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Masculin ou féminin, singulier ou pluriel : le manga, objet indigne en cours de consécration

Depuis son introduction en France, la bande dessinée japonaise est passée du statut d’objet indigne à celui d’oeuvre d’art dans certains cas. Retour sur le processus de consécration à travers l’utilisation des genres.

En japonais, les substantifs n’ont pas de genre. Néanmoins, lorsque les idéogrammes 漫画 apparaissent en alphabet romain sous la forme manga dans la langue française, c’est un terme féminin désignant une série de recueils d’estampes de Hokusai1.

Mais c’est au masculin que manga est popularisé auprès des fans et des spécialistes avant d’entrer dans les dictionnaires français pour désigner la bande dessinée japonaise2.

Le point commun entre l’estampe japonaise et la bande dessinée est que toutes deux ont reçu une consécration exogène avant de devenir des objets dignes d’intérêt au Japon.

manga Hokusai

Pour Hélène Bayou, « l’audace de l’école française fut de passer outre cette hiérarchisation académique des genres et des mouvements « picturaux »3.

En retour, les Japonais se sont intéressés à l’estampe qui jusqu’alors n’était considérée que comme un sous-produit par rapport aux peintures dont les genres et techniques sont hérités de la Chine.

Plus récemment, le gouvernement japonais cherche à promouvoir le manga et ses dérivés afin d’accroitre son rayonnement en Asie et en Occident alors qu’autrefois ces produits culturels étaient considérés comme moins représentatifs que les arts traditionnels4.

L’estampe et la bande dessinée n’ont pas changé mais leurs valeurs ont été profondément modifiées par des instances de consécration venues du monde occidental.

À travers l’analyse des discours journalistiques et éditoriaux5, nous nous proposons de montrer en quoi l’évolution du terme manga dans ses usages et ses connotations dévoile les nouveaux processus de valorisation d’une forme de bande dessinée étrangère dans le monde culturel français.

Après avoir bénéficié d’une grande visibilité médiatique et d’un succès commercial, le mot manga est devenu un frein à sa valorisation artistique ce qui entraîne la création de nouveaux termes aux connotations moins péjoratives.

De même que la reconnaissance de la bande dessinée reste incertaine6, celle du manga est inachevée car les instances garantes des mécanismes de consécration sont en crise.

1. Le manga : mauvaise presse et succès commercial

Lorsque le terme manga apparaît dans le Monde7, il est régulièrement traduit entre parenthèse par les termes bandes dessinées. Mais il devient très vite le mot vicaire pour désigner à la fois des dessins animés, des bandes dessinées et une certaine esthétique.

Cette confusion des médias s’explique en partie par le dispositif d’édition et de commercialisation des mangas au Japon.

Depuis les années 1960, les entreprises japonaises pratiquent ce qu’elles nomment le « media mix », méthode de marketing consistant à décliner une BD à succès en série télévisée, jeux vidéo et autres produits dérivés.

Cette technique permet de maximiser la visibilité des héros qui deviennent des prescripteurs de consommation.

Dans les médias français, l’omniprésence et la pluralité des sens du terme manga sont liées à son exotisme et à la chronologie de l’introduction de la bande dessinée japonaise auprès du grand public : le public ayant connu les adaptations en dessins animés avant de lire les œuvres originales, une confusion persiste entre les deux médias.

Ainsi dans la rubrique cinéma du Mondemanga désigne à la fois la version sur papier et la version audiovisuelle d’un récit.

Plus encore, les jeux vidéo étant souvent des adaptations ou adoptant une esthétique similaire, les journalistes du quotidien utilisent le syntagme « manga interactif »8 pour les désigner.

Même si Goldorak n’a pas été le premier anime9 japonais à la télévision française, il a été le premier à bénéficier d’une importante couverture médiatique en raison de ses effets néfastes supposés par rapport au public enfant.

Dans les années 1990, une même polémique concerne les dessins animés diffusés dans l’émission Club Dorothée sur TF1. Dans « Le phénomène « DBZ»10, paru en 1995, la série japonaise de Toriyama devient le nouvel étalon de la violence à l’écran.

article Le Monde Diplomatique

Paru dans Le Monde diplomatique un an plus tard, l’article de Pascal Lardellier « Ce que nous disent les mangas… » reprend la plupart des stéréotypes de l’époque concernant les mangas et les dessins animés comme « chevaux de Troie de cette culture japonaise qui déferle en force »11.

Comme le soulignait déjà Thierry Groensteen dans l’introduction de L’univers des mangas en 1991, les défauts présumés des dessins animés servent à critiquer les bandes dessinées et inversement. Les deux supports sont confondus dans une même réprobation12.

Cette confusion des médias dans les articles de presse est alimentée par les éditeurs et responsables marketing qui mélangent les supports et utilisent le terme manga pour désigner tout produit japonais. 

Manga Video est le nom de l’un des premiers éditeurs de VHS de dessins animés japonais (dont la plupart ne sont pas issus d’adaptation de manga)13

Logo Manga Video

Manga Player (1995-1999) était un magazine de prépublication fondé par une rédaction de presse vidéoludique14.

En 1995, la collection « Casterman Manga » comprend à la fois des œuvres dont les auteurs ont des origines japonaises, chinoises et coréennes, en couleurs ou en noir et blanc15.

Mangas est également une chaine payante anciennement nommée AB Cartoon.

La mauvaise réputation du manga est proportionnelle à son succès commercial, qui ne ferait que confirmer l’opposition entre produit de consommation et objet artistique.

Dans plusieurs articles du Monde présentant le marché de la bande dessinée au Japon, les journalistes multiplient les synonymes du mot phénomène dans les titres et dans le corps de texte16.

Avant de désigner le médium bande dessinée, manga est initialement le terme vicaire pour tous produits de la culture populaire venant d’Asie.

Paradoxalement, la mauvaise réputation des mangas dans la presse grand public devient leur principal argument de vente.

D’une part, l’emballement médiatique contre ces bandes dessinées permet d’accroitre leur visibilité auprès du public ; d’autre part, elle permet aux éditeurs de développer des discours marketing et des postures de spécialistes dans un secteur en pleine croissance.

En mars 1995, l’édito du magazine Kaméha commence par les phrases suivantes : « Ça sent la récup’ ! Tout le monde s’intéresse aux mangas ces temps-ci »17. Il s’ensuit l’énumération des émissions consacrées à la BD japonaise.

Cette manière de se présenter comme éditeur autorisé car étant le premier à avoir popularisé le manga est d’autant plus importante que d’autres éditeurs concurrents publient des séries japonaises18.

Plus encore, dans un autre édito, le rédacteur en chef oppose la presse généraliste aux fans, qui seraient plus légitimes pour parler de BD japonaise.

Alors que les mags généralistes se déchaînent et continuent de nous gaver avec leurs articles psycho-sociaux sur le manga (« Tintin a du sushi à se faire », pas mal coco ; « il y en a pour les (dé-) goûts. Soit un savant mélange de fantaisie, de sale et donc d’interdit », air connu) on vient d’apprendre une bonne nouvelle. Depuis le 18 septembre, Cyril Drevet, un vrai fan, propose la première émission quotidienne de télé sur le manga et les animés19.

Une même primauté est revendiquée par le fanzine AnimeLand qui devient professionnel en avril 1996 et prend alors pour slogan « premier magazine de l’animation et du manga », ce qui pousse la revue Kaméha à adopter par la suite un slogan de « premier manga mag ».

Parallèlement à la présentation des événements par la presse grand public, se développe ainsi une presse spécialisée et un secteur de l’édition reposant sur une niche de fans.

Les mêmes événements sont présentés de deux manières différentes pour des lecteurs-cibles divergeant. Les stigmates sociaux du manga dans la presse autorisée deviennent des signes de ralliement et d’élection dans la presse spécialisée.

Outre la presse et l’édition, le discours des fans (amateurs prosélytes) investit internet par le biais des blogs et sites personnels. Le discours fanique discriminant anime et manga s’oppose alors à celui de la presse grand public assimilant les deux.

La création d’un langage technique spécifique fait partie de la stratégie de distinction de cette communauté par rapport aux médias officiels.

Comme le souligne Eric Maigret, le manga devient pour cette frange du public une contre-culture dont la valeur réside dans l’opposition avec les instances autorisées.

Dans sa forme la plus articulée, l’esprit manga surgit comme l’habit neuf des contre-cultures adolescentes déjà observées depuis 40 ans, portées par des jeunes issus de milieux urbains, intermédiaires et supérieurs.20

L’enjeu de la catégorisation est particulièrement visible dans les choix de traduction littérale du mot manga. La mauvaise réputation est telle qu’elle affecte même l’œuvre d’Hokusai. Dans Le Monde, le terme apparaît ainsi en 1996 au masculin suivi par une définition littérale « images dérisoires »21.

Un an plus tard, un autre adjectif péjoratif est employé dans la traduction littérale « images irresponsables »22.

En 2008, une définition moins péjorative apparaît dans un article consacré à la création du musée international du manga à Kyoto : « man (exécuté de manière rapide et légère) et ga (dessin) »23.

Puis la traduction proposée en 2010 est « dessin divertissant »24 et « le dessin comme il vient »25 en 2012. La traduction littérale des deux idéogrammes dans Le Monde évolue ainsi selon la valeur accordée à cette forme de bande dessinée.

À partir de 2005, les discours dans les médias sont moins négatifs suite à la consécration du manga comme élément de soft power par les Japonais26, mais aussi en raison du poids économique de ce secteur.

Selon Gilles Ratier, 42,28% des nouveautés sont des bandes dessinées asiatiques et le nombre de mangas édités dépasse celui des autres types d’albums en 200527.

Les deux plus grandes sociétés d’édition (Editis et Hachette)28 entrent également sur ce marché concurrentiel et à partir de 2007, les mangas sont présents dans les critiques de bandes dessinées paraissant dans le supplément Le Monde des livres29.

Après 2007, le mot manga au masculin tend à perdre ses connotations péjoratives. D’autres termes de la même famille se retrouvent désormais dans la presse généraliste comme mangaka (« auteur de manga ») ou mangashi (« magazine de prépublication de bandes dessinées »).

Mais le plus étonnant reste l’emploi adjectival que l’on peut trouver dans certaines rubriques du Monde où il devient synonyme de « moderne » ou « japonais »30.

Le sens et les connotations du terme manga varient donc en fonction des dispositifs de mise en forme de l’information, la presse spécialisée et le discours des fans se constituant en opposition à la presse généraliste sans pour autant changer le cadre de réflexion ou les critères d’évaluation.

Terme péjoratif mais vendeur dans les années 1990, manga prend une connotation plus neutre à mesure que son poids économique dans le secteur du livre en France augmente.

L’entrée des grands groupes d’édition et de presse dans le marché du manga contribue également à modifier la perception du mot et ses diverses appropriations par les discours journalistiques.

2. Du manga aux mangas

Les productions destinées au jeune public étant souvent considérées comme infantiles – dans une assimilation des œuvres au public cible, les éditeurs français ont développé des collections pour séparer le lectorat adulte des enfants et adolescents.

Il s’agit d’une part d’une stratégie de reconnaissance symbolique, d’autre part d’une opération commerciale : en multipliant les marchés de niches ils augmentent les potentialités de vente.

La division en collections permet également d’éviter les amalgames qui ont eu cours lors de la diffusion des premiers dessins animés japonais entre violence et jeune public31.

Il n’y a plus du manga mais des mangas dans les discours paratextuels des éditeurs. La plupart des collections reprennent les termes japonais shônen (garçon), shôjo (filles), seinen (adulte), même si la répartition du public cible n’est pas toujours identique entre l’édition japonaise et l’édition française.

Certains éditeurs français emploient d’autres termes pour se distinguer comme « Big Kana » chez Kana (filiale de Dargaud) ou encore « Sakka » chez Casterman32.

Cet éditeur était d’ailleurs l’un des premiers à proposer des récits pour adultes en reprenant les titres parus dans le magazine Morning de la maison d’édition japonaise Kodansha.

Celle-ci avait fait appel à des auteurs de différents pays pour créer des mangas, dont des artistes français tels que Baru. Initialement paru en feuilleton entre 1991 et 1994, l’Autoroute du soleil sort en album relié en 1995 dans la collection « manga » de Casterman.

La stratégie de distinction de Kodansha, reprise par Casterman, fonctionne en France puisque cette bande dessinée remporte le prix du meilleur album au Festival International de la Bande Dessinée (FIBD) en 1996. C’est également le premier manga à faire l’objet d’une critique dans Le Monde. Il est qualifié de « roman en BD »33.

Par la suite, sur l’ensemble des critiques de manga paraissant dans le supplément Le Monde des livres, la majorité porte sur des seinen mangas34. En changeant les termes et en sélectionnant un public adulte, les auteurs et les éditeurs cherchent à se distinguer des concurrents et parviennent à obtenir une meilleure visibilité médiatique.

D’autre part, après avoir mélangé les bandes dessinées de divers pays sous le terme vendeur de manga, les éditeurs et la presse généraliste distinguent désormais les mangas (produits au Japon), des manhwa (venant de Corée) et les manhua (de Chine)35.

À ceux-ci s’ajoutent les manfra ou mangas français réalisés par de jeunes dessinateurs français reprennant le style graphique des œuvres japonaises36.

Certains éditeurs comme Pika et Les Humanoïdes les éditent en tentant de reproduire le système de double publication (magazine puis recueil) et le système de notoriété propre aux structures éditoriales japonaises.

D’autres mangas français, « global manga » ou « franco manga » sont mis en avant par les éditeurs, l’utilisation de ce syntagme étant lié à la fois au protectionnisme sous-jacent pour les biens culturels français et à la promotion de nouveaux auteurs37.

Enfin, les éditeurs élaborent également des collections où le patrimoine de la bande dessinée japonaise est censé être édité38.

En réalité, la volonté de constitution d’un répertoire d’œuvres patrimoniales s’estompe avec les ventes décevantes ou les droits d’auteurs trop élevés pour la rentabilisation en France.

Les éditeurs français ne font que reprendre les méthodes déjà employées au Japon depuis l’après-guerre pour distinguer les publics par la création de multiples catégories : story manga (ストーリー漫画) de Tezuka, gekiga (劇画) dans les années 1970.

Les termes ne manquent donc pas pour qualifier les différents types de bandes dessinées et produits liés. La multiplication de ces taxinomies par les auteurs et les éditeurs participe à la création d’un jargon spécifique donnant au secteur une visibilité et une hiérarchisation nécessaires à la création d’une respectabilité symbolique.

En dehors de cette stratégie de différenciation du public, les auteurs et les éditeurs revendiquent des origines anciennes, élaborent une généalogie des œuvres leur permettant de transférer le prestige de l’estampe et de la peinture à la bande dessinée39.

Dès les années 1990, le site de Glénat propose une page résumant l’histoire du manga en citant l’œuvre d’Hokusai40. La taille de celle-ci a été multipliée par cinq et elle est désormais intégrée à une rubrique « culture manga »41.

La consécration dérive d’une filiation avec une forme d’œuvre antérieure possédant une respectabilité intellectuelle. Bien sûr, en dehors du mot manga lui-même, le lien n’existe pas réellement42.

Néanmoins, l’artifice permet d’accroître la visibilité médiatique dans la presse grand public.

En outre, Frédérique Boilet, auteur français installé au Japon revendique explicitement l’ascendance de l’estampe en employant le mot manga au féminin.

Dans son manifeste de 2001, l’auteur oppose la bande dessinée d’auteur à la production de masse en s’appropriant à la fois une filiation picturale avec un art reconnu (l’estampe) et un média devenu consacré (cinéma).

En m’appuyant sur les racines historiques et sociologiques de l’emploi du mot manga au féminin, je pense qu’il est possible d’en changer la perception : au delà « du » manga, une BD japonaise essentiellement grand public pour ados, il y a « la » manga, une BD japonaise d’auteur, adulte et universelle, parlant des hommes et des femmes, de leur quotidien, une manga plus proche, par exemple, des films d’Ozu, de Doillon ou des romans de Yasushi Inoue, que des Chevaliers du Zodiaque ou de Luc Besson43.

À défaut d’avoir créé un mouvement similaire à la Nouvelle Vague au cinéma, Boilet a été le directeur de la collection Sakka chez Casterman entre 2004 et 2008. Plus étonnant, le manga a indirectement bénéficié du succès critique et commercial de l’artiste contemporain Takashi Murakami.

Ce n’est pas l’art revendiqué par les mangakas qui retient l’attention des journalistes mais la filiation avec la culture populaire et la consommation de masse revendiquée par un artiste appartenant à un secteur reconnu de l’art pictural.

Dans les articles du Monde, manga devient synonyme d’un style graphique japonais dans les articles consacrés à l’art contemporain, que ce soit pour qualifier l’œuvre de Pierre Huyghe ou celle de Murakami44. La référence à un objet consacré se retrouve chez d’autres éditeurs qui insistent sur le caractère traditionnel et pittoresque des mangas. La valorisation symbolique passe par la promotion d’une forme d’ouverture culturelle45.

Enfin le recours à des personnalités charismatiques ou reconnues permet de donner une plus grande respectabilité au médium. Cette forme de vedettariat des auteurs fonctionne d’autant mieux que l’écriture journalistique tend à privilégier ce type de références stéréotypées.

Après avoir été présenté comme le « Hergé japonais »46, Osamu Tezuka devient le maître auquel se référer. Les auteurs déjà primés à Angoulême comme Jiro Taniguchi47 ou Naoki Urasawa48 deviennent les garants de la qualité d’autres artistes présentés comme appartenant à une même filiation dans les articles consacrés à la bande dessinée49.

La notoriété de certains créateurs permet à la fois d’accroître les ventes et la présence des mangas dans la presse.

Jean-Paul Gabilliet insiste sur le fait que les aires culturelles et les mécanismes de consécration ne sont pas identiques. Si la bande dessinée a bénéficié en France d’une reconnaissance dans les années 1960 grâce à des intellectuels comme Edgar Morin, Alain Resnais, Evelyne Sullerot ou Pierre Couperie, aux États-Unis celle-ci passe par les adaptations cinématographiques50.

La bande dessinée japonaise en France suit une trajectoire similaire à celle des comics dans le sens où l’appropriation du terme manga est plus rapide chez les critiques de cinéma que dans les autres rubriques culturelles.

Le terme apparaît de manière régulière et plutôt neutre ou positive dans les articles consacrés aux films, que ce soit dans la section cinéma ou télévision.

L’adaptation de Crying Freeman par Christophe Gans est ainsi largement commentée dans les articles du Monde51, qui comportent les premières occurrences du mot manga dans le sens de bandes dessinées sans connotation péjorative.

Par la suite, si l’on examine les utilisations du terme dans les rubriques culturelles du quotidien, il est essentiellement employé dans les articles traitant de cinéma : 44% contre 8% dans les articles sur la bande dessinée. Bien sûr, il faut relativiser ces chiffres puisqu’il y a bien plus de critiques consacrées à des films qu’à des bandes dessinées.

Néanmoins la disproportion et la chronologie des apparitions du mot sont significatives : le manga a meilleure presse dans la rubrique cinéma52.

La puissance marketing de Disney (distribuant les films de Miyazaki) assure une bonne couverture médiatique à ces œuvres qui contribuent à donner une image positive aux mangas papier, les journalistes entretenant toujours la confusion entre les deux supports.

Par la suite, des adaptations de manga sont le fait d’acteurs de la scène culturelle française : l’œuvre de Taniguchi Quartier lointaindevient un film53 en 2010 puis une pièce de théâtre54 en 2011.

Multiplications des termes dans les discours éditoriaux, vedettariat des auteurs dans la presse, affiliation avec des arts plus reconnus (peinture, littérature ou cinéma) : ces différentes méthodes de création de valeur symbolique aboutissent à la consécration du manga lors du FIBD, à la mise en place de multiples expositions et à une présence accrue dans les médias généralistes.

Néanmoins, la nouvelle respectabilité du manga n’est pas le signe de son intégration symbolique dans le monde de la bande dessinée et ce d’autant moins que celui-ci ne bénéficie pas d’une réelle reconnaissance.

3. Une reconnaissante incertaine

La bande dessinée japonaise a d’abord été présentée dans les revues spécialisées comme Les Cahiers de la bande dessinée55 avant de faire l’objet de critique dans les magazines spécialisés issus de fanzine et la presse grand public.

Le premier livre francophone consacré aux mangas a été commandé par le CNBDI56 pour faire découvrir le manga en 1991, année où le Japon était le pays invité lors du festival d’Angoulême57.

Néanmoins les critiques de BD et le travail du CNBDI n’ont pas suffi à faire accepter le manga comme un objet autorisé, signe que ces acteurs du monde culturel n’étaient eux-mêmes pas suffisamment reconnus.

Les consécrations permettent normalement de donner une exposition ritualisée à des auteurs et des œuvres. Organisé à Angoulême depuis 1974, le salon international de la bande dessinée récompense des talents en attribuant des prix depuis cette année.

À l’image de l’Académie Goncourt qui sacre chaque année les romanciers à la rentrée, les prix donnés à la fin du mois de janvier permettent de hiérarchiser le secteur de la bande dessinée.

Mais le salon, devenu Festival en 1996, semble difficilement gérer l’ambivalence entre ses fonctions institutionnelles de promotion d’un patrimoine de la BD et le dispositif médiatique qui est au centre des stratégies commerciales des éditeurs.

L’organisation du Festival est au cœur des querelles entre éditeurs, politiques et auteurs.

Lewis Trondheim a notamment manifesté son désaccord avec les décisions du jury alors même qu’il a été consacré par le FIBD en 2006 et qu’il a créé l’identité visuelle de la manifestation culturelle.

Plusieurs articles du Monde se font l’écho de ces prises de positions notamment en 2013 lorsque le Néerlandais Willem (dessinant dans Libération) a été préféré aux mangakas Akira Toriyama58 et Katsuhiro Otomo59. Trondheim avait alors réagi sur les réseaux sociaux et sur le blog BD du Monde60.

Il rend notamment compte des préjugés dévalorisants et xénophobes de certains membres du jury : « Pendant les délibérations, certains se mettent à hurler que jamais ils ne voteront pour un auteur japonais et que le manga c’est de la merde. C’est quoi, ces réacs ? »61.

L’institution ne parvient donc pas à recueillir le consensus auprès de la communauté des acteurs de l’édition. Au lieu d’être le lieu d’une consécration d’un auteur par ses pairs, Angoulême est le lieu d’une bataille symbolique entre petits et grands éditeurs, et entre plusieurs générations d’auteurs. Le déficit de crédibilité dans l’instance de reconnaissance affaiblit ainsi la portée des prix attribués.

En outre, il n’y a pas de réel relais d’opinion ou de revues critiques spécialisées indépendantes dans la bande dessinée. Lorsque le Monde traite le sujet de la bande dessinée, il s’agit en général d’articles liés à Angoulême et au marché de la BD ou d’articles plus légers paraissant l’été (souvent dans le cadre de collaboration avec des éditeurs)62.

En ce qui concerne le manga, la répartition dans les rubriques montre à quel point le médium est ignoré. Pendant longtemps il n’apparaît que dans les rubriques internationales où l’on montre un Japon sous un jour plus ou moins exotique.

Plus encore, depuis la création de la rubrique en ligne « Pixels », les mentions de manga se sont généralisées dans des articles aux titres polémiques.

Le manga est clairement utilisé comme un sujet ramenant des internautes sur le site.

Ainsi Dragon Ball, qui n’est jamais mentionné positivement dans les pages du quotidien avant 2014, fait l’objet d’une série d’articles en 2015 lors de la sortie de la nouvelle série animée.

Comme les institutions culturelles, le quotidien semble chercher à capter le public des mangas plus qu’à promouvoir la bande dessinée comme un médium.

Mais il est également possible de voir dans ces fluctuations le passage d’une génération à une autre, les adolescents ayant grandi en regardant le Club Dorothée étant désormais en âge d’occuper des postes de décision dans ces différents organismes.

La consécration incertaine des mangas attribuée par les institutions ou la presse s’accompagne d’une forte concurrence au sein du monde de la bande dessinée, qui n’est lui même pas tout à fait reconnu.

D’une part le manga profite des stratégies mises en place par les auteurs et les éditeurs pour accroître la respectabilité du médium bande dessinée.

D’autre part, par les polémiques qu’il suscite, il met à jour ces processus de consécration. Parmi ceux-ci, le rapprochement de la bande dessinée et de la littérature s’est avéré efficace63.

Dès 1978, par le biais de sa revue et sa collection « (À suivre) », Casterman avait tenté de rapprocher la bande dessinée du secteur littéraire, plus ancien et plus reconnu64.

La création et la médiatisation du roman graphique participe de la même politique opposant le traditionnel album de 48 pages en couleurs et à couverture cartonnée (le 48CC)65 et un récit long en noir et blanc s’étendant sur plusieurs volumes et destiné à un lectorat adulte.

La définition du roman graphique restant vague, elle peut s’appliquer aussi bien à des productions américaines qu’à des mangas. Les multiples rééditions de L’homme qui marche chez Casterman illustrent parfaitement cette ambiguïté.

Publié en 1995 dans la collection « Manga », le récit de Taniguchi passe ensuite dans la collection Sakka (« écrivain ») avant de finir sous le label « Écritures » qui regroupe aussi bien des auteurs français qu’américains.

D’autre part, la starification progressive des auteurs avait permis de faire grimper le prix des planches originales et des livres dédicacés au prix de quelques distorsions sur les conditions de production des œuvres.

Ainsi Hergé n’est souvent présenté que de façon hagiographique et les noms de ses collaborateurs (qui dessinent, mettent en couleurs, etc.) n’apparaissent pas dans les albums. La construction de cette notoriété artistique est amplifiée par la mise en scène de l’information dans les médias, qui privilégient les simplifications.

Or, lorsque les amateurs de bandes dessinées franco-belge critiquent les auteurs japonais, ils le font au titre d’une plus grande maîtrise technique du dessin66, l’artiste s’opposant au mangaka et son armée d’assistants67.

Ainsi, les polémiques sur la maîtrise artistique des Japonais ne font que fragiliser un dispositif de création d’une consécration mis en place pour la bande dessinée68.

En réalité, en s’attaquant à l’industrie culturelle qu’est le manga, les auteurs et les éditeurs s’attaquent en partie aux systèmes de production de leur secteur.

Le manga cristallise donc les tensions entre les différents acteurs du monde de la bande dessinée en dévoilant les diverses stratégies de consécration.

La perturbation dans la hiérarchie introduite par le manga est vécue avec plus de violence par les acteurs les moins performants au niveau commercial ou ceux risquant de perdre en respectabilité symbolique.

Ce n’est pas un hasard si la polémique de 2013 concernant les mangaka réunit dans un même camp des auteurs comme Trondheim (consacré par ses pairs, issu des milieux indépendants de la BD) et Boulet (jeune auteur à succès issu des blogs sur internet). Ce dernier dénonçait la « Gérontocratie » du FIBD sur les réseaux sociaux69.

Dans l’arène concurrentielle qu’est le monde de la bande dessinée en France, le manga fait office de révélateur des tensions symboliques et économiques d’un secteur qui n’est toujours pas reconnu et qui est fragilisé par une redistribution inéquitable des profits.

Consacré à plusieurs reprises à Angoulême, le manga aurait pu devenir un objet culturel autorisé mais il bénéficie en France de la même reconnaissance en demi-teinte que la bande dessinée.

La faiblesse des instances de consécration ébranlées par des polémiques multiples montre que le secteur de la bande dessinée n’a pas vraiment acquis de respectabilité symbolique.

La reconfiguration hiérarchique au niveau économique et symbolique introduite par le manga s’accompagne de multiples tensions qui révèlent les clivages entres les différents acteurs de ce monde social.

L’évolution du terme manga dans la presse permet ainsi de retracer celle de la bande dessinée japonaise dans le domaine culturel français.

La stigmatisation initiale du mot dans la presse généraliste a permis de fédérer une communauté de fans et l’essor d’un secteur de niche dans la bande dessinée.

Après avoir désigné en vrac tous les produits culturels populaires venant d’Asie, manga prend un sens plus restreint de bande dessinée et les éditeurs ont multiplié les termes périphériques pour distinguer les publics et les genres afin de neutraliser le caractère potentiellement polémique du mot.

Il n’y a plus du manga, mais des shônen manga, shôjo manga, seinen manga… le féminin servant à désigner une bande dessinée d’auteur en opposition aux productions commerciales dans un manifeste artistique.

Employé sous une forme adjectivale, le terme est même synonyme de modernité dans certaines rubriques du Monde sans lien avec la bande dessinée.

La comparaison entre la Manga d’Hokusai et les mangas modernes montrent que les mécanismes de production d’une respectabilité symbolique ont finalement peu évolué.

Au XIXe siècle les amateurs d’art éclairés écrivant sur l’œuvre d’Hokusai sont des artistes reconnus, des esthètes qui créent des revues ou écrivent des articles dans des publications telle que la Revue blanche. Ils y ont vu une « encyclopédie du monde extérieur », la « Comédie humaine du Japon »70là où les Japonais ne percevaient qu’une production mineure.

Au XXe siècle, les amateurs éclairés ne sont pas reconnus par les médias et leurs publications sont noyées dans la grande masse de discours produits par les moyens de communication modernes.

L’absence de visibilité des instances de consécration et leur faible pouvoir de prescription nuit à la reconnaissance du manga.

Néanmoins dans une époque où la dissonance culturelle fait partie des pratiques individuelles, il est sans doute plus important pour le manga de gagner en notoriété et en visibilité médiatique qu’en respectabilité, celle-ci se construisant aussi à mesure que les générations ayant grandi avec un médium accèdent à des postes de pouvoir.

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McGray, Douglas, « Japan’s gross national cool », Foreign policy, 2002, p. 44-54.

Alternative francophone [en ligne], vol. 1, n°10, 2016, [Site consulté le 30 septembre 2017]

Menu, Jean-Christophe, Plates-bandes, Paris, L’Association, 2005.

Suvilay, Bounthavy, « “Ceci n’est pas un manga”, ou comment Casterman a construit la réputation de Jirô Taniguchi », Carnets des doctorant·e·s du CSLF, [En ligne], https://cslfdoc.hypotheses.org/41[Site consulté le 27 juillet 2017].

—, « Manfra et prépublication : équation impossible ? », Alternative Francophone, 2016, p. 23-38.

—, « The Anime VHS Home Video Market in France », Mutual Images Journal, 2, 2017, p. 82-109.

Notes

  • 1. Le premier article consacré à cette œuvre de Hokusai emploie le féminin (même si l’orthographe du terme manga n’est pas stabilisé comme l’indique une note de la rédaction dans le même texte) : Ary Renan, « La “Mangua” de Hokusaï, Le Japon artistique, décembre 1888, p. 91-99
  • 2. Le terme apparaît à la fois dans les dictionnaires édités par Larousse et Le Robert (voir par exemple l’entrée en ligne : http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/manga/49098). En août 2013, dans une réponse aux internautes, le site de l’Académie française précise que ce terme d’origine étrangère intégré à la langue française prend un –s au pluriel en accord avec les recommandations formulées en 1990 par le Conseil supérieur de la langue française et approuvées par l’Académie française : http://www.academie-francaise.fr/niky-orange
  • 3. Hélène Bayou, « Hokusai « affolé de son art » », dans Hokusai 1760-1849 : « L’affolé de son art » d’Edmond de Goncourt à Norbert Lagane, Paris, RMN, 2008, p. 23.
  • 4. Sur les processus de consécration passant par la reconnaissance d’un auteur ou d’un objet culturel par un autre pays, voir l’étude de Ducournau sur les auteurs francophones originaires du continent africain : Claire Ducournau, « Qu’est-ce qu’un classique « africain » ? Les conditions d’accès à la reconnaissance des écrivain-e-s issu-e-s d’Afrique subsaharienne francophone depuis 1960 », Actes de la recherche en sciences sociales, n° 206-207, 2015, p. 34-49.
  • 5. L’étude porte sur le mot manga dans tous les articles du Monde, de Télérama et Télé 7 Jours entre 1978 et 2015. Elle inclut les occurrences du terme dans d’autres magazines spécialisés comme Kaméha et AnimeLand. Cette sélection ne prétend pas à l’exhaustivité mais vise l’exemplarité.
  • 6. Voir à ce sujet Éric Maigret, « Bande dessinée et postlégitimité », dans Éric Maigret, Matteo Stefanelli (dir.), La bande dessinée : une médiaculture, Paris, Armand Colin, coll. « Médiacultures », 2012.
  • 7. Nous avons choisi d’étudier les occurrences du terme manga dans Le Monde car il s’agit selon Bourdieu du titre dominant le champ du journalisme écrit. « Le Monde était bien placé sous les deux rapports : il était suffisamment grand par son tirage pour être un pouvoir du point de vue des annonceurs et suffisamment doté en capital symbolique pour être une autorité. Il cumulait les deux facteurs du pouvoir dans ce champ. » Voir Pierre Bourdieu, Sur la télévision: suivi de L’emprise du journaliste, Paris, Raisons d’agir éditions, 1996, p. 48-49. Les archives du Monde sont toutes consultables en ligne, contrairement aux autres quotidiens (certains ne permettant pas de faire des recherches au-delà des années 1980).
  • 8. « L’entraînement cérébral du docteur Kawashima », Le Monde, 4 juillet 2009 et Guillaume Fraissard, « Les meilleurs jeux de 2009 », Le Monde, 19 décembre 2009.
  • 9. Au Japon, le terme anime désigne les séries télévisées en animation.
  • 10. Frédéric Peugeot, « Le phénomène “DBZ” », Le Monde, 3 septembre 1995.
  • 11. Pascal Lardellier « Ce que nous disent les mangas… », Le Monde diplomatique, décembre 1996, p. 29.
  • 12. Thierry Groensteen, L’univers des mangas, Tournai, Casterman, 1991.
  • 13. Sur les acteurs et les débuts du marché de la vidéo domestique de dessins animés japonais en France, voir Bounthavy Suvilay, « The Anime VHS Home Video Market in France », Mutual Images Journal, 2, 2017, p. 82-109.
  • 14. Sur les magazines de publication de manga en France, voir Bounthavy Suvilay, « Manfra et prépublication : équation impossible ? », Alternative Francophone, 2016, p. 23-38.
  • 15. Parmi les titres de cette collection on peut citer : Kiro du Français Varenne, Au nom de la famille des Américains Charyn et Staton, ou L’Homme qui marche du Japonais Jiro Taniguchi.
  • 16. Voir ces divers articles tirés du Monde : « Le “phénomène manga” fait rêver les éditeurs français », 24 janvier 1997 ; « Phénomène « THEMA » : MANGA, MANGAKA ! », 1 mars 1998 ; « Génération manga », 23 juillet 2000 ; « Les “mangas” font la fortune de Jacques Glénat », 26 janvier 1996 ; « La planète manga », 16 juin 1996 ; « MULTI-MANGA », 22 février 1998 ; « Les nerds nippons s’appellent “otaku” », 23 juin 1999 ; « En France, Nintendo organise un quadrillage en règle », 17 décembre 1999 ; « La « folie » Pokémon, une opération orchestrée par le japonais Nintendo » 16 avril 2000 ; « Cartoon mania », 10 mars 2001.
  • 17. « Édito », Kaméha, n°8, mars 1995, p. 3.
  • 18. Glénat n’est pas le premier éditeur à publier des mangas. Dès 1983, le premier volume de Gen d’Hiroshima de Keiji Nakazawa paraît chez Les Humanoïdes associés dans la collection « Autodafé ». Les Secrets de l’économie japonaise en bandes dessinées d’Ishinomori est publié en 1989 chez Albin Michel. La publication d’Akira par Glénat ne débute qu’en 1990.
  • 19. « Édito », Kaméha, n°14, octobre 1995, p. 3.
  • 20. Éric Maigret, « Le jeu de l’âge et des générations : culture BD et esprit Manga », Réseaux, n°92-93, 1999, p. 256.
  • 21. Marie-Pierre Subtil, « Les “mangas” font la fortune de Jacques Glénat », Le Monde, 26 janvier 1996.
  • 22. Yves-Marie Labe, « Le “phénomène manga” fait rêver les éditeurs français », Le Monde, 24 janvier 1997.
  • 23. Philippe Pons, « Manga : la longue filiation d’un genre devenu universel », Le Monde, 10 avril 2008.
  • 24. Harry Bellet, « Un Versailles pour petites filles en fleurs », Le Monde, 15 septembre 2010.
  • 25. Nicolas Truong, « Après la catastrophe de Fukushima, l’interminable écriture du désastre », Le Monde, 10 mars 2012.
  • 26. Voir Douglas McGray, « Japan’s gross national cool », Foreign policy, 2002, p. 44-54.
  • 27. Les rapports de l’ACBD sont disponibles en ligne sur le site officiel de l’association : http://www.acbd.fr.
  • 28. Le groupe Editis (deuxième société dans le secteur du livre après Hachette) crée Kurokawa, filiale éditant des mangas, tandis qu’en 2007 le groupe Hachette s’approprie Pika, deuxième éditeur de manga en France à cette époque. Hachette Livres étant dans le même groupe que Lagardère Active et de nombreux organes de presse écrite et audiovisuelle, il n’est guère étonnant que les mangas deviennent des sujets moins polémiques.
  • 29. Curieusement, cette présence symbolique aux côtés de la littérature se produit au moment même où le marché du manga atteint la saturation et décline, de manière continue, à partir de 2008.
  • 30. Dans la rubrique mode, les journalistes parlent par exemple de « couleurs manga » pour désigner des teintes vives, ce qui est un peu paradoxal puisque la bande dessinée japonaise est essentiellement en noir et blanc… Cet emploi adjectival débute dès 1999 et n’est pas lié à un contexte japonais, l’adjectif pouvant servir à qualifier des créations d’autres pays. Dans le domaine de l’automobile, l’adjectif manga sert avant tout à signifier « japonais » et « moderne ».
  • 31. Parmi les exemples de livres alimentant la polémique contre les dessins animés japonais, on peut citer : Liliane Lurcat, A cinq ans, seul avec Goldorak : Le jeune enfant et la télévision, Paris, Syros (Collection Contre-poisons), 1981.
  • 32. Sakka est la transcription en lettres romaines des idéogrammes 作家 signifiant littéralement « écrivain » en japonais.
  • 33. Yves-Marie Labe, op. cit.
  • 34. Le seinen correspond à un public cible masculin plus âgé que le shônen.
  • 35. Cette distinction à l’écrit ne concerne que les pays occidentaux puisqu’en Asie les idéogrammes 漫画 désignent le médium bande dessinée en Chine, au Japon et en Corée. Seule la prononciation diffère.
  • 36. Sur les manfras, voir Alternative francophone [en ligne], vol. 1, n°10, 2016, [site consulté le 30 septembre 2017].
  • 37. Il est à noter que des mangas créés par des Américains ou dans des pays européens ont également vu le jour à des périodes similaires. Voir Mark W. Macwilliams (dir.), Japanese visual culture: Explorations in the world of manga and anime, Armonk, N.Y., Sharpe, 2008 ; et Casey Brienza, (dir.), Global Manga: « Japanese » Comics without Japan?, Farnham ; Burlington, VT, Ashgate Publishing, Ltd., 2015.
  • 38. « Senpei » chez Kana, « Vintage » chez Glénat, « Classic » chez Taifu ou simplement « Tezuka » chez Asuka.
  • 39. Sur la réalité du lien entre manga et estampe voir Jaqueline Berndt, « Considering Manga Discourse », dans Mark W. MACWILLIAMS (dir.), Japanese visual culture: Explorations in the world of manga and anime, Armonk, N.Y., Sharpe, 2008, p. 295-310.
  • 40. Les premières versions du site internet de Glénat manga sont accessibles sur la plateforme de la BNF.
  • 41. Voir le site officiel de l’éditeur : Glénat, [En ligne]. http://www.glenatmanga.com/histoire-du-manga.asp [Site consulté le 19 juillet 2017].
  • 42. Il est aussi imaginaire que celui qui lie la bande dessinée aux peintures rupestres ou à la tapisserie de Bayeux dans les écrits des promoteurs de la bande dessinée dans les années 1960. Voir Gérard Blanchard, Histoire des histoires en images de la préhistoire à nos jours, Paris, Marabout, 1969.
  • 43. Manifeste de la Nouvelle Manga, [En ligne]. http://www.boilet.net/fr/nouvellemanga_manifeste_2.html [Site consulté le 20 juillet 2017].
  • 44. L’amalgame entre manga et Murakami est d’autant plus étonnant que celui-ci emploie le terme anglais « superflat » pour désigner son esthétique. Il est significatif que l’un des deux collectifs s’étant opposé à l’exposition de ses œuvres à Versailles se nomme « Non, au manga ».
  • 45. Au début des années 2000, le site de Kana proposait des articles sur les fêtes, le système scolaire, les éléments récurrents perçus comme typiques d’une civilisation. Dans le cas de Conan Détective, les traducteurs de Kana ajoutent également des notes pour les expliciter les énigmes faisant appel à la connaissance de la langue japonaise ou des coutumes locales. Dans la seconde traduction de Dragon Ball chez Glénat, des notes informatives similaires sont ajoutées, signe d’une demande des lecteurs et d’une perception différente du produit.
  • 46. « Phénomène “THEMA” : MANGA, MANGAKA ! », Le Monde, 1 mars 1998.
  • 47. Prix du scénario en 2003 pour Quartier lointain ; prix du dessin en 2005 pour Le Sommet des dieux.
  • 48. Prix de la série en 2004 pour 20th Century Boys ; prix intergénération en 2011 pour Pluto.
  • 49. Sur la stratégie marketing de Casterman pour promouvoir Taniguchi voir Bounthavy Suvilay, « “Ceci n’est pas un manga”, ou comment Casterman a construit la réputation de Jirô Taniguchi », Carnets des doctorant·e·s du CSLF, [En ligne], https://cslfdoc.hypotheses.org/41[site consulté le 27 juillet 2017].
  • 50. Voir « La notion de « culture populaire » en débat », Revue de recherche en civilisation américaine [En ligne], https://rrca.revues.org/173 [Site consulté le 22 juillet 2017].
  • 51. Voir ces articles du Monde : « Les sources “impures” du cinéma contemporain », 25 avril 1996 ; « La planète manga », 16 juin 1996 ; « D’Asie, un cinéma pas mineur », 29 décembre 1996 ; « La revanche du dragon » 13 avril 1997, « HK Vidéo ou les dessous de l’ “asiamania” », 14 mai 1998 ; « La critique de Jean François Rauger », 8 avril, 2001.
  • 52. La bonne visibilité des mangas est notamment liée aux films d’animation du studio Ghibli dont la distribution internationale est assurée par le géant Buena Vista (filiale de Disney).
  • 53. « « Quartier lointain » : une transplantation malheureuse du manga de Taniguchi », Le Monde, 23 novembre 2010.
  • 54. « Où l’on retrouve la ligne claire de « Quartier lointain » », Le Monde, 29 septembre 2011.
  • 55. Formé sur le modèle des Cahiers du cinéma par Jacques Glénat en 1969.
  • 56. Centre national de la bande dessinée et de l’image lancé par le ministre de la Culture en 1984.
  • 57. Il s’agit de L’univers des mangas. Voir op. cit.
  • 58. Créateur du bestseller Dragon Ball qui s’est vendu à plus de 20 millions d’exemplaires en France en 2015.
  • 59. Auteur d’Akira, premier manga à avoir un succès critique en France.
  • 60. Le comptoir de la BD [En ligne]. http://lecomptoirdelabd.blog.lemonde.fr/2012/03/09/angouleme-bleme-ou-an… [Site consulté le 19 juillet 2015].
  • 61. « Lewis Trondheim, génie grognon de la BD », Le Monde, 27 février 2014.
  • 62. Pour avoir un état des rapports de force et des formes de consécration de la bande dessinée en France dans les années 1990, voir Éric Maigret « La reconnaissance en demi-teinte de la bande dessinée », Réseaux, n°67, p. 113-140. Pour avoir un état des lieux plus récent de ces formes de reconnaissance, voir Xavier Guilbert, « La légitimation en devenir de la bande dessinée », Comicalités, [En ligne]. http://comicalites.revues.org/181 [Site consulté le 12 juillet 2017].
  • 63. Gilles Ciment rappelle ainsi que la « bande dessinée a quitté la Délégation aux arts plastiques pour rejoindre la Direction du livre et de la lecture, et bénéficie des aides et soutiens du CNL ». Voir Gilles Ciment, « La bande dessinée, pratique culturelle », Communication prononcée le 11 juillet 2006 dans le cadre de l’Université d’été de la bande dessinée organisée à Angoulême par le CNBDI, sur le thème « La bande dessinée, bien ou mal culturel ? ».
  • 64. Pour une histoire du roman graphique, voir Jan Baetens, Hugo Frey (dir.), The Graphic Novel: An Introduction, Cambridge, Cambridge University Press, 2014.
  • 65. Ce format est vivement dénoncé par les petits éditeurs alternatifs. Voir Jean-Christophe Menu, Plates-bandes, Paris, L’Association, 2005.
  • 66. C’est notamment le cas dans l’émission télévisée Ce soir ou jamais du 24 octobre 2006 lors de la remise du prix du dessin à Taniguchi au FIBD.
  • 67. En réalité, comme Hergé, Taniguchi a bénéficié d’un dispositif médiatique de vedettariat qui gomme les réalités concrètes de la création. À la différence des collaborateurs français, les assistants sont reconnus comme tels au Japon : ils figurent dans les crédits. Les copyrights mentionnent généralement la présence des assistants comme par exemple Akira Toriyama et Studio Bird ou Otomo et Mushroom au lieu de ne mentionner que l’auteur original. Les assistants peuvent même avoir des planches où s’exprimer au sein du volume relié rassemblant les chapitres d’une série. Les assistants de Gosho Aoyama passent ainsi beaucoup de temps à tuer leur employeur dans les planches paraissant dans Conan Détective.
  • 68. De même, la critique concernant le prolongement excessif des séries malgré la volonté de l’auteur peut se retourner contre les partisans de la bande dessinée franco-belge puisque certains personnages ont une vie prolongée comme Spirou qui change régulièrement de dessinateur et de scénariste depuis 1938.
  • 69. Tweet de Boulet du 3 février 2013 à 17h 04.
  • 70. Préface d’Ernest Leroux à la Collection Philippe Dury, citée par Hélène Bayou, op. cit., p. 17.

Article initialement publié dans la revue À l’épreuve en 2018.

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