Après avoir brillamment passé le cap de la 3D grâce à Ocarina of Time, la série prend un nouveau tournant avec Zelda The Wind Waker, épisode qui a beaucoup fait parler de lui avant même sa sortie en raison de sa direction artistique. Mais une fois la manette en main, la magie opère et ce n’est pas pour rien que le magazine japonais Famitsu lui accorde, pour la quatrième fois dans son histoire, la note maximale de 40/40.
En mars 1999, Nintendo annonce le développement de la GameCube, une nouvelle console succédant à la N 64, et pour montrer la puissance de la machine, deux démonstrations techniques sont réalisées en 2000 : Super Mario 128 et The Legend of Zelda 128.
À l’écran, les joueurs ébahis peuvent voir un Link adulte affronter Ganondorf dans un combat à l’épée. Enthousiastes, ils attendent avec impatience ce nouvel épisode qu’ils pensent épique.
Contre vents et marées
En réalité, cette démonstration avait été réalisée vers la fin de la production de Majora’s Mask pour voir ce que permettait la nouvelle technologie. Il ne s’agissait vraiment en rien des prémices du Zelda sur GameCube…
Et lorsque les images du véritable jeu sont montrées en 2001, elles suscitent un accueil mitigé.
Très stylisé, Link devient un héros de dessin animé en cel-shading à une époque où la plupart des éditeurs sont engagés dans une course à l’armement pour savoir qui pourra afficher le plus de polygones et avoir le rendu le plus photoréaliste.
Certains y voient un moyen de toucher un public plus jeune. D’autres s’interrogent sur le développement de plusieurs Zelda en parallèle avec l’espoir de voir un titre moins cartoon.
Quant aux fans, ils surnomment ce titre « Celda » (contraction de cel-shading et Zelda) et décrient l’orientation artistique.
Il faut attendre décembre 2002 pour les Japonais et le printemps 2003 pour le reste du monde pour découvrir Zelda no Densetsu : Kaze no Takuto, traduit par Zelda The Wind Waker.
Le scepticisme cède la place à l’engouement. La plupart des magazines et critiques accordent au titre la note maximale.
Il faut dire que le jeu est tout simplement génial et dès les premières minutes, on ne peut qu’être conquis par le nouveau monde à explorer.
On dirige son personnage dans un dessin animé interactif dont l’intrigue est à la fois drôle et sérieuse.
Le nouveau design des personnages leur donne une expressivité jamais atteinte et l’introduction montre comment les équipes parviennent à insuffler de la nouveauté tout en restant dans la continuité de la série.
L’introduction raconte une légende passée avec des textes en hylien et des images en noir et blanc qui semblent avoir été gravées sur bois.
Dans un royaume ancien, surgit un démon qui fit régner la terreur et les ténèbres.
Mais un héros vêtu de vert parvint à le repousser et il fut nommé le Héros du Temps.
Malheureusement, des années plus tard, le démon revint et les habitants eurent beau prier, leur sauveur ne réapparut pas.
Depuis ce jour, en référence à ce guerrier, les garçons revêtent un uniforme vert le jour de leur douzième anniversaire.
Cette sorte de rite de passage vers l’âge adulte est une façon comme une autre de célébrer le courage du héros légendaire.
La légende est contée sur un fond musical qui remixe les thèmes des précédents jeux, dont celui de Zelda III lorsque qu’apparaît le héros en vert.
C’est une façon de montrer la continuité avec les autres volets de la saga.
La locution « Héros du Temps » fait bien sûr référence à Ocarina of time et, comme dans cette série, la maîtrise d’un instrument à vent sera essentielle dans votre progression.
Aussi est-ce pour cela que la cornemuse irlandaise et la flûte de pan sont tellement présentes dans les thèmes musicaux.
Un garçon dans le vent
Au début de Zelda : The Wind Waker, vous n’avez rien d’héroïque. Endormi tranquillement sur une plate-forme surplombant la mer, vous êtes dérangé par votre petite sœur Arielle, aussi blonde qu’insistante.
Elle vous offre sa longue-vue en guise de cadeau d’anniversaire et vous rappelle que vous devez allez voir votre grand-mère pour le rituel habituel.
Cette dernière vous offre un habit vert qu’elle a sans doute confectionné avec amour mais qui, vu votre tête ravie, doit sans doute gratter un peu.
Comme tous les gamins de cette île de l’Aurore, vous devez respecter les traditions et porter durant votre jour anniversaire ce ridicule uniforme censé vous procurer force et courage afin de célébrer le héros légendaire.
Mais les événements s’enchaînent vite et vous devez porter le vert plus longtemps que prévu. En effet, un oiseau géant poursuivi par un bateau pirate arrive au large.
Il tient dans ses serres une jeune femme endormie, qu’il lâche au-dessus de la forêt lorsque les pirates lui tirent dessus à coups de canon.
Sans doute rendu intrépide par l’habit et sur les sollicitations de votre sœurette, vous empoignez une épée, courez à son secours et affrontez des goblins pour sauver la jeune femme. Il s’agit en fait de Tetra, chef des pirates.
Mais vous n’avez guère le temps de faire connaissance car l’oiseau géant revient et enlève Arielle à la place de Tetra.
Un facteur appartenant à la race des Piafs explique que depuis quelque temps, les jeunes filles à oreilles pointues sont régulièrement enlevées.
Vous demandez alors aux pirates, qui vous sont redevables, de vous emmener à la Forteresse Maudite où sont enfermées les prisonnières.
À proximité de l’île, les pirates vous mettent tout simplement dans un tonneau pour vous catapulter dans la citadelle.
Ce vol plané à l’atterrissage douloureux est suivi d’un second lorsque l’oiseau géant vous expulse de l’île au moment où vous étiez sur le point de retrouver Arielle.
Cette fois, vous êtes recueilli par un bateau parlant, Lion Rouge, qui vous explique la situation : pour sauver votre sœur, il faut arrêter Ganondorf, le démon des vieilles légendes…
Moralité : vous auriez sans doute mieux fait de rester couché !
Le vent en poupe
Comme son nom l’indique, Zelda : The Wind Waker repose sur la maîtrise du vent, que vous pouvez orienter selon vos besoins grâce à une baguette magique.
Comme dans Ocarina of Time, cet outil vous permet de jouer des mélodies magiques que vous apprenez au fil du jeu.
Une fois en possession de la voile, vous pourrez naviguer à travers l’océan et aller d’île en île pour trouver un moyen de sauver Arielle.
Pour diriger Lion Rouge, il faut faire souffler le vent dans la bonne direction. Si dans Ocarina vous voyagiez sur le dos d’un cheval, c’est ici sur celui d’un bateau assez bavard.
Très vite, vous comprenez que les flots regorgent de trésors à repêcher, d’ennemis à éviter et d’acrobaties à réaliser.
Il y a un nombre considérable d’îles, qui figurent sur votre carte une fois que vous les avez approchées et que vous avez nourri un poisson qui, ensuite, acceptera de dessiner la zone.
Même si vous pouvez faire le tour du monde et aller où bon vous semble, certains lieux ne sont en réalité accessibles qu’avec certains objets. Il y a bien un sens à respecter dans cet univers a priori ouvert.
La navigation prend du temps et l’alternance entre le jour et la nuit accentue l’impression de temps passé à voyager entre les îles.
Et comme, dans l’obscurité, il vous est possible de mieux repérer les trésors au fond de l’eau, vous passez vraiment beaucoup de temps à naviguer et à jouer le Chant du soleil pour profiter de la nuit…
Il devient d’ailleurs assez fastidieux de jouer la Mélodie du Vent pour explorer le vaste monde.
Heureusement, une musique vous permet d’invoquer un cyclone qui vous transporte plus rapidement d’un lieu à l’autre : le Requiem de la tornade.
Le vent vous permet aussi de voler grâce à une Feuille Mojo magique ou grâce à un compagnon ailé qui a besoin du vent pour s’élancer.
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Enfin, deux hymnes sont à découvrir pour ouvrir les portes de temples. Dans tous les cas, vous allez avoir un sens du rythme plus aiguisé à force de jouer.
Mais surtout, le vent était le défi technologique à relever pour les développeurs du jeu.
Shigeru Miyamoto explique en effet que l’un des enjeux du titre était de faire ressentir de façon convaincante la force du vent dans un univers fictif.
Entre les éléments du décor qui bougent selon sa direction, les lumières qui vacillent et les intempéries qui secouent les flots, force est de constater que l’effet est réussi.
À lire : Qui est l’homme derrière Zelda ?
On « sent » le vent sans doute de manière plus probante que si le jeu avait été photoréaliste. Et il est vraiment très jouissif de contrôler cet élément immatériel pour faire bouger le monde.
Le même en différent
Au niveau des commandes, les fans ayant joué sur N64 se retrouvent en terrain connu, même si la manette de la GameCube est différente. Link est plus rapide et maniable.
Il court, saute, fait des roulades pour aller plus vite, peut se cacher dans un tonneau pour passer inaperçu, se colle à la paroi pour passer les corniches ou s’accroche pour progresser au-dessus du vide et, enfin, peut ramper pour accéder à des endroits jusqu’à présent inaccessibles aux précédents Link.
Mais il ne peut toujours pas nager sans arrêt et faire la planche pour reprendre des forces.
Le gameplay de la N64 est très largement amélioré et les traditionnels objets de votre inventaire sont plus que jamais faciles à manipuler.
La prise en main est vraiment intuitive et, chose très agréable, la caméra se place toujours intelligemment, si bien que vous n’avez presque jamais besoin de la positionner manuellement avec le stick analogique.
Vous pouvez attribuer des objets à trois boutons de la manette pour ne plus avoir à ouvrir l’inventaire à tout bout de champ.
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La trajectoire du boomerang peut désormais être tracée à l’avance et vous pouvez toucher plusieurs cibles à la fois. Les bottes de plomb ne sont plus un problème à équiper et à enlever. Le grappin vous permet de jouer à Tarzan et d’aller de liane en liane.
Enfin, les combats sont encore plus dynamiques grâce à un système de combos et d’esquives à maîtriser grâce à de mini-quêtes auprès d’un maître d’armes.
Chose très appréciable, on peut aussi s’emparer des armes ennemies lorsqu’elles tombent à terre.
Idéal pour écourter un combat, découper certains morceaux de décor ou simplement frimer avec une épée deux fois plus grande que soi.
Certes, certains joueurs peuvent se plaindre de la relative facilité des boss dans Zelda : The Wind Waker.
Ils sont relativement simple à battre une fois que l’on a compris la démarche à adopter pour les vaincre, et une fois la première ligne de cœurs remplie grâce aux quêtes annexes.
Mais pour les acharnés du combat, des quêtes annexes relativement corsées sont là pour proposer des challenges à la hauteur de leurs attentes.
Et des quêtes annexes, il y en a beaucoup beaucoup beaucoup !
Marre de naviguer ? Jouez à Toucher-Couler avec un drôle de bonhomme à l’accent bizarre qui se fera un plaisir de commenter vos tirs par un « Kaboom ! » ou plus souvent par un « Sploosh ! ».
Attrapez des garnements ou des cochons ! Faites du troc, prenez les personnages et les monstres en photo, bombardez des vaisseaux ennemis, faites monter les enchères et remportez la mise.
Non, franchement, les activités ne manquent pas. Vous pourriez presque en oublier la quête principale tant les personnages que vous croisez sont amusants.
Enfin, bien avant la concurrence, Nintendo avait pensé à connecter la console de salon à la console portable.
En reliant la Game Boy Advance à la GameCube, le second joueur incarne Tingle et peut accéder à une carte où figurent les ennemis et les trésors cachés afin d’aider le joueur principal à explorer les différents lieux.
Il peut aussi lancer des bombes sur les ennemis contre quelques rubis. Oui, Tingle est vénal. Mais il vous aidera tout de même si vous êtes sur le point de mourir.
Vous soigner et vous garder en vie est tout de même le plus sûr moyen de continuer d’avoir de l’argent de votre part.
Zelda : The Wind Waker propose finalement un gameplay asymétrique assez proche de ce que la Wii U proposera à l’avenir…
À l’époque, il semble que les possibilités techniques n’étaient pas assez grandes pour développer ce type de gameplay, mais les prémices de la nouvelle manette Nintendo étaient déjà là !
De plus, il était recommandé de jouer de cette façon, en duo enfant-adulte. Là encore, le géant japonais reste un constructeur familial.
Que d’eau ! Que d’eau !
Dans le monde de Zelda : The Wind Waker, il y a essentiellement de l’eau.
C’est pourquoi votre nouveau compagnon est un bateau qui parle (Lion Rouge), un peu comme si l’on avait fusionné Epona et Navi en un même personnage en quelque sorte.
Après vous avoir sauvé de la noyade, il vous permet d’aller d’île en île.
Toujours de bon conseil, il peut aussi sortir un grappin pour repêcher des coffres à trésor perdus au fond des eaux et il a un canon pour vous défendre contre les navires ennemis, les tours de guets, les requins et les calamars géants.
Il y a aussi un vaisseau fantôme à explorer et des sous-marins à torpiller.
Toujours sur l’eau, vous rencontrez Terry, vendeur ambulant auprès de qui vous avez souvent à vous approvisionner.
Donc même si l’océan est vaste, vous ne vous retrouvez presque jamais seul et ne finissez pas en vieux loup (de mer).
Ajoutez-y les nombreuses variantes climatiques qui animent le décor et vous pouvez même naviguer en essayant de profiter de la vue sur l’étendue bleue.
La mer omniprésente n’est donc vraiment pas un milieu neutre où l’on peut s’ennuyer.
C’est vraiment un élément à explorer et ce d’autant plus que l’univers paraît totalement ouvert. Le sentiment de liberté est encore plus grand que dans Ocarina of Time.
Dans Zelda : The Wind Waker, la carte du monde se divise en quarante-neuf carrés à faire remplir par les poissons un peu spéciaux, les Poiscom.
Contre un peu de nourriture, ils dessinent la zone et aident Link à mieux se repérer dans le vaste océan. Il leur arrive même de donner des indices sur les îles et leurs habitants.
Celles-ci sont nombreuses et possèdent toutes des formes caractéristiques.
Ceci est d’ailleurs bien utile lorsque vous trouvez des cartes au trésor et devez vous rendre sur l’île dont la forme est la plus proche de celle de votre dessin.
Grandes ou petites, accessibles par bateau ou par la voie des airs, de forme vraisemblable ou en forme de faces de dé, elles contribuent à la variété de ce monde et à son charme.
Waterworld
Un peu comme dans le film de 1995, le nouveau monde que l’on découvre dans ce Zelda est recouvert d’eau et seuls des archipels et des îlots surnagent.
En avançant dans le jeu, on découvre que toute cette eau est en réalité liée à une tentative désespérée de sauver Hyrule, le fameux royaume de légende mentionné dans l’introduction.
Dans la tour des Dieux, un téléporteur permet à Link d’accéder à ce monde figé dans le temps et emprisonné sous l’océan. Lorsque vous pénétrez dans ce temple, les éléments sont gris, des monstres sont stoppés en pleine action.
Le silence règne et le vent si vital dans tout le jeu ne peut pas souffler en ce lieu.
Afin de contrer le démon Ganondorf, les habitants avaient décidé de noyer leur royaume.
Les quelques survivants sont sans doute les ancêtres des actuels habitants des îles et le joueur peut aisément supposer que les différentes races sont issues d’une évolution des anciens peuples.
Ce passage est particulièrement impressionnant et plaisant car il relie l’intrigue à celle d’Ocarina of Time. Le scénario permet de justifier les éléments communs aux deux jeux et les différences entre les mondes.
Des vitraux mettent d’ailleurs en scène l’intrigue de ce volet. À la place de la vie du Christ avec son chemin de croix, figurent les sages d’Ocarina of Time : Impa, Saria, Rauru, Ruto, Darunia, Nabooru.
Certes, des indices pouvaient déjà éclairer les fans. Pour faire surgir la tour des Dieux, il faut trouver trois perles qui correspondent aux trois pierres à trouver dans Ocarina of Time pour ouvrir les portes du temple du Temps.
Le poisson Jabu Jabu dont vous explorez le ventre est toujours vivant – ou du moins l’un de ses descendants – puisque vous croisez un poisson géant du nom de Jabun, vieillard qui ne parle que l’hylien.
Pour sauver le nouveau monde, il faut hélas retirer l’épée légendaire de son socle, ce qui réveille les ennemis jusqu’alors figés. Ils passent du gris à la couleur et il faut tous les exterminer pour s’en sortir vivant.
À partir de là, une autre quête commence, celle de la Triforce, pour qu’Excalibur retrouve sa puissance. Une fois de plus, il vous faut sillonner l’océan et vaincre une série d’ennemis avant d’atteindre le combat final.
À la fin du jeu, vous retournez dans le palais d’Hyrule pour affronter Ganondorf et cette fois, le déluge engloutit définitivement le royaume d’Hyrule pour que les enfants symbolisés par Link puissent créer un nouveau monde à leur image.
Si l’intrigue peut sembler quelque peu convenue — après tout il faut encore sauver le monde du mal — la réalisation est exemplaire et l’alternance de moments joyeux et d’autres plus émouvants rend ce Zelda vraiment unique.
Après Ocarina of Time, qui se voulait épique, et Majora’s Mask, plus sombre et angoissant, Zelda : Wind Waker donne vraiment un souffle nouveau à la saga.
Et n’en déplaise aux grincheux qui confondent puissance technologique et parti pris artistique, le cel-shading est vraiment l’esthétique adéquate pour cette aventure.
Pour en profiter, il faut avoir une WiiU pour la version HD ou une version GameCube (avec une TV non HD pour éviter de pleurer devant les polygones).
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