Pour IG Magazine 10, nous avions prévu de faire une couverture Halo avec un voyage de presse à l’appui pour avoir un maximum d’interviews. Rappelons à ceux qui ne la connaîtraient pas que la série Halo est l’une des franchises de science-fiction les plus juteuses du marché. Ce dernier volet permet de boucler la boucle avec une « prequel », épisode se situant chronologiquement avant le premier titre sorti. Pour l’occasion, nous avons donc préparé un article sur le studio à l’origine de la série, Bungie.
Jusque-là, tout va bien : la couverture est cohérente avec l’actualité, les articles consacrés au sujet sont conséquents et en plus nous avons pu faire un voyage dans les studios comme pour la couverture Mass Effect 2. Plus encore, Microsoft nous a donné beaucoup d’illustrations pour composer la couverture.
Nous sommes début août et tout semble aller pour le mieux. Bien sûr c’était trop beau pour durer.
Problème 1 : Les interviews recueillies sont trop courtes et il faut envoyer d’urgence un autre rédacteur à Cologne pour le salon de la GamesCom afin de compléter le sujet Halo.
Problème 2 : Le studio ne répond pas aux questions concernant autre chose que Halo et il faut donc se plonger dans la lecture archéologique des anciens magazines Mac américain pour avoir des informations sur les deux fondateurs de Bungie.
Problème 3 : La couleur de la couverture va encore être vert-gris après le vert émeraude de WarCraft et le vert bleuté de Splinter Cell et MGS. Or, le vert est une couleur atroce pour une couverture de magazine.
Certes, le vert est employé par tous les jeux qui ont un propos militaire (kaki des uniformes oblige), par les titres mettant en scène des créatures fantaisistes (orc de l’heroic fantasy), par les jeux trop violents qui remplacent les giclées de sang rouge par du liquide vert évoquant aussi bien les aliens que les morts-vivants.
Mon grand problème est que lorsque je vois ce sang verdâtre je ne peux m’empêcher de penser aux publicités pour les serviettes hygiéniques où le sang est toujours d’un bleu pâle niais. Certains jeux ont ainsi des personnages aux menstrues particulièrement abondantes et vu les cris qu’ils poussent, le syndrome prémenstruel doit être particulièrement douloureux.
Attention, je n’ai rien contre le vert. Comme le disent les gens de la mode, « le vert est le nouveau noir » et je suis d’accord pour porter plein d’éléments de cette gamme colorée. Si Balenciaga m’offre un sac vert, je suis prête à placer leur marque dans tous mes articles d’IG. (Comme ça n’arrivera jamais, je ne me mouille pas trop en affirmant ça).
Le vert de l’écologie me convient parfaitement aussi puisque nous imprimons sur du papier spécifique dont le bois est issu de forêts plantées spécialement pour la production de papier. En achetant IG, le lecteur contribue en quelque sorte à la reforestation mondiale. (Mais, non, il n’y a absolument pas de greenwashing !)
Mais le vert en couverture, pitié, NON ! Rentrez dans une maison de la presse et essayez de repérer une couverture de magazine verte parmi les multiples références qui se chevauchent. C’est impossible à voir du premier coup d’œil. Il faut vraiment chercher le titre pour tomber dessus. Même les magazines de jardinage mettent en avant des couleurs vives au lieu du vert.
Pour résoudre le problème, le graphiste teinte le fond en orange et fait plusieurs essais en mettant en avant le personnage féminin de Halo. Comme la pose était trop statique, il met finalement Carter, le chef de la Noble Team.
Pour le néophyte, mis à part la posture, on pourrait croire qu’il s’agit du même personnage. Ils portent tous deux une superbe combinaison bleue qu’on image très efficace au combat. Mais quelques détails nous permettent de voir que nous sommes face à une femme : la taille plus fine, les épaules moins larges et surtout le déhanché.
Reconnaissons au moins ce mérite aux graphistes et au marketing de Halo, ils ne misent pas sur le côté sexy pour vendre. Le seul problème se voit lorsque vous créez un personnage féminin dans Halo Reach. En dehors des détails anatomiques et du déhanché, vous roulez votre popotin comme si vous étiez sur un catwalk. Or, seuls les talons aiguilles (12 cm sinon rien lorsque vous êtes sur un podium) peuvent donner ce genre de démarche très peu naturelle. Dans le cas des Spartans III, il me semble qu’ils portent de solides écrasse-merde à talon plat.
Mais laissons la digression sur la représentation des femmes dans Halo pour en revenir à la couverture. Le graphiste fait un deuxième essai avec un autre Spartan. Cette fois-ci, on obtient un rouge et orange qui saute bien aux yeux. Même si la pose est plus statique, c’est celle que nous choisissons.
Avant de la finaliser le graphiste prend des vacances bien méritées. Et c’est justement à ce moment-là que Microsoft nous demande de livrer la couverture pour le plan marketing.
Oups.
On fouille dans l’ordinateur du graphiste en son absence.
On leur livre le fichier non finalisé… Et, ça passe !
Ouf.
À son retour, le graphiste bougonne un peu mais finit la couverture en rehaussant les couleurs, ajoutant une image de trame et nettoyant divers éléments avant d’envoyer le tout à l’imprimeur. Le décor est une peinture numérique un peu « lachée », tandis que le personnage est un simple rendu 3D. Il a rajouté un peu de matière, des taches et des effets de lumières pour l’intégrer au décor coloré en orange. Vous remarquerez la giclée de vert sur la combinaison qui évoque chez moi tout autre chose que la SF…
Pour fêter cette couverture qui s’est déroulée presque sans encombre, nous allons à une soirée Halo organisée par Microsoft. Pour une fois, nous n’avons pas croisé une seule bimbo en tenue officielle. Mais entre deux vidéos officielles, ils ont demandé à la salle de chanter le tube d’un chanteur allemand en cosplay de Master Chief : Piloten wie wir.
Moralité 1 : Sois une femme ma fille : roule du popotin !
Moralité 2 : Sois un homme mon fils : chante de la soupe en allemand !