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2D/3D : la fausse polémique

Depuis les succès de Shrek, Nemo et autres films en 3D, certains annoncent la fin de l’animation en 2D. Les images de synthèse seraient la nouvelle panacée. Qu’en est-il réellement ?

Après la fermeture des studios d’Orlando, Disney tourne la page de l’animation 2D. Comme Dreamworks, l’entreprise aux grandes oreilles rondes se tourne vers la 3D. L’engouement des financiers pour la 3D s’explique par l’attrait de la nouveauté, par le label « nouvelle technologie » qui fait toujours vendre malgré le mini-crash boursier de 2001, et par le succès commercial de Shrek et des films de Pixar.

Certains semblent faire un curieux raccourci de raisonnement : les films en 3D génèrent de l’argent tandis que les films 2D ne sont pas rentables, donc il faut faire des films en 3D. Peut-on dire, pour autant, que l’animation 2D soit morte et enterrée ?

Pas vraiment. Les anciens animateurs 2D de Disney ont formé des studios indépendants pour continuer à faire de l’animation Legacy Animation Studio aux États-Unis et Néomis en France.

Revenons, tout d’abord, sur quelques définitions pour mieux comprendre ce qu’est la 2D et la 3D, termes simples qui recouvrent différentes réalités. L’animation traditionnelle en 2D, c’est à dire avec des dessins que l’on reporte sur des cellulo[1] sur lesquels on applique à la main de la gouache et que l’on filme image après image, n’existe quasiment plus.

Pour supprimer certaines étapes intermédiaires répétitives et augmenter la rentabilité, on numérise les dessins des animateurs et la mise en couleur se fait souvent par ordinateur.

Une nouvelle étape dans la chaîne de fabrication d’un dessin animé est ainsi créée : la composition d’image ou compositing qui permet d’assembler les images animées, les décors et les effets spéciaux. Grâce à l’informatisation, il est désormais plus facile de corriger certaines erreurs, de changer le cadrage, intégrer des images 3D dans la 2D, etc.

Rentabilisation ou exigence artistique ?

La généralisation des outils numériques dans le processus de fabrication n’est pas liée à une recherche de qualité mais de rentabilité. Les producteurs ne cherchent pas à faire de meilleurs dessins animés mais des produits au coût et au délai de production moindre.

Toutefois, la mise en œuvre de la 3D coûte cher en développement de nouveaux logiciels. On remarquera que les studios de CGI ont souvent en leur sein une section de recherche et développement.

L’avantage de Pixar sur les studios français provient de son alliance avec Apple. Steve Jobs est en effet le patron des deux entreprises. Toutes les nouveautés en matière de hardware comme de software sont immédiatement réinvestis dans les dessins animés, ce qui n’est pas le cas en France.

La mauvaise communication entre les producteurs et les prestataires, entre les réalisateurs, les animateurs et les infographistes, explique les résultats relativement médiocres des studios français qui n’exploitent pas jusqu’au bout les possibilités des logiciels.

L’introduction de l’informatique dans la chaîne de fabrication de l’animation 2D date du milieu des années 80. Basile, Détective Privée (1986) est le premier film de Disney à ne plus utiliser de cellulo et à employer des images de synthèse pour certains décors.

Par la suite des images 3D sont utilisé pour créer des décors (La Belle et la Bête), des personnages (Aladdin et Hercules) ou animer des scènes de foule. 2000 ans après la multiplication des pains, les studios Disney inventèrent la multiplication des gnous dans Le Roi Lion.

Même les studios Ghibli ont fini par abandonner l’animation traditionnelle 2D par cellulo. Princesse Mononoké (1997) est à la fois le dernier film de Miyazaki en cellulo et le premier qui comporte l’intégration d’images de synthèse (animation du Dieu de la forêt).

Par la suite, Mes Voisins les Yamada (1999) est un film presque entièrement numérique. Toutefois, pour le spectateur lambda, l’emploi d’images de synthèse passe totalement inaperçu car le « rendu » de l’image est semblable à celui des aquarelles, de la 2D traditionnelle.

Dans le domaine des séries télévisées entièrement en images de synthèse, la France a été l’un des pays les plus novateurs. La société Fantôme créa en 1992 Les Fables géométriques (50 épisodes de 5 minutes), puis deux séries d’Insectors (26 épisodes de 13 minutes).

Si le design particulier des premières séries les signalait facilement comme des images de synthèse, le développement technique actuel permet de faire des images 3D ayant l’apparence de la 2D.

La série Pings (1999) de Pierre Coffin possède ainsi un rendu particulier qui rappelle la 2D. Quant à la publicité pour le Jeu de l’oie de la Française des Jeux (souvenez-vous ! « grattez des dés/Dédé ») du même réalisateur, elle rappelle les films d’animation en pâte à modeler.

Le rendu de l’image en 3D n’est donc plus vraiment un problème. La multiplicité des types de textures disponibles donne une très grande liberté d’expression dans ce domaine d’animation.

Toutefois, on peut noter que s’il est toujours possible de regarder avec plaisir les premiers films Disney, certains des premiers courts métrages de Pixar ont pris un sacré coup de vieux. Mais on les regardera sans doute avec nostalgie dans une trentaine d’année tout comme le graphisme désuet des premiers jeux vidéo peut plaire à une certaine génération.

Un choix artistique au service du scénario

De même que le rendu des images 3D s’est particulièrement sophistiqué, l’intégration d’images 3D dans la 2D ou inversement a été nettement améliorée. L’harmonisation entre les deux types d’images est plus réussie, si bien qu’il est aujourd’hui plus difficile de voir quels sont les éléments 2D ou 3D dans une série pour les néophytes.

Il n’y a donc aucune raison de rejeter la 2D ou la 3D. Il suffit simplement d’employer judicieusement le meilleur médium pour créer l’effet voulu dans le dessin animé final. 

Quel que soit les techniques employées, le véritable problème réside dans le scénario des dessins animés. Afin de toucher un maximum de public (et avoir davantage de rentrée d’argent) les producteurs ont tendance à vouloir des intrigues simples, compréhensibles par l’enfant de cinq et l’adulte, et très « politiquement correctes ».

Ils contraignent les créatifs à se fondre dans un certain moule sous peine de ne pas trouver de financement pour leur projet. Il faut espérer que ce qui s’est produit dans le domaine des films 2D (perte de créativité et de public) ne se reproduira pas dans le cadre des films 3D.


Préjugés fréquents

3D, CGI, images de synthèse, numérique ? késako ?

Globalement les images générées par ordinateur sont appelées images de synthèse ou images numériques. L’abréviation anglaise CGI veut dire exactement la même chose : computer generated image. C’est l’acronyme générique pour désigner les techniques permettant de créer une image virtuelle à partir d’un ordinateur. Quant à « image 3D », c’est une expression qui vient du mode même de création de ces images. L’un des premières étapes consiste en effet à créer un modèle 3D à partir de dessins 2D. L’expression image 3D est suffisamment vague pour recouvrir à la fois les CGI et les animations en pâte à modeler (plasticine).

La 3D est moins chère que la 2D ?

Vrai. Si l’on compare le Roi lion à Toy Story, le film en 2D s’est révélé moins rentable que celui en image de synthèse. Le premier a coûté 45 millions de dollars et nécessité plus de 800 artistes et techniciens alors que le second n’en a coûté que 30 millions et occupé 110 personnes. 

Faux. Si l’on prend l’exemple de Mes Voisins les Yamada (image de synthèse) et de Mon voisin Totoro (2D traditionnelle), le film en 3D a coûté plus cher que celui en 2D car il a fallu inventer des logiciels particuliers. Dans le cadre des séries télévisées, produire un dessin animé en 3D revient aujourd’hui plus cher qu’une animation en 2D car les personnes qui travaillent sur la CGI sont plus qualifiés et doivent donc être rémunérer davantage. Mais, de même qu’il y a une énorme fragmentation de la chaîne de fabrication en 2D, on tend vers une délocalisation de certaines étapes de l’animation 3D. Cela permettra peut-être d’abaisser les coûts au détriment de la qualité d’animation comme c’est déjà le cas dans les filières 2D.

3D est plus facile à animer que la 2D ?

Pour des scènes qui comporte beaucoup de personnages qui bougent en même temps, ou pour créer des mouvements de caméras rapide et fluide, il est plus facile d’employer la 3D.

De même, les objets comme les véhicules, les décors et les effets spéciaux sont de plus en plus réalisés en images de synthèse. Une fois définis, ces éléments de CGI sont plus facilement manipulables que des dessins 2D.

Mais il y a bien des cas où la 2D est largement suffisante pour créer l’illusion de la vie. Les contraintes artistiques devraient motiver le choix de telle ou telle technique d’animation, mais dans la pratique c’est surtout la recherche de financement et la volonté de plaire aux investisseurs qui justifient l’emploi de la 3D ou de la 2D.

Flash c’est de la 2D ou de la 3D ?

Le logiciel Flash de Macromédia permet de créer des séquences d’animation bien qu’à l’origine il n’était pas destiné à la création de dessin animé. L’application permet de créer des images vectorielles animées qui ont l’avantage d’être beaucoup plus légères dans leur animation que les images faites à partir de pixels.

Donc c’est de l’image créée par ordinateur (CGI) mais ce n’est pas tout à fait de la 3D. d’ailleurs beaucoup d’animateurs 2D se sont reconvertis dans l’animation flash car les investisseurs préféraient cette technique.


[1] Le cellulo ou celluloïde est une feuille d’acétate transparente sur laquelle on trace des éléments à l’encre de chine sur l’endroit et où l’on met les couleurs (gouachage) sur l’envers. En superposant plusieurs cellulo, on assemble les personnages et les décors. 


Initialement publié dans AnineLand.

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