. Elles étaient aussi à la recherche d’informations et on a trouvé ensemble toutes ces adresses de librairies.
Parmi ces fans parisiens certains avaient eu la chance de voir des épisodes d’anime en VO comme les films de Miyazaki. Ce réalisateur était totalement inconnu à cette époque.
Mais nous avions des contacts japonais et nous avions pu récupérer des cassettes en VO dans une qualité assez médiocre car il s’agissait de copies de copies. On ne comprenait pas toujours tout mais c’était assez pour nous convaincre qu’il y avait autre chose que ce qu’on nous montrait à la télévision.
On a découvert que le dessin animé japonais ce n’était pas seulement des séries télévisées dont certaines étaient vieilles de plus de 10 ans mais qu’il y avait aussi une production de longs métrages inconnus en France et des productions de qualité.
PEUX-TU RAPPELER QUI ÉTAIT PASCAL LAFINE POUR CEUX QUI N’ONT PAS CONNU CETTE ÉPOQUE ?
Pascal Lafine et Yvan West Lawrence étaient des amis d’enfance qui s’intéressaient aux dessins animés japonais. Vivant sur Paris, ils avaient déjà découvert plus de choses que moi sur les dessins animés japonais.
Ils connaissaient des choses par le biais des magazines américains importés dans les boutiques de comics. Ces revues donnaient des informations sur certaines œuvres et certains auteurs japonais. Ce petit groupe avait déjà envie de défendre l’animation japonaise.
Avec d’autres, ils ont fondé AnimeLand, mais très vite, Pascal Lafine a été remarqué par AB Production et embauché pour faire la promotion des dessins animés et choisir des séries pour le Club Dorothée. Il a ainsi participé au Club Dorothée Magazine.
LE CONTEXTE DE L’ÉPOQUE N’ÉTAIT ALORS PAS FAVORABLE AUX DESSINS ANIMÉS.
À la fin des années 1980, on est dans l’âge d’or du Club Dorothée et de la Cinq, période charnière où les dessins animés sont très présents à l’écran et où ils sont très critiqués. Il y avait un véritable clivage entre le public d’enfants et d’adolescents qui regardaient ces émissions pour les dessins animés qui y étaient diffusés (Olive et Tom, Chevaliers du Zodiaque, etc.) et la génération des parents qui ne comprenait pas pourquoi cela nous intéressait.
Ils ne voyaient que le côté négatif, le fait que ce soit violent et peu adapté pour le public des enfants. C’était une époque où la télévision s’emballait un peu car c’était le début d’une large privatisation. Les émissions étaient fastueuses.
En quelques années, on est passé d’une télévision à trois chaînes gérées par l’Etat à une télévision libéralisée avec pas mal de paillettes. Dans cette atmosphère particulière que les chaîne ont diffusé beaucoup d’anime très vite et sans trop réfléchir aux conséquences ou au public cible.
Du moment que ça marche les décideurs étaient contents et ils en diffusaient toujours plus.
L’animation japonaise est très critiquée mais il y a des gens qui ont grandi avec ces dessins animés, la fameuse « génération Goldorak ».
Ils ont conscience que, même si l’animation n’est pas très bien faite, il y a un travail de qualité derrière. Ils s’intéressent aux personnes qui ont créé ces séries et ils ont envie de donner un éclairage nouveau.
Mais c’était très difficile de se faire entendre car dès que l’on discutait avec des professionnels ou des journalistes ce discours ne passait pas du tout. On se souvient tous des articles de Télérama qui tirait à boulets rouges sur ces séries japonaises.
Aucun média professionnel n’est alors prêt à donner un autre éclairage que « c’est nul », « c’est mal fait », « c’est crétin », « c’est débile »…
À force de discuter entre nous, certains ont eu envie de se faire entendre. D’abord ils ont essayé en écrivant dans une revue qui s’appelait les Pieds dans le PAF gérée par une association de consommateurs qui défendaient le point de vue des téléspectateurs.
Mais finalement ça ne s’est pas fait car même s’ils avaient un éclairage différent sur la télévision, ils partageaient la vision que les média mainstream sur les dessins animés japonais. Ils ont refusé le dossier qui pouvait dire du bien des anime…
Et c’est comme cela qu’est né AnimeLand : tout le travail qui avait été réalisé pour le dossier a été repris pour la nouvelle association et les membres ont lancé leur propre fanzine pour publier les articles et défendre leur vision de l’animation japonaise.
QUELLE A ÉTÉ TON IMPLICATION DANS LA CRÉATION D’ANIMELAND ?
J’étais ami avec eux et j’ai suivi ce qui se passait mais je n’étais pas directement impliqué dans la création du fanzine car j’étais accaparé par mon travail et mon émission. Comme je passais beaucoup de génériques, Yvan a fait appel à moi pour faire des chroniques de CD dans la rubrique Lire, écouter, voir.
J’avais déjà une belle collection de CD japonais que j’avais achetés dans les librairies japonaises ou que j’avais eu par le biais d’un correspondant au Japon. Ma participation s’arrêtait là, mais j’ai signé des articles dès le premier numéro.
PEUX-TU NOUS PARLER DE TON CORRESPONDANT ?
J’ai eu la chance d’avoir un ami lyonnais qui a passé un peu plus d’un an au Japon dans le cadre de son entreprise. C’était royal car il a pu m’envoyer des CD japonais.
Il ne m’envoyait pas tellement de vidéos car à l’époque je ne pouvais pas les lire (NDA : les magnétoscopes n’étaient pas compatibles au niveau des formats vidéo).
Accessoirement, ce qui m’intéressait pour l’émission c’était surtout la musique. Bon, OK, il m’envoyait aussi des posters. J’avoue que j’ai pu décorer mon appartement avec ceux-ci.
Avoir un correspondant au Japon était une grande chance car les prix étaient bien moins chers que ceux qui sont vendus en import en France.
On pouvait communiquer par Fax ce qui était un moyen de communication rapide et simple à l’époque. Nous étions tous les deux dans des entreprises et je pouvais lui envoyer mes commandes de CD et c’est comme ça que j’ai commencé à démarrer ma collection.
QUELS ÉTAIENT TES LIENS AVEC LES CHAÎNES TÉLÉVISÉES ?
J’ai commencé à développer des contacts professionnels par le biais de mon émission radio sur Superloustic. J’ai pu contacter les chaines pour avoir les programmes en avance. Je les recevais 3 semaines à l’avance.
J’avais aussi des communiqués de presse et j’étais invité à des conférences de presse pour les émissions jeunesse. Chaque chaîne imprimait un gros cahier avec la liste des épisodes de toutes leur séries et de tous leur programmes.
Quand c’était une nouveauté il y avait un focus dessus. Tout passait par le biais de documents imprimés envoyés par la poste toutes les semaines.
Ça devait coûter un fric fou de faire ça mais c’était le seul moyen de communiquer à l’époque. C’est ce qu’ils envoyaient aussi aux magazines télévisés qui recopiaient ça pour reconstituer leur numéro.
Alors il ne faut pas se faire d’illusion, il n’y avait pas beaucoup d’info sur les séries japonaises car ce n’était pas ce qu’ils mettaient en avant. De temps en temps, j’avais quand même un pitch sur une série et je pouvais l’annoncer en avance ce qui à l’époque était exceptionnel.
Je ne pouvais pas recouper les informations et en dire plus que ce qui était dit dans le communiqué de presse mais c’était un début et j’ai pu agrémenter l’émission d’info un peu plus exclusives qu’en épluchant un simple magazine TV.
J’ai également eu des contacts qui m’ont permis d’aller plus loin. Par exemple, fin 1989, j’ai pu assister au doublage d’une série japonaise Touch (Théo ou la Batte de la victoire) et j’ai réalisé des interviews des comédiens de doublage.
Pour la petite histoire, cette série est restée dans les placards pendant plus de deux ans et j’avais ces interviews en stock et j’ai failli ne pas pouvoir les passer à l’antenne.
EN QUOI CONSISTAIENT LES CONFÉRENCES DE PRESSE ALORS ?
La plupart des conférences de presse jeunesse étaient destinées à promouvoir des séries françaises et je me suis très vite rendu compte qu’ils ne parlaient jamais des séries japonaises.
Dans ce genre d’événement c’est moi qui allais voir les gens seul à seul pour avoir des renseignements. C’est comme cela que j’ai pu rencontrer Xavier Couture qui était devenu le directeur des programmes jeunesse de la Cinq au moment où Jean-Paul Goude avait refait tout l’habillage.
Il m’avait pris à part et m’a invité dans son bureau où il m’avait demandé conseil sur le catalogue des séries qu’ils avaient.
TE CONSIDÉRAIS-TU COMME UN JOURNALISTE À L’ÉPOQUE ?
À l’époque j’étais surtout technicien et je ne me considérais pas comme journaliste. Je faisais des trucs sur les dessins animés et les infos que j’avais étaient assez limitées.
Difficile de trouver matière à remplir l’antenne chaque semaine durant 1h ou 1h30. Les seuls scoops que je pouvais décrocher étaient de faire découvrir des génériques de dessins animés en japonais. Néanmoins, c’est ce qui a plu.
Montrer que derrière Nicky Larson il y avait les superbes chansons de City Hunter, c’est ce qui a marché dans l’émission. De là à me comparer à un journaliste, non, je n’y pensais même pas.
JE ME SOUVIENS QU’IL Y AVAIT AUSSI UNE PARTIE AVEC DES DÉDICACES.
En fait, les dédicaces constituaient une deuxième émission. Il y avait d’abord La Grande Parade des TV Toons qui était la grande émission qui se composait de news, de réponses aux questions et d’informations quand il y en avait.
Ensuite, il y avait une partie hit parade avec les génériques mais rapidement c’est devenu le hit parade des dessins animés. Ça c’était du remplissage car on repassait les génériques des dessins animés du classement et ça remplissait la moitié de l’émission juste pour faire voter les gens et donner le résultat de la semaine.
Par la suite on a prolongé avec l’émission des disques à la demande qui le week-end après mon émission était réservée aux génériques de dessins animés.
PARALLÈLEMENT TU AS CONTINUÉ À TRAVAILLER POUR ANIMELAND ?
Oui, peu à peu, j’ai commencé à faire quelques articles ponctuellement pour AnimeLand. Par exemple, j’ai eu la possibilité de rencontrer Albert Barillet pour la radio. Par la suite j’en ai fait une version papier de cette interview pour le fanzine.
Ça faisait partie des choses qui intéressaient beaucoup AnimeLand car au début l’équipe n’avait pas du tout accès à ces informations professionnelles. À cette époque-là on n’invitait que des journalistes reconnus ou travaillant pour des média « professionnels » (presse écrite ou radio).
Le fait que j’anime une émission de radio sur Superloustic m’a permis d’accéder à ce genre d’événement alors qu’AnimeLand avait beau frapper à des portes ils n’aboutissaient à rien.
C’est aussi pour cela que j’ai un peu gardé mes distances avec le fanzine aux débuts car le côté amateur pouvait plus me desservir plus que me servir.
Il était plus simple de profiter de mes contacts par le biais de la radio pour en faire profiter AnimeLand que de dire que je voulais faire quelque chose pour un fanzine. C’était très cloisonné.
Pascal Lafine, qui faisait partie des fondateurs d’AnimeLand et qui était lui aussi dans ce milieu professionnel, a pu donner des informations ou même des bruits de couloir sur les séries qui pouvaient arriver.
Par nos contacts nous arrivions donc à donner des informations sous la forme de news ou d’interviews que l’on republiait sous forme papier. AnimeLand a attendu assez longtemps avant d’être reconnu comme un magazine comme les autres.
COMMENT S’EST FINI L’AVENTURE SUPER LOUSTIC ?
Super Loustic a duré jusqu’à l’été 1992. Avec le recul je me rends compte que c’était une aventure très courte. On peut considérer que ça a vraiment commencé en septembre 1989 avec le lancement sur Paris et Lyon.
Ça s’est arrêté officiellement en septembre 1992 seulement 3 ans après. Ce n’est rien mais en même temps ça s’est développé tellement vite et on a fait tellement de choses pendant ces trois ans.
Passer à l’antenne des génériques de dessins animés en japonais alors que personne n’avait jamais entendu ce genre de chansons, c’était quelque chose d’impossible ailleurs ! Très peu de gens savaient que l’on pouvait acheter des CD. Ils n’imaginaient même pas que ces choses pouvaient exister !
Ça a fait prendre conscience à des tas de gens qui auparavant pensaient comme moi qu’ils étaient seuls à aimer regarder des dessins animés japonais qu’ils n’étaient pas tous seuls et c’est pourquoi on parle encore aujourd’hui de cette expérience. Il faut rappeler qu’Internet n’existait pas !
COMMENT FAISAIS-TU POUR CHOISIR LES GÉNÉRIQUES VU QUE TU NE PARLAIS PAS JAPONAIS ?
Non, je ne parlais pas japonais, mais on avait dans notre entourage des gens qui commençaient à avoir des balbutiements de japonais, qui s’y étaient mis pour traduire des trucs.
Parmi ceux-ci beaucoup sont aujourd’hui des traducteurs ou des gens qui parlent parfaitement la langue. Il y avait aussi personnes comme Akihiro, ami japonais ayant grandi en France et qui nous a beaucoup aidé.
Quand on choisissait des CD sur un catalogue minuscule et en noir et blanc à la librairie Junku soit on identifiait le titre avec la petite photo disponible, soit des amis venaient nous aider pour orienter nos choix, soit on achète au pif. Et on a beaucoup acheté au pif !
ET PARFOIS LE HASARD FAIT BIEN LES CHOSES ?
Et parfois tu te retrouvais avec un CD entier de drama et à 50 ou 60 € le CD ! (Rires) Ça faisait mal. Quand je réécoute des émissions de l’époque je me rends compte que j’ai raconté des bêtises monumentales. Il faut être honnête !
J’ai dit notamment sur Ranma ½ que Shampoo était la petite amie du héros parce que l’on traduisait mal, qu’on ne comprenait pas tout ou que l’on me rapportait des infos traduites et déformées. C’est un peu le principe du téléphone arabe.
On faisait certainement beaucoup d’erreurs mais on parlait des anime avec passion et qu’on traitait tous ces sujets-là sérieusement. C’est à ça qui était le plus important.
Diffuser les génériques japonais montrait aussi la qualité de départ et le fait que ces séries n’étaient définitivement pas faites pour les enfants, qu’elles étaient pas si crétines qu’on voulait nous le faire croire.
Quand on produit une chanson qui est totalement dans les standards de ce qui se fait dans la variété internationale de l’époque, on se rend compte qu’on est pas du tout dans le même registre qu’un générique fait par AB Productions…
QUELLES ONT ÉTÉ LES RÉACTIONS DU PUBLIC AUX GÉNÉRIQUES DE CITY HUNTER ?
Je pense que les gens se disaient : « ah oui, j’avais bien raison de m’intéresser à ça » et ils prenaient conscience que la manière dont les séries sont diffusées en France est déformée. Ils ont commencé à comprendre que certains épisodes sont censurés, que les dialogues en VO ne sont certainement pas les mêmes, que les séries n’étaient pas bien considérées par les diffuseurs.
Tout cela permet de révéler le décalage entre le produit fini en français et le peu que l’on découvre sur la manière dont il est traité dans sa version originale.
Rien qu’à travers le générique, on perçoit que ce n’est pas traité de la même façon et ça donne encore plus envie de s’y intéresser, de faire des recherches à la source et ne pas juste se contenter des épisodes en français.
Ensuite lorsqu’on découvre que tout cela vient initialement d’une BD on se dit que si ça avait donné naissance à la série qu’on apprécie c’est sans doute encore plus intéressant de lire l’œuvre original. Ça a accru la curiosité des fans et pousser les éditeurs à s’y intéresser et à sortir les mangas en français.
La suite de l’interview ici !
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