Fondateur de Shiro Games avec Nicolas Canasse, Sébastien Vidal a travaillé pour Orange et NCsoft avant de redevenir indépendant.
POURQUOI NE PAS AVOIR RÉALISÉ D’AUTRES TYPES DE JEUX AU SEIN DE NCSOFT ?
Sébastien Vidal : NCsoft a une philosophie propre et c’est une très grosse structure de plus de quatre mille employés dirigée principalement depuis la Corée, qui est toujours le plus gros marché même si l’Europe et les USA deviennent également très importants. La stratégie reste de créer des blockbusters à vingt ou cinquante millions de dollars, voire plus. Ce sont des MMO très intéressants à jouer mais je n’étais plus en adéquation avec ce type de production. Je pense que l’on peut trouver beaucoup d’intérêt à un jeu sans que celui-ci nécessite des budgets aussi monstrueux et des équipes de production si importantes.
Je souhaitais faire quelque chose à taille humaine et j’ai été mis en relation avec Nicolas Canasse par un ami commun. À l’époque, je vivais en Angleterre et lui à Bordeaux. Nous nous sommes rencontrés et nous avons constaté que nous avions des compétences complémentaires. Il s’occupe de la direction technique et artistique tandis que je suis responsable du marketing, de la communication et du côté business.
QU’EST-CE QUI A MOTIVÉ LA CRÉATION D’UNE SAS PLUTÔT QUE D’UNE SCOP ?
Sébastien Vidal : En termes de prise de décision et de priorité ou de stratégie à adopter, les choses sont plus compliquées quand tout le monde a un mot à dire. Non pas qu’il faille rendre muets les gens mais lorsqu’une société grossit, les inconvénients de la SCOP au niveau de la gestion sont plus flagrants. C’est pour cela que nous sommes partis sur une structure plus classique. Mais cela ne veut pas dire que nous ne discutons pas du gameplay, de la direction artistique ou de la technique pour produire le jeu.
COMMENT VOUS FINANCEZ-VOUS ?
Sébastien Vidal : Nicolas et moi sommes les deux seuls investisseurs de la société, donc nous utilisons l’argent gagné chez Motion-Twin et NCsoft pour la financer. Avec Evoland qui sort en mars, nous espérons avoir nos premières rentrées d’argent en avril et si tout se passe bien, nous lancerons un projet Kickstarter et nous pourrons financer les prochains projets. Si cela ne se passe pas comme prévu, nous ne sommes pas contre l’idée d’aller chercher des financements ailleurs. Les deux autres employés sont salariés.
AVEC LE LANCEMENT DE NOUVELLES CONSOLES, ÊTES-VOUS TENTÉS PAR CE MARCHÉ ?
Sébastien Vidal : Sur le strict plan du business, c’est un marché intéressant ; mais en tant qu’indépendants, le développement coûte si cher que c’est moins intéressant que le PC. C’est aussi plus compliqué et nous avons moins de contrôle sur le jeu. Sur PC, nous savons ce que font et aiment ceux qui pratiquent nos jeux.
Du coup, il est presque possible de répondre en live avec un patch à leurs demandes : on peut enlever un objet qui crée un bogue ou ajouter des éléments que les joueurs réclament. Sur console, on doit forcément passer par les constructeurs à chaque fois que l’on veut faire une modification. En termes de facilité, le PC reste la plateforme la plus simple d’accès pour les développeurs indépendants. Je suis persuadé que de toute façon, les consoles auront à terme leur plateforme en ligne incontournable et qu’il n’y aura plus de jeux en boîte. Est-ce qu’alors ils vont ouvrir leur plateforme en ligne ? Je ne sais pas si ce sera le cas. Mais si oui, alors ce sera un environnement beaucoup plus attractif pour les petits développeurs.
QUE DIRIEZ-VOUS À CEUX QUI VEULENT SE LANCER DANS LE JEU VIDÉO ?
Sébastien Vidal : La période est propice pour se lancer en tant qu’indépendant. Autrefois, le système de distribution était coûteux et on devait passer par un éditeur qui prenait une partie des revenus. Aujourd’hui, avec les plateformes comme Steam, c’est plus simple et grâce aux réseaux sociaux et aux outils communautaires comme reddit et d’autres, il est aussi plus simple de faire du marketing viral à moindre coût. Il y a en outre le développement du financement participatif comme Kickstarter.
Toutes les activités de l’éditeur peuvent être remplacées par d’autres systèmes qui fonctionnent plutôt pas trop mal et cela permet aux indépendants de garder leur liberté créatrice. On se retrouve dans la même ambiance qu’au début des années quatre-vingt où les gens faisaient des jeux dans leur garage. Ensuite, le mieux est de se lancer et de concevoir un petit jeu amateur en marge de son travail ou de ses études. C’est plus efficace qu’un CV qui ne veut pas dire grand-chose.