Sans le savoir, les joueurs de League of Legends, Clash of Clans et Fortnite financent en partie le régime politique communiste qui maintient le peuple chinois sous la coupe d’un président à vie. Depuis 10 ans, la Chine achète progressivement le jeu vidéo mondial.
Le Parti Communiste Chinois a longtemps cherché à empêcher les loisirs occidentaux de pénétrer les frontières du pays par peur de voir les masses séduites par la liberté de ton et l’assurance des héros.
Ainsi les jeux vidéo sur consoles étaient interdits entre 2000 et 2014, tandis que les jeux PC et online étaient prohibés par le biais du Grand Firewall de Chine. Officiellement il est connu comme le Projet Bouclier Doré.
L’opération consiste à établir une censure totale et la surveillance continue de l’internet en Chine. En coupant les masses des informations divergentes, il est plus facile de les manipuler.
En parallèle, le Parti communiste a mis en place une vaste opération de rachat des industries culturelles occidentales dont la plus rentable et la plus populaire : le jeu vidéo.
En fait la vraie question aujourd’hui est quelles sont les sociétés non influencées par le communisme chinois ?
Historique des rachats par la Chine
Comme j’ai le mauvais goût de m’intéresser à l’économie du jeu vidéo et pas seulement au gameplay, j’ai été surprise par la rapide implantation de Tencent dans les industries du divertissement.
Voici un court historique des achats de sociétés de jeu vidéo par la Chine.
- 2011 Rachat à 92.78% de Riot Games, créateur du MMO League of Legends. Rachat complet en 2015.
- 2013 Rachat à hauteur de 40% d’Epic Games.
- 2015 Rachat à plus de 50% de Miniclip
- 2016 Rachat à 84,3% de Supercell, développeur du jeu mobile Clash of clans, Boom Beach et Hay Day.
- 2018 Rachat à 80% de Grinding Gear Games (Path of Exile), RPG Free to Play
- 2019 Rachat à 100% de Sharkmob, nouveau studio composé d’anciens développeurs de la série Hitman.
En 2020, les investissements de Tencent sont toujours aussi importants mais les montants et les pourcentages sont désormais secrets.
Comme il ne faut pas se faire remarquer lorsqu’il s’agit d’infiltration financière, la plupart des nouveaux rachats sont effectués avec une jolie clause de confidentialité.
On sait juste que Tencent a acquis en totalité ou en partie des studios de jeu core gamer comme Platinum Games (NieR:Automata, Bayonetta) et Yager (Spec Ops: The Line).
La Chine achète donc les studios de jeu vidéo mais évite que cela soit trop médiatisés.
Investir dans tous les formats de jeu
Pour ceux qui n’y connaissent vraiment rien en jeu vidéo, League of Legends est l’un des leaders du jeu en ligne avec 1,5 milliard de dollars de revenus en 2019 selon le rapport SuperData de Nielsen.
Chaque année les tournois d’e-sport sont célébrés avec concert et clip-musicaux exclusifs.
De son côté, Epic Games produit le moteur de jeu Unreal Engine qui est le plus populaire du marché du jeu vidéo (environ 25% des jeux créés l’utilisent).
Il intéresse aussi de plus en plus l’industrie du film et de l’animation pour la création d’effets spéciaux en temps réels.
Mais la société est surtout connue du grand public pour la série Gears of War et Fortnite. Ce dernier a rapporté 1,8 milliard de dollars de revenus en 2019.
Epic Games se positionne également comme un concurrent de Valve dans la distribution de jeux PC en ligne. Les joueurs de Borderlands 3 en savent quelque chose…
On constate donc que Tencent investit dans les sociétés les plus rentables du moment tout en ayant une participation dans les autres firmes de jeu vidéo, dont :
- 5% Activision Blizzard (Call of Duty et World of Warcraft)
- 5% Ubisoft (Assassin’s Creed, Rayman)
- 5% Paradox Interactive (Crusader Kings et Hearts of Iron)
- 9% Frontier Developments (Elite Dangerous, Planet Zoo)
- 10% Sumo Group (Forza Horizon, Team Sonic Racing)
- 11,5% Bluehole (PlayerUnknown’s Battlegrounds)
- 20% Marvelous (Story of Seasons)
- 21,5 Glu Mobile (jeux mobile japonais)
- 29% Funcom (Conan Exiles et The Secret World)
- 36% Fatshark (Warhammer: Vermintide 2)
Il faudrait ajouter à cette liste les sociétés de jeu vidéo coréennes et d’autres entreprises moins connues qui ont pu bénéficier de financement chinois.
Et comme beaucoup de société sont liées à Tencent sans l’annoncer, on peut vraiment se demander quels sont les développeurs de jeu vidéo non dépendant de la Chine.
Le tableau est incomplet mais il montre la progressive concentration des sociétés de jeu vidéo dans les mains de Tencent.
Qu’est-ce que Tencent ?
C’est actuellement un géant de la communication similaire à Google dans le sens où le business model repose sur la vente de publicité en ligne sur des plateformes de communication dont la société est propriétaire.
Tencent a commencé par une messagerie en ligne (QQ) avant d’acheter des licences de jeux vidéo coréens et d’investir dans la création de MMO maison.
Dans le même temps, Tencent investit dans les sociétés occidentales avant de les racheter intégralement.
En quoi est-ce un problème ? Après tout, l’achat et la vente d’actions est une pratique tout à fait normale dans une pratique de marché libre.
Certes, mais dans un régime communiste tout appartient à l’État. Du moins, une certaine partie des membres du Parti.
Pourquoi la Chine rachète les sociétés de jeu vidéo ?
La réponse est triple : surveiller, divertir et « rééduquer ».
Du pain et des jeux
L’aspect le plus simple à comprendre dans cette stratégie sur le long terme est le divertissement. Rappelons que le mot veut dire « détourner quelqu’un de quelque chose » et non « procurer un plaisir transitoire ». Au niveau de l’étymologie, divertir c’est faire sortir de la voie, du chemin.
Divertir les masses c’est donc les détourner des vrais problèmes potentiels, de maintenir leur attention occupée par des querelles secondaires pendant que ceux qui ont une véritable mainmise sur la société vaquent à leurs activités.
La stratégie est bien connue sous l’expression « du pain et des jeux ». À la place des jeux de cirque, les jeux vidéo et les polémiques tiennent les jeunes hommes loin de la sphère politique ou des enjeux économiques.
Concrètement, quand vous passez 2 heures par jour à jouer vous n’avez pas le temps de vous renseigner sur les affaires du monde et vous êtes plus enclin à faire confiance aux médias mainstream ou à votre entourage sans vous poser de question.
Dans la société de l’information contemporaine, le temps est la seule denrée rare. Et conserver les foules agrégées derrière un écran est le plus sûr moyen de les garder à l’écart.
Don facultatif obligatoire des informations personnelles
Deuxièmement, acheter les sociétés de jeu vidéo permet d’avoir accès à des millions de données personnelles et ainsi de surveiller une partie de la population des pays étrangers.
Plus besoin d’envoyer des espions lorsque les informations arrivent volontairement et directement dans les data centers.
En effet, lorsque vous jouez, vous êtes toujours plus ou moins obligé de vous connecter à un réseau appartenant à l’éditeur, au constructeur.
Que ce soit un compte Steam, Blizzard, PS4, Nintendo, ou Facebook pour les jeux mobile, vous êtes obligé de décliner votre identité.
D’autres informations sont liées à vos comptes, que ce soit un moyen de paiement, votre liste d’amis en ligne, vos habitudes de connexion et temps de jeu, vos historiques de conversation, etc.
Autrefois, il suffisait d’acheter une disquette ou une cartouche de jeu avec de l’argent liquide. Vous étiez alors « non traçable ».
Policing Thoughtcrime
Troisièmement, les jeux vidéo sont plus immersifs que n’importent quel film ou livre. Ils offrent une version alternative de la réalité et procurent des interactions humaines contraintes par des interfaces spécifiques.
En contrôlant l’imaginaire et en aiguillant les masses vers ce qui est censé être plaisant et communément acceptable, les univers de fiction peuvent opérer une forme de « rééducation » des joueurs.
Là, vous vous dites que j’ai fumé et que la passoire me servant de couvre-chef fait mauvais genre. Malheureusement, ceci est au cœur des débats actuels avec les journalistes mainstream et les développeurs qui souhaitent intégrer plus de « diversité » dans les jeux.
Certains font carrière en devenant consultant afin d’inclure plus de personnages féminins en jeu car la représentation imaginaire influerait les comportements masculins qualifiés comme « toxiques ».
Notons que ces mêmes consultants sont incapables de voir en quoi les femmes possèdent également des comportements « toxiques » et comment ceux-ci diffèrent des agissements masculins.
Concrètement, l’intervention de ces consultants se perçoit surtout par des récits où tous les postes de pouvoir sont assurés par à peu près tout sauf un homme blanc hétérosexuel. Visuellement, les personnages féminins sont priés de se rhabiller pour lutter contre le patriarcat.
Quelqu’un a dû oublier de passer le mémo aux féministes qui luttaient contre le patriarcat en étant sein à l’air…
NIMBY : démoraliser l’ennemi
Contrairement aux jeux vidéo diffusés en Occident, les jeux vidéo en Chine sont contrôlés par le Parti Communiste. Littéralement. Ils ne peuvent être distribués qu’après une autorisation du gouvernement. Comme le soulignait une source du quotidien South China Morning Post.
They still need approval from the culture ministry … for their products, which I think is reasonable, because the government wants to make sure the content of your games is not too violent or politically sensitive for young people
SCMP
Donc, le Parti vise à la fois à contrôler les joueurs des pays étrangers et les masses en interne. Du coup, les jeux sont soumis à un lifting plus ou moins importants selon les avis des experts.
Ainsi, en Occident plus de 27 personnages du jeu Overwatch sont non hétérosexuels. Dans la version chinoise, tout le monde couche avec le sexe opposé parce qu’il ne faudrait pas montrer des « dégénérés » pour divertir les foules en Chine. Cachez ces LGBTQ que l’on ne saurait voir !
Autrement dit, les sociétés acquises par Tencent appliquent le NIMBY (Not in my Back Yard), réservant les pratiques que le Parti estime non conforme en dehors du territoire chinois.
Si l’on peut douter de la rééducation des gamers sur le court terme, il est clair que, financièrement, l’infiltration est réelle et qu’elle permet au Parti de trouver des ressources monétaires auprès des pays dont il n’a pas encore l’emprise.
Bien sûr, la Chine n’achète pas que les sociétés de jeu vidéo. Les réseaux sociaux et les plateformes de communication constituent l’autre grande partie des investissements avec dans leur escarcelles Discord, Reddit et bien d’autres. Mais ceci est une autre histoire à lire ici.
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