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Rencontre avec Drew Karpyshyn, écrivain et scénariste de Mass Effect

Si vous avez aimé les deux premiers Mass Effect, vous avez aimé la plume de Drew Karpyshyn. Celui-ci est entré chez BioWare en 2000 et a occupé un poste clef sur plusieurs jeux : lead writer sur Knights of the Old RepublicMass Effect 1 et 2, senior writer sur le MMO Star Wars The Old Republic… Il a brièvement répondu à quelques unes de nos questions.

Est-il vrai qu’un accident a changé votre carrière ?

Drew Karpyshyn : Je travaillais effectivement en tant que banquier dans un organisme financier quand j’ai été percuté à un feu rouge par un véhicule conduit par un homme âgé.

Au lieu de me servir de l’argent de l’assurance pour m’acheter une nouvelle voiture, je l’ai investi autrement. J’ai quitté mon travail, repris des études de littérature et après mon master, j’ai eu l’opportunité d’écrire notamment pour BioWare.

Je me suis par exemple chargé de plusieurs romans sur Star Wars et Mass Effect.

Vous avez aussi travaillé pour Wizard of the Coast, éditeur des jeux de cartes Magic : The Gathering.

Drew Karpyshyn : En fait, j’ai écrit un roman pour eux. Le cadre se situe dans les Royaumes oubliés, campagne de Dungeons & Dragons. C’était un univers de fantasy et de sorcellerie assez typique et comme j’étais un très grand fan de Dungeons & Dragons dans ma jeunesse, ce fut vraiment très agréable !

Est-il plus difficile d’écrire pour un MMO comme SWTOR que d’écrire pour un jeu en solo ?

Drew Karpyshyn : Pour SWTOR, le but était de donner aux joueurs la même expérience narrative que dans un titre BioWare classique, mais dans le cadre d’un MMO. Cela ne changeait donc pas fondamentalement le travail des scénaristes et nous utilisions les mêmes compétences et techniques que dans Mass Effect.

Lorsque vous vous chargez d’un roman issu d’un monde vidéoludique, comment parvenez-vous à garder une cohérence avec la suite du jeu ?

Drew Karpyshyn : En réalité, quand j’écris un roman à partir d’un jeu vidéo, je me concentre surtout sur l’intrigue du livre et je ne me soucie pas vraiment de la façon dont elle va être rattachée au reste du jeu.

L’objectif premier est d’avoir une histoire intéressante à lire avec des personnages marquants. Ainsi, quand j’ai écrit le roman issu de Mass Effect Ascension, nous n’avions pas encore décidé que Cerberus allait être un personnage clef du deuxième jeu !

Mais le roman a été un tel succès que nous avons ensuite décidé d’intégrer des éléments de l’ouvrage dans Mass Effect 2.

Écrire pour un jeu vidéo est-il plus difficile que d’écrire un roman ?

Drew Karpyshyn : Quand vous travaillez sur des projets aussi ambitieux et importants que les titres de BioWare qui mobilisent des équipes de plus de quatre-vingts personnes, vous êtes amené à collaborer et à vous coordonner avec tous les autres scénaristes et toutes les autres équipes.

Du coup, vous passez vraiment beaucoup de temps et d’énergie à faire des choses qui n’ont vraiment aucun rapport avec l’écriture elle-même. C’est une partie assez importante du processus de création d’un jeu et cela explique aussi que c’est bien plus long que de rester assis seul à votre bureau pour écrire un roman…

Dans beaucoup de jeux, il y a une menace globale que le héros doit circonscrire. Pensez-vous qu’on puisse concocter une bonne histoire sans ce grand « méchant » à battre ?

Drew Karpyshyn : Il y a des jeux moins connus et plus petits qui proposent de bonnes histoires reposant sur d’autres structures : des récits humoristiques, des histoires de coopération…

Mais le fond du problème vient du fait que le jeu vidéo n’est pas un récit. C’est avant tout un gameplay. Un bon récit permet d’améliorer l’expérience de jeu mais il ne fait finalement pas vraiment partie des mécaniques de jeu.

Comme beaucoup de jeux reposent sur des mécaniques d’affrontement, notamment contre des boss, il est finalement assez naturel de retrouver toujours les mêmes histoires où les héros combattent d’abominables et puissants ennemis.

Pensez-vous qu’il soit toujours possible d’imaginer de bons récits en jeu vidéo ?

Drew Karpyshyn : J’estime qu’il y aura certainement de bonnes histoires dans les prochains jeux vidéo mais je pense que la façon de les amener sera sans doute différente de celle que nous connaissons puisque le jeu vidéo lui-même évolue, de même que la façon de le diffuser auprès des joueurs.

Que pensez-vous des fans qui exigent une fin différente à Mass Effect 3 ?

Drew Karpyshyn : À vrai dire, je ne peux pas vraiment commenter cette polémique puisque je n’ai pas joué à Mass Effect 3. J’ai quitté BioWare après Mass Effect 2 et par la suite, j’ai été tellement occupé par la rédaction des scénarios pour SWTOR et par mes romans que je n’ai tout simplement pas eu le temps de jouer.

Pour être tout à fait honnête, je ne suis pas réellement un gamer et à présent que j’ai quitté l’industrie du jeu, mes priorités sont vraiment ailleurs.

Après douze ans chez BioWare, pourquoi avez-vous quitté le studio ?

Drew Karpyshyn : Je pense que la plupart des créatifs aiment à faire des choses différentes et après toutes ces années au sein du studio, je crois que j’avais besoin de changement.

Pendant ces six dernières années, j’ai écrit huit romans et participé à plusieurs blockbusters de l’industrie du jeu vidéo. J’ai été tellement occupé par mon travail que j’ai délaissé mon projet personnel, ma trilogie fantasy.

Il était temps que je me reconcentre sur elle. Les deux premiers tomes, Children of Fire et The Scorched Earth, sont prévus pour 2014.

Article initialement publié dans IG Magazine.

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