En Europe, les termes MMO évoquent Blizzard et son World of WarCraft. En Asie, les mêmes termes font inévitablement penser à Nexon, le géant qui est en train de racheter petit à petit ses concurrents et qui compte bien s’établir dans le reste du monde.
La société avait fait parler d’elle l’an dernier en se proposant de racheter Electronic Arts et Valve. Accessoirement, en 2012, elle a acquis près de 15 % de son principal concurrent coréen, NCsoft (connu en Europe pour Guild Wars). Pour nous, Européens, cela n’évoque rien. Mais pour un Coréen, c’est comme si Pepsi s’introduisait dans le capital de Coca Cola…
Tout commence en Corée avec une bande dessinée (manhwa) à succès : Kingdom of the Winds de Kim Jin. En 1994, la société Nexon est créée par Jung Ju Kim pour adapter la série en un jeu vidéo multijoueur en ligne qui sort officiellement en avril 1996.
Ce titre est l’un des premiers MMORPG aux graphismes en 2D au monde ; en 2010, il entre même dans le Livre des records en tant que MMO dont l’exploitation a été la plus longue.
En quinze ans, le jeu a été traduit et exploité au Japon, en Amérique, en France… Nexon est aussi le pionnier du free to play puisque Kingdom of the Winds est monétisé par le biais de microtransactions.
Après ce premier succès, la société poursuit dans la création de MMO F2P qui rencontrent un succès d’autant plus grand que les cybercafés sont légion dans un pays où la crise de 1997 pousse les étudiants à se divertir à petits prix.
Il faut dire qu’après-guerre, la Corée avait fortement restreint l’importation des consoles et machines d’arcade de son ex-occupant et voisin japonais (et cela a duré jusqu’en 2004). Ce protectionnisme a permis au pays de développer les jeux en ligne tout en déployant une couverture de réseau Internet performante.
C’est dans ce contexte particulier que s’est développé NCsoft, autre géant du MMO qui se spécialise dans des titres plus core gamerscomme Lineage, Guild Wars, Aion.
Casual et mignon…
Chez Nexon, les jeux sont un peu plus casual que chez NCsoft. Parmi leurs plus gros succès figure Mapple Story. Lancé en 2003, ce jeu aux graphismes 2D kawaii comptabilise plus de trois cents millions d’utilisateurs.
Il a été adapté en de multiples jeux mobiles, en cartouche Nintendo DS, en jeux de cartes. Il y a même une série animée produite par les Japonais de Madhouse (Perfect Blue, Ninja Scroll, Paranoia Agent, Monster…).
Le principe est simple : vous créez un personnage puis vous parcourez le monde composé de différentes îles. Vous vous déplacez en scrolling horizontal en tuant tous les monstres sur le chemin (certains ressemblent d’ailleurs à des gros slimes de Dragon Quest, mais verts…).
De cette façon, vous gagnez des points d’expérience pour faire évoluer votre personnage dans la classe que vous aurez choisie afin qu’il puisse battre des ennemis encore plus puissants. Efficace sans être passionnant, le jeu est surtout gratuit et tourne sur des PC peu puissants.
Par la suite, Nexon sort d’autres MMORPG mais avec des graphismes en 3D : Mabinogi (2004), Atlantica (2008), Dragon Nest (2010)… Là encore, il s’agit de RPG et après un succès en Asie, le jeu s’exporte en Amérique et en Europe.
Dans un tout autre genre, KartRider (2004) est lui aussi un succès. Comme son nom l’indique, il s’agit d’un jeu de course à la Mario Kart, mais jouable en ligne en F2P.
Bien sûr, le succès étant au rendez-vous, les adaptations sur d’autres plateformes fleurissent : KartRider Rush sur iOS et KartRider Dash sur Facebook.
Selon les rumeurs sans doute bien alimentées par le service communication de Nexon, 25 % de la population coréenne aurait joué à ce titre.
En tout cas, la popularité est telle que certains de ses circuits vont être reproduits en véritables pistes de karting en Corée…
L’hégémonie de Nexon est telle au pays du Matin-Calme que la société est l’acteur incontournable du MMO. Elle racheté une part de son concurrent NCsoft et elle a su lier plusieurs partenariats de distribution non négligeables.
Elle est ainsi associée à FIFA Online avec EA ou ceux de Counter-Strike Online et DotA 2 avec Valve. Ce n’est donc pas si étonnant que Nexon ait pensé à racheter les deux éditeurs occidentaux.
Pour se faire plein de ronds
Actuellement, la société exploite plus d’une soixantaine de titres dans une centaine de pays. Elle compte plus de trois mille employés à travers le monde et recrute constamment de nouveaux collaborateurs.
Le siège a été déplacé de la Corée au Japon et des filiales américaines et européennes ont été établies afin de mieux adapter les titres aux différents marchés, en ajoutant des éléments appartenant à la culture des pays où les MMO sont exploités.
Cela passe par des lieux connus, des éléments architecturaux, des personnages historiques ou des événements en jeu et des items créés spécifiquement pour certaines communautés de joueurs. Il y a même des donjons spéciaux selon les pays.
Outre la traduction des interfaces et des dialogues, un travail important sur l’adaptation est donc mené.
Évidemment, ces flots de personnages dont les graphismes rappellent les mangas n’ont pas la même réception partout dans le monde.
Pour que les jeux soit sans doute un plus populaires en Occident, Nexon a cherché à faire des jeux un peu moins typés comme Vindictus (Mabinogi Heroes en Corée), hack and slash tournant sur le moteur de jeu Source, créé par Valve.
Bien sûr, cette expansion vers l’Ouest est liée à la relative saturation du marché en Asie. Au quatrième trimestre de 2012, le nombre de joueurs actifs par mois (MAU) sur les jeux Dungeon & Fighter et Counter-Strike Online avait notamment baissé en Chine à cause de la concurrence de League of Legends.
En Corée, le MAU baisse de manière continue et il faut investir en marketing et en mises à jour pour intéresser un public particulièrement volatil.
Au Japon, les joueurs délaissent le PC pour le mobile et c’est sur ce créneau que Nexon compte s’améliorer en rachetant des studios de jeux (Gloops, inBlue) ou en s’associant avec DeNA, société qui gère la plateforme de jeux sociaux Mobage.
Même si l’Europe et l’Amérique représentent moins de 20 % du chiffre d’affaires, ces deux marchés sont pour Nexon les prochains relais de croissance. Dans le but de renforcer sa position, la société était entrée en bourse au Japon à la mi-décembre 2011 afin de lever 1,2 milliard de dollars.
Et cette année, après le succès de World of Tanks et avant l’arrivée de World of Warships, elle tente de se frayer un chemin vers le gâteau que représentent les simulations de batailles navales avec Navy Field 2.
Comme nous l’explique Holger Zimmermann (associate director) : « Nous essayons de proposer des jeux avec des niches différentes. C’est le cas avec Navy Field 2. Si vous faites simplement un MMORPG, il y a beaucoup de concurrents, alors que si vous faites un jeu de bataille navale tactique, il y en a bien moins. »
Manque de chance au niveau du timing, on voit cette année fleurir beaucoup de jeux avec combats maritimes qui vont intéresser différents publics : Kartuga d’InnoGames (free to play sur navigateur), Silent Hunter d’Ubisoft (free to play sur navigateur), World of Warships (free to play avec client à installer) et dans un autre genre Assassin’s Creed IV…
Mais les développeurs de Nexon restent confiants et estiment que ce n’est pas le même public que visent ces différents titres.
De plus, ils considèrent que les MMO sur navigateur ont plus à craindre que les MMO avec installation de client car la concurrence avec les jeux sur tablette est plus immédiate. Zimmermann nous assure que toutes ces plateformes seront à moyen terme complémentaires :
« Je pense que dans un futur pas si lointain, nous verrons des jeux qui se déclinent sur plusieurs supports de sorte que lorsque je rentre chez moi après le travail, je puisse faire des sessions de jeux longues de plusieurs heures avec un MMO F2P client based et lorsque je suis à mon bureau ou dans les transports, je puisse jouer à ce même MMO avec une autre version. »
En attendant ce futur proche, Nexon Europe compte bien imposer ces MMO F2P en téléchargement pendant que les filiales asiatiques poursuivent le développement de MMO sur mobiles et tablettes qui arriveront chez nous quelques années plus tard…
Les chiffres qui font rêver les marketeux
Dungeon Fighters a généré 2 milliards de dollars de chiffre d’affaires depuis 2005
Mapple Story a généré 1,5 milliard de dollars de chiffre d’affaires depuis 2003
KartRider a généré seulement 500 millions de dollars de chiffre d’affaires depuis 2004
Record du MMO avec la plus longue exploitation pour Kingdom of the Winds
700 000 utilisateurs simultanés pour le jeu Crazy Arcade BnB en Chine
Nexon revendique 77 millions d’utilisateurs actifs par mois
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