Encore trop peu connu en France, Mitsuru Adachi jouit d’un immense prestige au Japon. Il est l’un des auteurs à avoir révolutionné le shônen manga.
Il a introduit de la romance dans le genre de la BD pour adolescents.
Au lieu de s’intéresser uniquement aux entraînements et aux résultats sportifs de héros lycéens destinés à être de futurs champions, il dépeint avec tendresse et humour les atermoiements amoureux d’adolescents maladroits dans le domaine sentimental.
D’une certaine façon, les manga de Mitsuru Adachi évoquent une vieille chanson « C’est un beau roman, c’est une belle histoire… » En fait, c’est toujours la même. Mais ça marche.
Au début de sa carrière, ses récits s’adressaient plutôt aux jeunes filles avant de cibler les garçons.
Par la suite, il poursuivra dans cette double orientation, publiant en même temps deux œuvres l’une chez un éditeur de shônen (Rough) l’autre chez un éditeur de shôjo (Slow Step).
Mais ces récits sont bel et bien mixtes dans le sens où ils peuvent s’adresser à tout public.
Le style très épuré de son dessin et les couleurs pastel de ses illustrations donnent une dimension assez aérée à ses planches.
Il utilise assez peu de trames et joue sur les pleins et déliés pour suggérer les volumes.
Il emploie régulièrement des photos de magazines spécialisés pour accentuer le réalisme des mouvements lors des matchs.
Il joue sur la mise en page et le cadrage pour faire ressentir la vitesse et accentuer la tension dramatique.
Reconnaissables à leurs oreilles en anse d’amphore, les personnages d’Adachi sont presque toujours identiques d’une œuvre à l’autre.
C’est un peu comme s’il choisissait de reprendre les mêmes acteurs fétiches pour jouer dans des pièces différentes.
Son thème de prédilection est l’adolescence et les premiers amours.
Il joue en virtuose avec des ficelles classiques du genre : triangle amoureux, quiproquo, relation d’enfance, amitié contrariée par les parents ou la mort d’un proche.
Le caractère dramatique des récits est atténué par un humour léger et beaucoup d’autodérision de la part du mangaka qui représente en dessinateur malhabile et qui joue sur les conventions du genre.
Que ses manga aient pour cadre le base-ball ou d’autres sports, Mitsuru Adachi sait toucher son public par un récit et des personnages attachants.
À lire : Comment faire un shômen manga
Rumiko Takahashi (Maison Ikkoku, Inuyasha) le cite comme l’un de ses maîtres et Chuck Austen (X-Men) parle ouvertement de son admiration pour ces œuvres.
La fausse simplicité
Il est l’un des mangaka les plus célèbres et l’une des plus grandes fortunes du Japon. Il doit son succès à un graphisme stylisé, à une mise en page dynamique, à une narration qui sait prendre son temps et à un humour désopilant.
Les héros d’Adachi sont facilement reconnaissables à leurs traits simplifiés, à leurs oreilles en anses d’amphore, aux yeux immenses dont souvent seule la ligne supérieure des cils souligne l’ovale.
Ils représentent pour les néophytes le type même du dessin niais, tout en arrondi. C’est méconnaître la virtuosité nécessaire pour réussir à suggérer volume et profondeur avec juste une ligne au pinceau fait de plein et délié.
La simplicité apparente cache une maîtrise réelle du dessin, des connaissances précises en anatomie.
Inutile de charger les planches de trames et des détails superflus pour masquer un trait peu sûr. Simple mais efficace, Adachi ne dessine que l’essentiel.
Initialement influencé par le gekiga et le shôjo, Mitsuru Adachi a réussi à créer un subtil mélange de romance fleur bleue et de récit sportif, qui a propulsé Touch au rang de manga culte.
Loin d’être mièvre, il est l’un des rares mangaka a avoir osé tuer l’un de ses personnages principaux en plein milieu de la série.
Il se spécialise dans les amours adolescentes, dans la subtile naissance des sentiments et les atermoiements du cœur.
La dilatation d’actions apparemment secondaires et des dialogues est un de ses procédés fétiches.
Elle vise à donner une densité temporelle aux personnages, qui semblent vivre et évoluer au cours du manga.
L’expression du mouvement est particulièrement soignée et diversifiée : lignes de vitesse, ellipse, changement de cadrage et de point de vue.
Le lecteur peut ainsi se surprendre à se passionner pour un match de base-ball alors qu’il n’en connaît même pas les règles élémentaires.
Mais si vous êtes définitivement allergique au base-ball, il y a la boxe (Katsu) et la natation (Rough).
Le sport, loin d’être accessoire, permet de mettre en lumière les tensions implicites entre les personnages.
La concurrence sportive se superpose à la rivalité amoureuse.
À la fin du manga, véritable récit d’apprentissage, le personnage initialement peu sûr de soi et un peu maladroit devient un véritable héros.
Enfin l’humour et l’autodérision se font de plus en plus présents. Bien sûr on retrouve les inévitables quiproquo entre les amoureux.
Dans Rough et Slow step qui paraissaient en même temps (l’un dans la catégorie shônen, l’autre en shôjo), Adachi a multiplié les publicités internes incitant le lecteur à acheter les volumes de l’autre série.
Dans Niji-iro Tôgarashi, il s’est amusé à dépeindre un Japon médiéval improbable.
Dans Itsumo Misora, il tourne en bourrique son lecteur qui ne sait jamais dans quel genre de manga il se fourvoie.
Et si Mitsuru Adachi cède au fan service avec des plans sur les dessous des personnages féminins, cela est fait avec suffisamment d’humour pour que même le lectorat le plus féministe sourit.
Donc répétez après moi « Adachi est un génie ».
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