Imaginez que vous ayez le pouvoir de retourner dans le passé pour améliorer votre vie ! En abuseriez-vous ? Et à votre avis quelles en seraient les conséquences ? Pour le savoir, suivons Makoto dans sa journée parfaite issue de La Traversée du temps de Mamoru Hosoda.
Il y a des jours comme cela où l’on se dit que l’on aurait mieux fait de rester couché. C’est par une de ces journées de m… que le film débute. Makoto est une lycéenne ordinaire qui accumule les catastrophes.
Elle se réveille en retard, rate un examen surprise, manque de mettre le feu à l’établissement pendant le cours de cuisine, se fait écrabouiller par des garçons lors d’une bagarre. Seule consolation, elle est avec ses deux amis, Kosuke et Chiaki.
Mais le pire arrive lorsqu’elle rentre chez elle à vélo. Dans la rue en pente, elle se rend compte qu’elle n’a plus de frein et qu’elle fonce droit sur la voie ferrée.
Elle percute violement la barrière de protection et se retrouve projetée sur le train qui arrive à grande vitesse. C’est à ce moment-là que l’on devrait fermer les yeux et entendre les violons pour annoncer la terrible nouvelle.
Mais cela ne se passe pas ainsi : Makoto se réveille à terre, peu de temps avant l’accident qui aurait dû lui être fatal. Au lieu d’être tuée par le train, elle vient de heurter une passante en vélo.
Un peu perturbée, elle rend visite à sa tante, Kazuko Yoshiyama. Celle-ci lui explique qu’elle vient de voyager dans le temps.
Pour vérifier cette théorie elle multiplie les bonds dans le passé. Pour cela, elle doit courir et sauter le plus loin possible, ce qui occasionne quelques séquences cocasses.
Makoto parvient à améliorer progressivement sa journée : plus de mauvaise note, plus de début d’incendie. Mais elle en profite aussi pour éviter des situations embarrassantes comme la déclaration d’amour d’un de ses amis.
Très vite, elle se rend compte que les modifications en entraînent d’autres et que revivre une journée parfaite n’est finalement pas si simple que cela, surtout quand la mort rôde.
La comédie lycéenne du début laisse place à une intrigue plus dramatique. L’héroïne apprendra finalement à vivre pleinement le temps présent.
La surprise de l’été
Le scénario peut faire penser au film d’Harold Ramis Un jour sans fin (1993) : une même journée est revécue jusqu’à la perfection. Mais le propos de La Traversée du temps est plus intelligent que celui du long-métrage américain.
Il y a dans ce film produit par le studio Madhouse une sensibilité qu’on ne trouve nulle part ailleurs. Ne vous fiez pas à l’affiche japonaise.
Ce long-métrage japonais n’est pas un vulgaire récit destiné aux jeunes filles naïves, mais un véritable récit de science-fiction dont la fin ne correspond en rien au « happy end » convenu du film américain.
Drôle et rafraîchissant, ce film mérite amplement les nombreux prix qu’il a raflé lors du Tôkyô Anime Fair : meilleur film d’animation de l’année, meilleur réalisateur, meilleure histoire originale, meilleur scénario, meilleure direction artistique, meilleur character design.
Au Festival de Sitges, il a remporté la victoire devant Paprika de Satoshi Kon, autre film produit par Madhouse. En compétition lors du festival d’Annecy, La Traversée du temps a remporté une mention spéciale du jury.
Avec deux films en compétition, le studio japonais affirme ainsi sa volonté de montrer un cinéma d’animation d’auteur en parallèle avec ses productions de séries télévisées. Après tout, il n’y a pas que Ghibli et Miyazaki au Japon.
Pourtant, le film est réalisé par un inconnu pour nombres de spectateurs français. Qui a entendu parlé de Mamoru Hosoda mis à part quelques fanatiques de Digimon?
Ce réalisateur ne s’est jusqu’à présent pas illustré dans des œuvres très médiatisées en dehors du Japon. Mis à part, les films de Digimon, il a réalisé le 6e film de One Piece, quelques publicités et des bandes annonces appétissantes.
En quelques minutes, il est capable de créer une ambiance particulière même dans des séries aux scénarios conventionnels.
Quelque chose aurait pu nous mettre la puce à l’oreille. Il y a quelques années de cela, il aurait dû réaliser Le château ambulant produit par le studio Ghibli.
Mais c’est finalement, Miyazaki qui a repris le projet avec le succès que l’on sait. Il faut donc attendre 2007 et La Traversée du temps, pour que le talent de ce réalisateur soit enfin reconnu.
L’équipe gagnante
En dehors de son réalisateur, ce film bénéficie d’une équipe de choix. Le scénario est tiré d’une nouvelle d’un des écrivains de science-fiction les plus connus au Japon : Yasutaka Tsutsui.
Ses œuvres mêlent avec bonheur le fantastique, la science-fiction et littérature. Il a reçu de nombreuses récompenses littéraires prestigieuse comme le Prix Tanizaki.
Il a même été décoré Chevalier de l’Ordre des Arts et des Lettres par le précédent président de la République française !
Parmi les adaptations les plus récentes en anime, citons d’ailleurs Paprika de Satoshi Kon. On pourrait presque dire que cette année, Madhouse fait ainsi tout en double. La nouvelle La Traversée du temps est d’ailleurs disponible dans une traduction française.
Mais le scénariste, Satoko Okudera, ne s’est pas contenté de reprendre simplement le texte original. Dans le livre La Traversée du temps (1972), disponible en français chez l’éditeur L’École des loisirs, l’intrigue se concentre autour du personnage de Kazuko Yoshiyama.
Cette jeune fille de terminale s’évanouit dans le laboratoire de science peu de temps après avoir vu une ombre s’enfuir. Depuis ce jour, elle est capable de voyager dans le temps. Mais cela semble provoquer une série de catastrophe (tremblement de terre, incendie…).
On reconnaît dans les grandes lignes les ingrédients du film. La principale différence vient du fait que le scénario fait de l’héroïne de la nouvelle une figure secondaire : elle devient la tante du personnage principal du film.
L’intrigue se déroule ainsi une génération après celle du récit original. Cela permet d’accentuer l’effet de répétition lié au fait que Makoto revit les mêmes événements en les modifiant petit à petit.
Il y a ainsi une connivence avec le spectateur japonais qui connaît l’intrigue originale, et qui est sans cesse surpris par les nouveaux développements rappelant le texte initial, tout en étant une variation nouvelle.
Un graphisme rafraîchissant
Pour le character design, Madhouse s’est octroyé les services du célèbre Yoshiyuki Sadamoto. Cet artiste a créé les personnages de deux séries cultes du studio Gainax : Nadia et le secret de l’eau bleue et Neon Genesis Evangelion.
Son style graphique contribue considérablement à la beauté du film. Makoto est une lycéenne presque idéale et pourtant pourvue d’une personnalité propre. Ses deux accolytes sont tous aussi sympathiques et vivants.
Le rythme assez lent du film permet de mieux se projeter dans ce petit monde lycéen et de s’attacher aux personnages. Les décors sont également splendides et créent un Japon lumineux qui donne envie de se vivre dans le monde décrit.
Il est à noter que le character design du long métrage a été repris pour en faire un agréable manga en un volume qui reprend l’intrigue du film et qui apporte un épilogue à l’histoire de Kazuko Yoshiyama.
Nous avons eu la chance de nous rafraîchir dans les salles de cinéma avec La Traversée du temps, un an juste après sa sortie japonaise. Après Appleseed et Origin, Kaze et Eurozoom ont poursuivi leur politique de distribution des films d’animation nippon.
Certes, il y a peu de copies mais c’était vraiment courageux de diffuser ainsi des titres peu connus et peu médiatisés.
Si vous avez raté le film, il est toujours disponible chez Amazon.