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Hollywood est-il devenu l’outil de propagande de la Chine ?

Hollywood a longtemps été critiqué comme un vecteur de diffusion de l’American Way of Life. Mais depuis une dizaine d’années, les faiseurs de rêves sur pellicule semblent avoir de nouveaux maîtres en Chine. Histoire de ce changement.

Ceci n’est pas une théorie conspirationniste élaborée après la consommation excessive d’alcool mais un constat. Depuis une dizaine d’années le Parti Communiste de Chine a profondément changé la production hollywoodienne en rachetant des sociétés, en imposant des quotas et en produisant ses propres films de propagande.

Hollywood propagande chinois 1
Hollywood et la Chine – Illustration by Lars Leetaru

La situation est suffisamment inquiétante pour qu’elle soit mentionnée à plusieurs reprises dans les rapports annuels sur les relations américano-chinoises au congrès des États-Unis.

Dans le rapport spécial de 2015, les auteurs ont d’ailleurs mis en titre Réalisé à Hollywood, monté en Chine : comment la Chine influence et censure le cinéma mondial.

Pourquoi la Chine achète Hollywood ?

Je ne vais ici argumenter sur le pouvoir réel ou fantasmé des images. De même que les jeux vidéo ne rendent pas violent, les films de serial killer ne créent pas des monstres. Inutile de sortir les arguments de la presse qui se vend mieux en suscitant la peur chez les lecteurs.

Iron man 3 Hollywood propagande chinois

Mais pour toute une partie des chercheurs influencés par le marxisme, les arts sont des instruments de propagande.

Plus précisément, Lénine a déclaré « le cinéma est pour nous, de tous les arts, le plus important », car il le considère comme le plus efficace des outils de persuasion des foules.

Les autres régimes dictatoriaux de l’époque partagent la même volonté de mainmise sur le cinéma.

Great Wall poster Hollywood propagande chinois

Par exemple, Fritz Lang a décliné l’offre de Goebbels pour participer à la propagande nazie avant de fuir en Amérique.

Pour le Parti Communiste Chinois, le cinéma est avant tout un moyen de contrôler les rêves de la population. Il ne faudrait pas leur donner des idées à la con comme les libertés individuelles, voyons !

Accessoirement, en Occident, on a tendance à oublier que la Guerre Froide n’est pas finie pour les pays asiatiques. La Chine et la Corée du Nord sont toujours dirigés par des régimes communistes, c’est-à-dire dictatoriaux.

Disons que l’un des deux pays est plus honnête sur la réalité du régime.

La guerre froide inachevée

En clair, le Parti Communiste Chinois n’a guère envie de voir le pays se diviser en plusieurs états comme ce fut le cas en URSS. 

Ce n’est pas pour rien que le président Deng Xiaoping, qui a amorcé la libéralisation du pays au niveau économique dans les années 1980 est également celui qui a ordonné le massacre de la place Tian’anmen en 1989. 

Il fallait lâcher du lest au niveau de la bureaucratie pour que les masses arrêtent de mourir de faim. C’est pourquoi certaines libertés individuelles ont été accordée et des zones de Libre Échange ont été créées. 

Xmen Hollywood propagande chinois

Néanmoins, il faut contrôler les masses pour leur rappeler que le Parti est l’Alpha et l’Oméga.

Comme dans tout régime autoritaire, l’individu n’existe pas. Il est un élément de la machine et il peut être remplacé s’il se met à dysfonctionner.

Selon Mareike Ohlberg du MERICS, les hauts dirigeants du Parti ont peur qu’une érosion de l’idéologie entraîne la défection de certains cadres et d’une partie de l’élite. 

Ce contexte de Guerre Froide ininterrompue en Asie explique pourquoi les films sont soumis à l’examen minutieux par les membres autorisés. 

Bien sûr, l’utilisation de la censure au cinéma remonte en partie à la guerre contre le Japon.

Censure stricte à l’intérieur du pays

Durant la guerre sino-japonaise (1937-1945), le cinéma devient l’instrument privilégié des gouvernements japonais et chinois pour diriger les masses. Après la guerre et durant la lutte qui s’ensuit pour prendre le pouvoir en Chine, les films restent des outils de propagande.

« Dans les années 1950, l’objectif de toute l’industrie du cinéma est la propagande et non le divertissement. Les récits de résistance héroïque contre les envahisseurs japonais et de sacrifice de soi des habitants constituent l’essentiel des films. La situation se détériore encore plus. Durant la Révolution Culturelle dans les années 1960, les cinéastes les plus proéminents sont exilés en province pour réaliser des films de formation pour les industries ou pour être rééduquer dans les champs. La production cinématographique était quasi anéantie. Aucun film n’a été tourné entre 1966 and 1972. »

Ma traduction d’un extrait de l’article del’Independant

Après la mort de Mao, la production cinématographique a repris mais il s’agissait toujours de films de propagande supervisé par le Parti.

C’est pourquoi, d’un côté la fréquentation des salles a baissé de 79% entre 1982 et 1991, de l’autre le piratage des films étrangers était important.

le Fugitif affiche chinoise Hollywood propagande chinois

La situation est telle que pour maintenir l’existence des salles et du cinéma chinois, le Parti autorise la diffusion du film Le Fugitif avec Harrison Ford et Tommy Lee Jones en 1994.

Le film est un immense succès, ce qui suscite l’intérêt du Parti en Chine et d’Hollywood. Mais pas pour les mêmes raisons. 

Collaboration et transfert technologique forcés

Actuellement, il est impossible de diffuser un film en Chine sans l’accord du SAPPRFT, organe du Parti dont les critères sont suffisamment vagues pour lui donner un pouvoir absolu sur les producteurs non chinois voulant diffuser leur titre en Chine.

En fait, le cinéma chinois était tellement contraint par les directives des bureaucrates experts qu’il était devenu chiant.

Tellement chiant que le seul moyen de le rendre intéressant est de forcer les Américains et autres Occidentaux à partager leurs secrets de fabrication en les obligeant à créer des co-productions s’ils veulent diffuser leurs films en Chine.

L’augmentation des recettes en Chine rend le marché désirable pour Hollywood

Mais comment leur forcer la main ?

Officiellement, le pays a rejoint l’Organisation mondiale du commerce (OMC) en 2001. Mais en réalité, le protectionnisme et la censure empêche les productions étrangères d’être diffusées.

Seuls une vingtaine de films par an pouvaient pénétrer l’immense marché de 1,43 milliard d’habitant.

Visant un profit à court terme, les producteurs de films occidentaux courtisent d’autant plus la Chine que le pays représente un marché potentiel quatre fois plus grand que celui des USA.

Évolution des placements produits dans Transformers
from hollywoodbranded.com
Évolution des placements produits dans Transformers

Pour être diffusé en Chine, il n’y a que 3 méthodes. 

La première est d’entrer dans le quota de films étrangers autorisés par le Parti. En 2012, celui-ci augmente pour atteindre 34 titres. Néanmoins, les producteurs américains ne touchent que 25% des recettes.

La seconde méthode est de vendre les droits de diffusion à un tarif forfaitaire extrêmement désavantageux. Ces films sont soumis à autre quota (entre 30 et 40 titres par an). Mais l’opération n’est guère rentable pour Hollywood.

La troisième est de coproduire des films avec des entreprises chinoises. Dans ce cas, la société étrangère peut toucher 50% des recettes générées par la diffusion.

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Transformer 2014 Branded
Box-office et placements de produits dans Transformers 2014

Dans ce deal, le Parti est évidemment gagnant.

  • Ses partisans peuvent s’enrichir grâce au talent des étrangers (les sociétés chinoises récoltant 50 à 75% des recettes)
  • Les firmes dirigées par ses membres accumulent un savoir-faire qu’elles peuvent réutiliser pour les films de propagande communiste.
  • Le Parti apaise les masses en laissant croire qu’ils peuvent avoir un choix personnel dans la sélection des films

Même si les dés sont pipés, la plupart des producteurs mordent à l’hameçon et se plient aux exigences du Parti.

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Transformer 2017 Branded
Box-office et placements de produits dans Transformers 2017

Ainsi les suites d’Avatar seront coproduites par la société de James Cameron et les firmes chinoises Tianjin North Film Group et Tianjin Hi-Tech Holding Group.

De fait, les producteurs américains non seulement enrichissent financièrement le Parti mais ils participent volontairement à un transfert technologique qui leur est nuisible sur le long terme.

Pouvoir arbitraire

Pour plaire au SAPPRFT, chien de garde du supposé El Dorado du box-office chinois, il faut bien sûr éviter de dépeindre le Parti de manière négative. Mais en réalité, les critères sont laissés volontairement flous. 

C’est le B-A-BA d’une bureaucratie kafkaïenne pour générer de l’angoisse et obtenir l’obéissance.

iron man 3 addition Hollywood propagande chinois
Dans la version chinoise d’Iron Man 3 des scènes sont ajoutées

Plus les choses sont arbitraires, plus les producteurs étrangers se soumettent volontairement à la censure par appât du gain.

Parmi les modifications liées à l’influence de la Chine dans les films d’Hollywood, notons l’introduction de stars chinoises dans les castings de films comme :

  • Looper (2012) : Xu Qing
  • Iron Man 3 (2013): Fan Bingbing et Wang Xueqi 
  • X-Men: Days of Future Past (2014): Fan Bingbing (incarnant Blink)
  • Transformers: Age of Extinction (2014): Li Bingbing

Des scènes sont également incluses dans les versions chinoises des films, que ce soit Iron Man 3 ou Skyfall.

D’autres scènes sont effacées car elles ne plaisent pas aux autorités. Là encore, les critères sont flous…

Dans Mission Impossible 3 (2006), il a fallu enlever une scène tournée à Shanghai où l’on voyait des vêtements sécher aux fenêtres

mission impossible 3 Hollywood propagande chinois
Mission Impossible 3 (2006) à Shanghai

Dans Skyfall (2012), une scène où un garde Chinois est tué par l’un des antagonistes a été éliminée dans la version autorisée par le Parti 

Dans Top Gun (1986), une scène de combat aérien a été enlevée car elle montrait la domination militaire des Américains.

Dans le trailer du nouveau Top Gun : Maverick (2020), les drapeaux japonais et taiwanais figurant initialement sur le blouson sont remplacés par un drapeau communiste.

Dans Red Dawn (2012), toutes les références à la Chine sont remplacées par la Corée du Nord en post-production.

Une scène de Men in Black 3 (2012) où la mémoire des passants est effacée a été enlevée dans la version chinoise car cela pourrait être perçu comme un commentaire sur la censure du Parti sur l’internet chinois (Grand Firewall).

L’affiche de Star Wars est modifiée pour effacer l’acteur noir.

Dans World War Z (2013), l’origine du virus n’est plus la Chine, mais la Russie. Ceci n’est pas du tout prémonitoire.

Il y a aussi des films qui ne passent pas car ils propagent des idées “nocives”. Captain Phillips (2013) n’a pas été diffusé car il dépeint l’importance des individus.

“[…] toute la puissance militaire américaine déployée pour sauver un citoyen américain. La Chine ne ferait jamais cela et ne désire en aucun cas promouvoir une telle idée.” 

Clare Baldwin and Kristina Cooke, “How Sony Sanitized the New Adam Sandler Movie to Please Chinese Censors”Reuters

Selon le professeur Ying Zhu, les censeurs chinois agissent comme la police idéologique mondiale en dictant ce qui est visible ou non dans les films d’Hollywood et en rendant tabou toute représentation critique de la Chine. 

capitaine Phillips censuré en chine
Interdit en Chine

Une description positive des administrations du Parti est toujours un bon point pour accroître les chances d’être diffusées. 

Dans Transformers : L’Âge de l’extinction (2014), un policier de Hong Kong insiste pour demander l’aide à la Chine comme si les forces de l’ordre du pays communiste était plus efficaces que celles de l’île indépendante. 

Là encore, on peut apprécier l’ironie historique à présent que Hong Kong est légalement morte. 

Ainsi, l’héroïne de Gravity (2013) rentre sur Terre grâce aux installations spatiales chinoises. C’était sans doute parce qu’Elon Musk n’a pas été assez rapide avec SpaceX.

Bien sûr, vous allez me dire que tout ceci n’est qu’une accumulation de détails mineurs. 

En réalité, il s’agit d’une manière très efficace de persuader les masses en interne et à l’étranger de l’innocuité du régime communiste.

Ne pas jouer, c’est gagner

Paraître similaire à une démocratie libérale, ne pas être présenter comme un ennemi est une stratégie connue afin de mieux abattre l’adversaire lorsqu’il n’est plus sur ses gardes.

Le plus ironique dans l’histoire est que les producteurs américains ne s’y retrouvent pas toujours financièrement. 

Les Chinois ayant le choix des dates de sortie, ils font en sorte que les blockbusters américains soient en concurrence les uns avec les autres afin de ne pas faire d’ombre aux films locaux. 

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Jian dang wei ye (2011)

Accessoirement, les données sur les revenus du box-office sont truqués à hauteur de 9% et en 2016 le manque à gagner s’élevait à 40 millions de dollars.

En fait, le Parti triche régulièrement avec le box-office.

En 2011, Le film Jian dang wei ye retraçant la naissance de l’état communiste a été artificiellement boosté par l’achat massif de billets par des organismes du Parti. Il ne fallait pas que le film à la gloire du Parti fasse moins bien que Kung Fu Panda 2

De même en 2015, le film de propagande The Hundred Regiments Offensive (commémorant la victoire contre le Japon) semble avoir bénéficié de fraude. Il ne fallait pas qu’il soit pas derrière Terminator: Genisys au niveau du box office chinois.

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The Hundred Regiments Offensive

L’ouverture commerciale est en réalité une forme de chantage facilitant un transfert technologique et une manière d’alimenter les firmes détenues par les membres du Parti.

Il faudrait que quelqu’un prenne la peine d’expliquer à ces producteurs qu’un marché de Libre Échange ne signifie pas que tous les deals sont avantageux.

En général, on évite de s’allier à un tricheur car dans ce cas-là, la seule façon de gagner est de ne pas jouer.

D’ailleurs, depuis les tensions commerciales que le président Trump a suscité avec la Chine, le nombre de films autorisés à la diffusion a augmenté.

En effet, les films d’Hollywood restent plus attractifs que les longs métrages locaux en Chine et surtout, ils sont plus rentables pour le Parti.

Infiltration financière

En dehors de la censure et de l’abdication des producteurs américains face à la police de la pensée du Parti, les firmes de Chine utilisent également des stratégies financières pour acquérir Hollywood.

Cette technique d’infiltration est similaire à celle qui est utilisée dans le secteur du jeu vidéo et des moyens de communication. Des sociétés chinoises entrent dans le capital d’entreprises américaines avant de les racheter complètement.

Hollywood propagande chinois 4
Qingdao le Hollywood chinois

En 2011, l’influence chinoise dans les industries culturelles occidentales était un sujet promu au sein du Comité central du Parti communiste chinois par Zhang Lihua, professeur à l’université de Tsinghua et proche du milliardaire Wang Jianlin, président de Dalian Wanda Group Corp.

En 2012, Wanda a alors acquis AMC Entertainment Group la principale société d’exploitation cinématographique aux États-Unis pour 2,6 milliards de dollars. Wanda devient de fait le premier opérateur mondial du secteur. 

En 2015, Wanda rachète dans la foulée Starplex Cinemas, autre groupe gérant des salles de cinéma en Amérique pour 1,1 milliard de dollars

L’ambition va plus loin puisque le chinois Wanda s’offre également le groupe de cinémas australien Hoyts en 2015. 

En 2016, c’est au tour de l’Europe avec l’achat de la société anglaise Odeon & UCI Cinemas pour la modique somme de 1,2 milliard de dollars

Cette société anglaise est le plus grand exploitant de salles en Europe.

Donnie Yen dans Rogue One (2016) Hollywood propagande chinois
Donnie Yen dans Rogue One (2016)

En 2017, Wanda s’offre Nordic Cinema Group Holding pour 867 millions d’euros

Le but de tous ces rachats est simple : acquérir près d’un quart des revenus générés par les salles de cinéma dans le monde.

D’une façon assez perverse, les divertissements des Occidentaux alimentent les caisses des membres du Parti. En un sens, Hollywood finance la Chine.

Outre les exploitants, Wanda a également racheté des studios de production comme Legendary Entertainment.

Wen Jiang dans Rogue One (2016) Hollywood propagande chinois
Wen Jiang dans Rogue One (2016)

Ce nom ne vous dit sans doute rien, mais Legendary est le producteur de la trilogie Batman par Nolan. Plus récemment, le studio a produit Pokémon Detective Pikachu (2019).

Legendary est passée aux mains des Chinois en janvier 2016 pour 3,5 milliards de dollars.

Et pour être sûr que le cinéma occidental célèbre correctement les films produits, Wanda a également voulu racheter Dick Clark Productions en 2016.

Il s’agit de la boîte de production gérant les Golden Globe Awards. Ça ne coûte qu’un milliard de dollars

Concurrence dans la course au rachat d’Hollywood

Bien sûr, Wang Jianlin, fondateur de Wanda, est un fier membre du Parti. Toute l’opération d’infiltration financière aurait d’ailleurs pu s’appeler un Poisson nommé Wanda.

wanda

Autre membre du parti, Jack Ma, président d’Alibaba Group Holding Ltd, s’est également lancé dans la course au rachat du cinéma mondial. 

En 2015, il commence doucement par un partenariat avec Paramount pour la diffusion de Mission Impossible.

En 2016, il a conclu un deal avec Steven Spielberg, et prend une part dans sa société de production Amblin Partners.

Steven Spielberg and Jack Ma attend an event to announce partnership between Alibaba Pictures Group Limited and Amblin Partners, in Beijing, China, October 9 2016- REUTERS/Shirley Feng
Steven Spielberg et Jack Ma – 2016- REUTERS/Shirley Feng

L’idée est de créer plusieurs longs métrages et les distribuer en Chine dont le film oscarisé en 2018, Green Book : Sur les routes du sud. 

Comme le film est présenté comme une « victoire » de la Chine à Hollywood et qu’il est financé par un milliardaire membre du Parti, la scène faisant référence à l’homosexualité peut sans doute passer le contrôle de la censure idéologique.

Mission Impossible Co-produit avec Alibaba Hollywood propagande chinois
Co-produit avec Alibaba

Mais ce n’est pas le cas des autres films présentant une relation homosexuelle, quand bien même l’œuvre serait primée. 

Call Me By Your Name a ainsi été déprogrammé du festival international du film de Pékin la même année car les comportements sont jugés « déviants ». 

Notons qu’en 2020 le Festival du film indépendant en Chine (CIFF) a mis la clef sous la porte en raison de la censure. 

Call me by your nam interdit Hollywood propagande chinois
Interdit en Chine

Outre Wanda et Alibaba, d’autres sociétés de Chine tentent d’acheter Hollywood. Ainsi, Huahua Media avait l’ambition d’acquérir 25% de Paramount. Mais le deal n’a pas été finalisé. 

En quoi toutes ces histoires d’argent touchent les spectateurs de salles obscures ? 

D’une part, il est toujours bon de savoir à qui va l’argent que l’on a durement gagné lorsque l’on le dépense. 

Illustration by Kevin Hong

D’autre part, l’achat de salles et de studios n’est pas qu’une affaire d’argent pour les membres du Parti Communiste.

Il s’agit avant tout de gérer un outil de propagande très efficace pour endormir les soupçons de l’ennemi et garder sous sa coupe les masses, pour s’accaparer des technologies et de savoir-faire occidentaux, pour faire entrer des capitaux étrangers et alimenter les caisses du Parti.

Cet argent est tellement important pour l’organe central que personne ne peut s’enrichir à ses dépens. La punition exemplaire de Fan Bingbing, la plus célèbre et fortunée des actrices chinoises, montre que nul n’est au-dessus du Comité central.

Elle avait « disparue » pendant plusieurs mois avant de faire une « confession » où elle avoue ses crimes : avoir trahi le Parti avec une importante fraude fiscale.

Propagande communiste au style Hollywood

Grâce à ses années de transferts technologiques forcés et de co-production avec l’Occident, le Parti produit désormais des films de propagande où tous les codes des films d’action sont récupérés au profit du gentil héros jaune qui lutte contre les méchants blancs.

L’exemple le plus frappant est la série des Wolf Warrior (2015 et 2017), où le super soldat chinois sauve le monde des méchants hommes blancs. La Chine reprend le style d’Hollywood.

D’ailleurs, le drapeau communiste est tellement important pour la paix en Afrique que les soldats noirs arrêtent de combattre pour laisser passer les gentils jaunes. Ceci peut aussi faire passer la colonisation économique de ce continent comme bienfaisante.

wolf warrior 2 Hollywood acheté par la Chine
Wolf Warrior 2

Suite au succès des films, durant la crise du virus de Wuhan, les “Wolf Warriors” en ligne (diplomates chinois et autres utilisateurs de réseaux sociaux) ont attaqué toutes personnes critiquant les actions du Parti et tenter de répandre l’idée que le virus a été fabriqué par les USA. 

Plus encore en 2020, comme précédemment lors des manifestations pro démocratie à Hong Kong, le Parti a utilisé les réseaux sociaux occidentaux pour répandre de fausses informations. En juin 2020, Twitter a officiellement annoncé qu’ils ont effacé les comptes. 

Twitter suspends Chinese fake news accounts Hollywood propagande chinois

Dans un autre style, la série des Ip Man (2008, 2010, 2015, 2019) met en scène la vie romancée du maître de Bruce Lee. Les films insistent lourdement sur la promotion des arts martiaux chinois et dressent un portrait assez manichéen des japonais et des hommes blancs.

Le tout passe sous silence un élément central : Hong Kong n’est pas la Chine mais un territoire britannique. Bruce Lee est un hongkongais né à San Francisco et Ip Man a grandi à Hong Kong avant de s’y installer définitivement. 

De plus, Ip Man a servi sous l’armée du Kuomintang, c’est-à-dire le régime nationaliste qui a été renversé par le Parti communiste. C’est également pour cette raison qu’il s’est installé à Hong Kong. Il était un opposant du Parti.

Cette réécriture des faits importe peu au public occidental. Mais il s’agit d’une réécriture de l’histoire au profit du Parti qui fait précisément ce que George Orwell dénonçait déjà dans 1984 : changer le passé pour garder les masses sous la coupe du pouvoir.

Drapeau de Hong Kong

Enfin, on pourrait évoquer les allusions plus symboliques dont l’importance est ignorée par les Occidentaux. 

En 2019, le film d’animation Abominable coproduit par DreamWorks et un studio chinois montre une carte de la Chine avec la « ligne des 9 traits » en mer de Chine du Sud. Il s’agit de territoires revendiqués par le Parti. 

Le tout est contesté par tous les pays alentours dont le Vietnam, les Philippines, l’Indonésie et la Malaisie. Pour comprendre l’offense, il faut s’imaginer être en France avant la seconde guerre mondiale avec une carte de France où l’Alsace-Lorraine serait allemande. 

La carte avec la « ligne des 9 traits » dans Abominable Hollywood propagande chinois
La carte avec la « ligne des 9 traits » dans Abominable

Le film a été censuré ou interdit au Vietnam, en Malaisie et aux Philippines. L’opération fait passer ces pays pour des régimes autoritaires alors qu’ils réagissent à une attaque symbolique du Parti par le biais d’une coproduction américaine.

En ce sens, Hollywood est bien devenu un instrument de propagande pour la Chine. Mais il n’en est même pas conscient. À moins que…

Ainsi la stratégie sur le long terme du Parti porte en partie ses fruits.

  • Il parvient à distraire les masses en interne de toutes idées d’opposition et s’enrichir dans le même temps.
  • Il glisse des messages aux pays frontaliers pour signifier son ambition expansionniste.
  • Il se fait passer pour une démocratie ordinaire avec ses investisseurs milliardaires aux yeux des pays géographiquement plus distants et peu attentifs aux faits.

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